Si l’on en croit le documentaire diffusé par la fédération japonaise de judo (AJJF) à l’occasion du dernier Zen Nihon, c’était sa dernière participation à cet évènement. Shohei Ono, trente ans, qui y a été battu au premier tour par Kazuya Maeda (-90kg), en fait en effet l’annonce dans ce reportage visible sur la chaine Youtube de la fédération nipponne.
Une participation sur laquelle le double champion olympique et triple champion du monde est revenue le 1er juin dernier, dans une interview donnée au quotidien Nikkan Sports (l’équivalent japonais de L’Équipe).
Plutôt avare de confidences, le génie de Tenri revient sur l’olympiade qui l’a amenée à être sacré à Tokyo exprimant son malaise entre sa vision du judo et la direction que prend ce dernier. Sorti seulement sur quatre Grands Chelems entre février 2017 et février 2020, Ono se montre d’une franchise plutôt rare : « Je n’ai pour l’instant jamais pu incarner le judo que je recherche. Jusqu’aux Jeux olympiques, je ne combattais pas pour devenir plus fort, mais pour gagner des combats. Durant cette période, gagner des combats et devenir plus fort sont deux objectifs qui se sont éloignés l’un de l’autre, alors qu’ils devraient être concomitants. Les choses changent, les règles d’arbitrage changent. Mais au regard de l’identité du judo, je ne pense pas qu’on soit dans la recherche de l’essence de notre discipline. Par exemple, quatre minutes n’est pas assez long pour montrer ce que je veux exprimer.»
Un témoignage qui éclaire d’un jour nouveau sa prestation lors du Grand Chelem de Düsseldorf 2020, dernière compétition auquel le Nippon a participé en Europe et même avant les Jeux olympiques 2021.
L’Esprit du Judo avait d’ailleurs parlé à cet égard de service minimum de la part du judoka de Tenri (à lire ici : https://lespritdujudo.com/grand-chelem-de-dusseldorf-2020-j2-ono-service-minimum). Une lassitude face à une évolution telle qu’elle l’aurait poussée à envisager d’arrêter sa carrière après Tokyo ? Une hypothèse qui courait, finalement démentie après sa victoire en finale contre le Géorgien Lasha Shavdatuashvili.
Reste que le meilleur poids moyen de l’histoire du judo nippon (avec Isao Okano) regrette l’attitude de certains de ses adversaires : « mes adversaires reculent et je dois les «chasser» en permanence pour réduire la distance et essayer de les projeter. Ils essayent d’annihiler mes points forts. Et moi j’essaye de les empêcher de faire cela. Ce qui fait du négatif plus du négatif. De nos jours, le judo est un jeu de broyage ou les qualités de chaque judo ressortent moins. Une configuration qui rend le judo ennuyeux à regarder.»
Dans cette interview réalisée par Kengo Abe et Atsushi Kinoshita, Shohei Ono n’évoque même pas les JO de Paris. « Pour l’instant, c’est dur d’être motivé par les Jeux. Si je dois me préparer pour cela, j’aurais alors l’obligation de gagner. Mais je dois comprendre les règles. Et je n’ai pas l’énergie de comprendre les nouvelles règles. »
Revenant enfin sur la situation du judo au Japon, le champion olympique en titre déclare : « nous devons réfléchir aux raisons qui pourraient encourager les enfants à débuter le judo, plutôt qu’à essaye de retenir ceux qui pratiquent déjà la discipline. »
Une remarque faite dans un contexte de perte continue de licences au Japon : entre 2004 et 2021, le nombre de licenciés au Japon est passé de 202.025 à 122.184. Au niveau des écoles élémentaires, la baisse est de presque 50% : 47.512 en 2004, 25.636 en 2021.
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