Le champion du monde de judo des -73 kg n’échappe pas à la sanction
Champion du monde de judo en -73 kg à Rio… mais suspendu à Tenri. Les contradictions du judo japonais à travers les 20 ans de Shohei Ono / Emmanuel Charlot – Esprit du Judo
Protégé le temps de la préparation au championnat du monde qu’il a réussi en beauté, le tout nouveau champion du monde de judo des -73 kg, Shohei Ono, n’a guère eu le temps de savourer son titre ni les compliments qui vont avec. Alors qu’il s’en tirait jusque là avec un avertissement et quelques excuses publiques, le complément d’enquête sur « l’affaire des violences » à Tenri (pour le rappel des faits, c’est ici), demandé par la Fédération japonaise aboutit à sa suspension pour trente jours de tout enseignement à l’Université, au même niveau que les quatre étudiants de dernière année déjà sanctionnés. Cinq autre étudiants ont pris quinze jours de suspension et deux autres ont été réprimandés. Plus grave, ou plus symbolique, le jeune homme est déchû de son satut prestigieux de Capitaine de l’équipe de Tenri. Il aurait reconnu avoir frappé lui aussi des première années. La Police s’intéresse à la question et investigue pour d’éventuelles inculpations !
Shohei Ono se déclare désolé à travers un communiqué.
« Je regrette profondément ce que j’ai fait. Je suis désolé pour mes actions, en particulier au moment où la Fédération Japonaise de Judo essaye de réprimer la violence physique dans le sport. »
L’enjeu est là en effet. C’est la grande époque de la lessive publique. Et c’est la limite de cette indignation générale visant seulement ces étudiants… qui n’ont fait, globalement, que se comporter comme le système leur demandait de leur faire. Il y a des modulations possibles dans l’attitude d’un « sempai », et c’est sans doute ce à quoi devra désormais réfléchir le jeune Shohei Ono, 21 ans, mais ces violences n’ont rien d’une dérive (comme par exemple, l’épisode de l’expédition punitive de certaines féminines dans un chambre de l’Insep), car son rôle quasi officiel était de faire régner le « bon état d’esprit ». L’Université de Tenri, réputée pour son club de judo, est aussi réputée pour la dureté de l’entraînement et des relations « sempai – kohai ». Ono, Capitaine de l’équipe, n’a fait que se conformer à une demande implicite. Les brutalités soudainement dénoncées comme un scandale ne sont évidemment pas les premières. Seront-elles les dernières ? C’est peu probable si le Japon, le judo japonais en particulier, dans son effort louable d’éradiquer des pratiques datées et pernicieuses de son modèle culturel, ne fait pas un effort plus global d’auto-analyse. En attendant, Shohei Ono n’ira pas en cours pendant un mois… ce qui lui permettra de s’entraîner encore un peu plus (pas à Tenri car pour l’instant l’entraînement est suspendu) et ce qui n’est pas trop grave puisque son diplôme final sera plus ou moins fictif. Encore des questions que le judo japonais doit se poser.