Médaille de bronze pour Pinot, cinquième place pour Deketer

Son aura de superstar de la discipline nimba toute la journée l’air de l’ISS Dome de Düsseldorf. Vainqueur – évidemment – attendu, Shohei Ono a assuré ce samedi le service minimum, (très) loin de son indécente démonstration réalisée à Tokyo l’été dernier. Une des trois victoires nipponne du jour puisque Miku Tashiro, assez facile, et Chizuru Arai, très opiniâtre, font elles aussi raisonner le Kimi Ga Yo. Et côté français ? Deux septièmes places pour Guillaume Chaine et Alpha Djalo, une cinquième place pour la jeune Manon Deketer mais surtout une « bonne » médaille de bronze pour Margaux Pinot, vraiment pas dans un grand jour, mais qui trouve malgré tout les ressources pour glaner son septième podium en Grand Chelem. Mention spéciale au Géorgien Tato Grigalashvili, auteur d’une journée XXL en -81kg.

Pinot au mental

Le sourire de Margaux Pinot, en bronze ce samedi. Crédit photo : Aurélien Brandenburger / L’Esprit du Judo

Elle n’aura mis qu’un ippon sur un mouvement, ce samedi. Ce fut contre l’Espagnole Bernabeu (un ippon-seoi-nage) en 1/4 de finale. Battue en demi-finale par la Japonaise Arai sur un gros uchi-mata, les autres victoires du jour de la -70kg furent acquises aux pénalités, dont celle pour le bronze face à la pépite Espagnole, seulement junior 1re année, Ai Tsunoda-Roustant (3e au GP d’Israël). Peu en jambes, lente et sans vraiment d’impact selon une auto-analyse à chaud mais sans concession après son podium, Margaux Pinot trouve pourtant les ressources mentales pour aller chercher une médaille de bronze sur ce Grand Chelem allemand. Un argument qui pourrait peser dans le choix du staff de sélectionner la -70kg aux championnats d’Europe fin avril à Prague, elle qui est, rappelons-le, championne d’Europe en titre et médaillée mondiale.
Manon Deketer termine elle au pied du podium, battue au rythme (et à l’expérience) par la Mongole Bold aux pénalités. Mais comme l’expliquait Alain Schmitt, son entraîneur de club au sein de l’ESBM et présent dans les tribunes, la prestation de la -63kg ce samedi reflète la belle progression de celle qui venait de remporter l’Open du Portugal au début du mois. « Il lui manque encore un mouvement fort vers l’avant et des schémas au kumikata. Mais Manon est sur une pente ascendante depuis plusieurs mois. Cette cinquième place est donc un excellent résultat pour elle qui prépare déjà la prochaine olympiade. »
Même si elle s’incline au sol, en demi-finale, face à la championne olympique Tina Trstenjak, le ne-waza est l’un des atouts de Deketer. La preuve ? La clé de bras plein d’opportunisme qu’elle place à la Canadienne Beauchemin-Pinard, 10e mondiale, au deuxième tour. Disposant aussi d’un sasae à droite intéressant, Deketer montre, aujourd’hui, le bout de son nez à très haut niveau. A suivre dans les prochains mois. Dans la même catégorie, Agathe Devitry, la championne de France en titre, s’incline au premier tour contre la Tchèque Zachova.

De bons points pris pour Chaine et Djalo
Chez les masculins du jour, Guillaume Chaine et Alpha Djalo terminent donc tous les deux classés. Le premier bénéficie d’un tirage au sort plutôt favorable, se sortant tout de même d’un deuxième tour piégeux contre un jeune Allemand, Shamil Dzavbatyrov, sur un joli sasae. Battu par le Suédois Tommy Macias en 1/4 de finale, le -73kg Français tombe à nouveau contre le Slovène Martin Hojak en repêchage.
En -81kg, Alpha Djalo, après une victoire contre le Brésilien Santos, l’Egyptien Mohamed et le Bulgare Ivanov mène face au Géorgien Grigalashvili avant de se faire rattraper puis battre. En repêchage, le Français subit le o-goshi à une main du combattant local, Dominique Ressel. Une septième place pour chacun qui apportera tout de même son lot de précieux points alors qu’actuellement Alpha Djalo est qualifié pour Tokyo via un quota continental.

Ono/Changrim, Düsseldorf avant Tokyo ? 

Shohei Ono, star du jour à Düsseldorf. Crédit photo : Aurélien Brandenburger / L’Esprit du Judo

Lors de l’échauffement, son entraîneur référent, Yusuke Kanamaru, le protégeait des autres judokas. Derrière les panneaux publicitaires,une nuée de journalistes et photographes suivaient les uchi-komi qu’il assénait à son partenaire, le -66kg Kengo Takaichi. Et alors que tout le monde est invité à sortir du tapis, le voilà à prendre ses marques sur le tapis n°4 avec salut et chute arrière. En plusieurs images, on mesurait le statut de « judoka pas comme les autres » qui caractérise désormais Shohei Ono.
Le triple champion du monde japonais qui, ce samedi, a donné l’impression de simplement sécurisé une victoire (tout en prolongeant son invincibilité) qui va lui permettre de devenir n°3 mondial. Car le génie de Tenri n’a jamais démontré l’obsession du ippon qui avait tant frappé à Tokyo l’été dernier. Osons même l’hypothèse suivante : le champion olympique de Rio donne l’impression de n’être désormais transcendé que par les compétitions majeures (championnats du monde ou JO). Absent à Tokyo pour une légère blessure, sa prestation d’hier transpirait la gestion avec juste ce qu’il faut de sérieux pour ne pas se faire surprendre, notamment contre des clients de la catégorie. Sa marge avec le reste des autres -73kg (à l’exception peut-être du Coréen) est telle, qu’une prestation simplement satisfaisante suffit au Tenri Boy pour gagner son troisième Grand Chelem d’affilé ici à Düsseldorf. En 1/8e de finale, dans un combat entre champions olympiques face à Fabien Basile, il anticipe parfaitement le uchi-mata en cercle du beau gosse italien pour le retourner très proprement sur le dos. Une action superbe qui en faisait presque sourire Basile sur le mode : « j’ai essayé. Tu m’as piégé. Bien joué. » En finale, Ono retrouvait celui qui pourrait bien être son principal concurrent pour le titre olympique. Absent près d’un an, hors sujet à Tel-Aviv, An Changrim, le Coréen champion du monde 2018 retrouve ici à Düsseldorf des sensations, notamment en demi-finale où il bat très proprement Rustam Orujov marquant presque d’entrée avec son très classique ko-uchi-gari. Un profil (gaucher, main au revers, très fort au kumikata) que craint le Japonais. La dernière rencontre entre les deux Asiatiques avaient d’ailleurs failli basculer en faveur de Changrim. C’était en août 2018 lors de la finale des Jeux d’Asie. Un combat homérique. Ce samedi, Ono profite de la seule petite erreur du Coréen pour placer son uchi-mata et un waza-ari qu’il gérera tranquillement jusqu’à la fin. Une défaite qui visiblement ne frustrait que peu Changrim, se sachant sans doute pas à 100 % de ses moyens mais recalé dans une dynamique positive.
Un duel qu’on pourrait bien retrouver dans quelques mois au Budokan. Une perspective excitante entre ce qui fait tout simplement de meilleur dans la catégorie.

Grigalashvili sur un nuage, Tashiro et Arai au rendez-vous

En 81kg, Tato Grigalahvili a fait le show. Et ce dès le premier tour puisque le double médaillé mondial juniors sort un certain Takanori Nagase ! Une prise de l’ours à cinq secondes de la fin du temps réglementaire pour un waza-ari confirmé par la table. En mode diesel, le Japonais ne sera jamais vraiment rentré dans son combat. Pas de quoi remettre en cause pourtant son statut de favori pour la sélection olympique, selon les confrères japonais. En finale, le Géorgien, passé par la France et le JC Grand-Quevilly en 2014 arrache le Russe champion olympique Khasan Khalmurzaev sur ura-nage. Une victoire du protégé de Lasha Gujejiani qui va faire cogiter la fédération géorgienne puisqu’avec Luka Maisuradze (médaillé de bronze à Tokyo aux Monde), le pays à la Croix de Saint Georges possède deux -81kg de top niveau mondial.
Alors que Miku Tashiro passait une journée somme toute tranquille, battant en finale Tina Trstenjak sur une liaison debout-sol (elle piqua auparavant l’Autrichienne Unterwurzacher en demi-finale en yoko-shiho-gatame sur la première séquence), Chizuru Arai, en -70kg, s’impose elle dans la douleur mais avec une remarquable abnégation battant la surprenante belge Willems (1m81 sous la toise !), 22 ans et 29e mondiale en finale.
Trois nouveaux titres qui s’ajoutent aux trois d’hier pour un total de six victoires sur neuf catégories pour le pays du Soleil-Levant.