N’ayons pas peur des mots : un parfum historique, inoubliable, pourrait exhaler de cette journée de demain. Pour la discipline bien sûr. Mais également pour l’équipe de France olympique. Un de ces moments dont passionnés et béotiens se souviennent avec émotion, quelques années après.
Ce vendredi, Teddy Riner foulera le tatami du Budokan pour marquer encore plus l’Histoire du judo et du sport français qu’il ne l’a déjà fait. À la conquête d’un troisième titre olympique, le décuple champion du monde a la possibilité d’égaler la légende japonaise Tadahiro Nomura, sacré en 1996, 2000 et 2004 en -60kg. Et même de le dépasser dans le palmarès puisque le Français avait remporté le bronze en 2008 à Pékin. C’est donc bien l’une des plus grandes pages de l’histoire du sport tricolore qui se déroulera sous nos yeux demain.
Une quête historique qui passera par de nombreux obstacles et défis. Non tête de série, Riner ne sera pas dispensé de premier tour. Premier combat du jour, il devra d’abord de se défaire de l’Autrichien Stephan Hegyi. Un gaucher au redoutable tai-otoshi contre qui le Français avait eu beaucoup de mal à Paris en février 2020. Mais le contexte sera différent, avec un Riner plus affûté que jamais et habitué à la pression olympique.
Ensuite, cela pourrait être l’Israélien Ori Sasson, que le Tricolore avait battu en demi-finale à Rio, il y a cinq ans. Leur dernière rencontre !
Non classé sur ses derniers tournois, l’Israélien ne devrait, logiquement, pas représenter la plus grande menace pour Riner. Car c’est ensuite que les choses très sérieuses commenceront, avec le talentueux Tamerlan Bashaev (en ¼ de finale) et possiblement le Géorgien Guram Tushishvili (en demi). Préféré à Inal Tasoev par le staff russe, le champion d’Europe 2020 et vice champion du monde 2021 s’était montré totalement impuissant face à Riner en début d’année au Masters. Quant au Géorgien, il avait ployé sous la puissance de Riner lors du premier tour des championnats du monde toutes catégories fin 2017 au Maroc, quelques semaines seulement après avoir fait vaciller le Français en finale des championnats du monde. Au meilleur de sa forme lors du Masters début janvier, le double champion olympique avait frappé un très grand coup, rappelant à tous les outsiders aux dents longues qu’il était, encore et toujours, l’unique patron des +100kg. Une démonstration saisissante dont ce vendredi sera une copie conforme ? Si c’est le cas, voir Riner sur la plus haute marche du podium relèvera du solide espoir. Pour un ultime combat contre Hisayoshi Harasawa ? Cinq ans après, le Nippon n’a jamais oublié sa défaite de Rio. Battre Riner, en finale, au Japon (et au Budokan, le temple des arts martiaux tokyoïte), voilà qui pourrait bien surmotiver (ou paralyser ?) l’ancien capitaine de l’université de Nichidai, vainqueur des championnats d’Asie et en argent au Grand Chelem d’Antalya. Pour cela, il faudra d’abord qu’il se défasse ou de Lukas Krpalek, son bourreau des championnats du monde 2019, ou du Néerlandais Henk Grol, à la recherche d’une troisième médaille olympique.
Chez les féminines, l’insouciante et travailleuse Romane Dicko est vue comme la seule pouvant défier et battre la Japonaise Akira Sone. De la même génération, les deux jeunes femmes ne se sont rencontrées qu’une fois : c’était aux championnats du monde juniors 2017. Au premier tour. Une éternité en somme. Depuis, l’une est devenue championne du monde seniors en 2019. L’autre est double championne continentale (2018 et 2020) et n’a plus perdu depuis le Grand Chelem d’Osaka 2019, alignant six victoires d’affilée, entre Grands Chelems, Masters et championnats d’Europe. Duel annoncé, Dicko/Sone pourrait bien offrir la troisième finale franco-japonaise chez les féminines.
Mais avant ce choc annoncé (et attendu), la Française devra battre ou la Lituanienne Sandra Jablonskyte (Dicko mène deux à zéro dans leurs confrontations directes) ou la Croate Ivana Maranic (jamais classée sur ses treize dernières sorties). Le dur, la Française rentrera dedans sans doute en quart de finale contre la Brésilienne Marie Suelen Altheman. Quatrièmes JO pour la Carioca, en bronze il y a un mois à Budapest. Puis ça pourrait être la légende cubaine Idalys Ortiz en demi, battue par Dicko au Masters en janvier. Attention toutefois à ce qui pourrait être le baroud d’honneur de l’éternelle championne (trois médailles olympiques, une de chaque métal) formée par Ronaldo Veitia.
Ultime journée de l’épreuve individuelle, on se prend à rêver pour ce vendredi du même triomphe qu’avait été celle vécue à Rio, avec les titres d’Émilie Andéol et Teddy Riner. Quoiqu’il arrive, ce vendredi restera comme l’un des moments forts de ces JO. Rendez-vous demain à quatre heures. Voir une page de l’histoire du judo se dérouler sous ses yeux (et en direct), ça ne se rate pas.