Pas loin de sept-cents combattants sur les tatamis cannois
Crédit photo : Patrick Urvoy
Ce week-end avait lieu la 4e édition du tournoi de France organisé pour la troisième fois dans la superbe salle du Palais des Victoires, à Cannes.
Un événement majeur pour les cadets français ?
Oui, parce que ce tournoi fait office de répétition générale avec les championnats de France (à Ceyrat les 23 et 24 avril). Tous les meilleurs sont là ! Un très bon test donc à trois mois du championnat national. Petit rappel : en 2015, 4 filles (Shirine Boukli, Blandine Pont, Dorine N’Tchampo et Sarah Ponty), qui avaient gagné à Cannes, se sont imposées trois mois plus tard à Ceyrat. Soit la moitié des titres en jeu ! Chez les garçons la proportion était bien moindre puisque seul Hugo Bos avait réussi le doublé Cannes/championnats de France.
Oui aussi, parce qu’un podium donne droit à une qualification directe pour ce dernier ainsi que la possibilité de participer à une European Cup : Follonica (Italie, 20-21 février), Antalya ( Turquie, 5-6 mars) ou Coimbra (Portugal, 28-29 mai). Encore oui, parce que la victoire assure -au moins pour les combattants français- une titularisation à l’European Cup de Zagreb (12-13 mars) aux vainqueurs.
8 tapis, presque 700 combattants-chiffres assez proches du tournoi de de Clermont-Ferrand, l’autre référence du circuit cadets-, 9 heures de combat non-stop dans la cité du plus grand festival de films du monde.
Les étrangers ont-ils troublé les pronostics ? Quels sont les coups de cœur du jury ? Qui pour succéder aux palmes d’or de Romaric Bouda et Gwenaëlle Patin (2014) et de Blandine Pont (2015) ?
Sans plus attendre, le verdict et palmarès de ce 4e tournoi de France.
Palme du meilleur combattant étranger
Et le vainqueur est ? Luc Heitz (Suisse, -90kg). 2e récompense consécutive pour ce judoka helvète, qui, s’il finit 2ème samedi -alors qu’il était monté sur la 1ère marche en 2015- a confirmé sa distinction avec un judo explosif et offensif fait de jolis mouvements d’épaule et une envie de faire tomber permanente.
Seule délégation étrangère avec une équipe allemande bien pâle, le groupe cadet suisse de Dominique Hischier, tel le cinéma italien lors du FIF, propose chaque année de très bons candidats à au moins une des récompenses du palmarès. En -60kg, Sid Stoya, 5e, atteint les demi-finales avec un engagement et un koshi-guruma lors des éliminatoires qui ne sont pas passés inaperçus.
Prix du jury
(sous réserve des résultats complets)
Mi-novembre, ils emportaient Clermont, 1er gros test de la saison cadets. Samedi, ils s’adjugent une victoire qui les installe dans le costume de candidats très crédibles au podium national. En effet, un doublé Clermont/TDF installe logiquement les primés, vu l’opposition en densité et en qualité de chacun de ces tournois, dans une position de favoris.
Outre Shirine Boukli (voir plus bas), sont donc récompensés Leslie Becerro (-44kg, Bordeaux Aquitaine Judo) qui bat Justine Gaubert (AJS 77) waza-ari et yuko et qui possède dans sa panoplie un très joli uchi-mata ; Assia Said Errhamani (-63kg, Arts martiaux Condé), une jeune fille qui, avec c(s)es deux victoires, se pose clairement comme la favorite de la catégorie. 2e l’année dernière ici-même, vice championne de France, sur les podiums à Zagreb et en Pologne, titulaire aux Europe et au monde en 2015, la Condéenne, son expérience et son ippon-seoi à gauche semble bien armer pour aborder Ceyrat.
Assia Said Errhamani en or à Cannes. Crédit photo : Patrick Urvoy
Chez les garçons, Enzo Cravotta (-46kg, OM Judo) gagne avec autorité. En finale, il retrouve Salah Moukouev (ALMJ), du Pôle espoirs de Rouen. Si ce dernier mène rapidement sur un ko-uchi, le Marseillais trouve la solution sur une liaison debout-sol : tai-otoshi suivi en juji-gatame. C’est propre et opportuniste.
Même scénario pour Ahmed-Yacoub Belkalha (-50kg, Espérance 1893 Mulhouse) qui administre un sankaku-jime inversé à Ugo Machefer (Petit Couronne).
Enfin, dernier primé dans cette catégorie Palthi Mena Munzimbu (+90kg, ACBB), 3e aux France 2015 qui bat dans cette finale cannoise le champion de France en titre, Tainou Keita (ASPTT Strasbourg) lors d’un combat acharné.
Grand Prix
Comme le veut la tradition du festival de Cannes, cette récompense permet au jury de décerner ses coups de cœur, ce qui l’a enthousiasmé, ému, excité.
Plusieurs récipiendaires pour ce prix spécial !
Pêle-mêle : le morote supersonique et magnifique de Julie Weill dit Morey (-48kg, La Couronne Grand Angoulême Judo) en place de trois, le non-moins superbe de-ashi-barai en finale de Kemcy Benguesmi (-66kg, UMO Beaumont Sur Oise Judo), l’incroyablement aérien ura-nage de David Khalatian (-73kg, Passion Judo 35) en demi-finale contre Paul Livolsi (AJA Paris XX), la qualité du judo proposé par la catégorie des -81kg avec les uchi-mata ravageurs de Félicien Arnoux (JC de Pujaut) ou le ippon-seoi-nage debout et très pur d’Alexis Mathieu (Seidokan) au 1er tour.
Un prix qui distingue aussi la journée de Benjamin Gomes (-60kg, RSC Champigny).
Crédit photo : Patrick Urvoy
Seul judoka à faire le doublé ici même après 2015 (il s’était classé 5e au FOJE l’été dernier à Tbilissi), ce gaucher à la fort jolie posture a dominé une catégorie particulièrement dense. En finale, il retrouve un de ses rivaux depuis l’année dernière, un Varois (licencié à l’ADST Judo), membre du Pôle espoir de Nice et donc presque à domicile ce samedi, Nathan Calone.
Tous les deux 3e à Clermont-Ferrand, où Calone avait battu Gomes, la finale promettait d’être excitante. Une finale pour une revanche, gagnée donc par le judoka du Pôle de Bretigny sur trois shidos. Meilleure posture, plus rapide et précis au kumikata, Gomes respectait parfaitement la tactique mise en place avec Edwige Guillemot, face à un adversaire qui savait pouvoir lui poser beaucoup de problèmes et qui l’a obligé à travailler depuis plusieurs semaines sur sa concentration : « Benjamin aime le judo et faire tomber. Mais il a un côté un peu fou-fou. Après sa défaite contre Calone à Clermont, nous avons travaillé sur sa concentration et sur sa capacité à être patient. Calone impose un rythme intense au combat dans plusieurs directions de projections avec ses mouvements d’épaule variés. J’ai donc dit à Benjamin que c’est lui qui devait imposer son rythme en s’appliquant à être maître de la manche sans prendre de risques. Une tactique qu’il a parfaitement appliqué ».
À l’aise aussi bien debout qu’au sol, Gomes dégage une maturité grandissante dans son judo de gaucher très droit. Il sera à suivre de près à Ceyrat. Pour une belle avec Calone ?
Palme d’or
Comme en 2014, ils sont deux à l’obtenir cette année. Et comme en 2014, elle est paritaire.
Shirine Boukli (-48kg, Aramon Judo Club Gardois) et Eniel Caroly (-81kg, FLAM 91) sont les deux lauréats de cette dernière, ultime et plus prestigieuse récompense.
Crédit photo : Patrick Urvoy
Pensionnaire du Pôle France Marseille, cette Gardoise, née au judo à 4 ans et toujours dans son club d’origine, suivie de près par son oncle qui n’est autre que son professeur, lycéenne en 1re S, truste les victoires comme les frères Dardenne ou Michael Haneke sur la Croisette.
Championne de France cadettes et juniors en 2015 (-44kg), 5e aux monde cadets à Sarajevo, vainqueur de Limoges, Clermont, Tournon, Aix (tournoi juniors) cette saison en -48kg et de ce même tournoi en 2015 (en-44kg), Boukli a donc rajouté une (belle) ligne à son palmarès chez les cadettes. Montée de catégorie, elle qui n’a plus perdu un combat au niveau national depuis Clermont-Ferrand en 2014 (!). Elle s’offre une victoire probante, méritée et très sérieuse. Dans une caté où sa taille et son allonge font moins la différence, ce TDF était une excellente occasion de (re)prendre ses plus sérieuses concurrentes depuis la mi-novembre et de jauger les évolutions techniques mises en place.
En finale, face à une adversaire, Lisa Atamaniuk (JC Seichanais), qui lui propose de grands mouvements de hanche, Boukli fait preuve d’une belle intelligence de combat en sortant un tani-otoshi aussi inattendu qu’efficace en concluant son combat au sol, un domaine qu’elle affectionne.
Lucide et solide, on sera curieux (et pour tout dire impatient) de la voir évoluer à l’international, elle qui fera partie des meilleures chances de médaille chez les féminines françaises cadettes désormais coachées depuis l’année dernière par Lucie Décosse mais aussi chez les juniors dans une catégorie qui ne manque (déjà) pas de talents avec entre autres Sephora Corcher, Romane Yvin et Anaïs Mosdier.
Autre Palme d’or de ce TDF 2016, Eniel Coraly, a été « impérial » selon le terme de son entraîneur, Killian Le Blouch, qui ne tarit pas d’éloges sur les qualité « judo » de son protégé.
Champion de France 2015 en -73kg, la montée de catégorie n’a visiblement pas perturbé le moins du monde ce judoka très solide sur ses jambes et adepte d’un judo circulaire.
Dans une demi-finale explosive face à Felicien Arnoux, Caroly plante un superbe harai-goshi en sortie d’attaque.
En finale, face au vice champion de France 2015, l’Arménien Narek Mkrtchyan (JC Grand Quevilly), le judoka du FLAM 91 se montre opportuniste : yuko sur un o-uchi-gari auque il croit jusqu’au bout puis ippon sur un uchi-mata gaeshi où il fait faire un 180° à son adversaire qui arrive plat dos. Caroly a fait forte impression samedi, dans une catégorie excitante et pleine de qualités.
Une palme, qui, visiblement, faisait l’unanimité alors que le rideau tombait sur ce tournoi de France 2016.
Le programme des festivités à venir
À l’issue de cette compétition, Gilles Bonhomme, entraîneur des cadets masculins faisait le point sur ce qui attendait les judokas pour la suite de la saison : « il y aura 16 places pour l’European Cup de Croatie. Tous les vainqueurs (français) de ce TDF y participeront sauf la catégorie -46kg, non présente à l’international. Avant cela, un stage aura lieu à Bordeaux du 8 au 12 février pour lequel seront sélectionnés 16 filles et 16 garçons. Ce moment nous permettra de définir un groupe pour l’international et de travailler sur des points technico-tactiques bien précis, qui font souvent la différence lors des compétitions internationales. Après les championnats de France, il y aura deux autres sorties internationales : le tournoi de Berlin, auquel participeront les champions de France. Puis la Pologne, à Bielsko Biala ».
De son côté, Lucie Décosse, entraîneur de l’équipe féminine qui se dit « ravie de pouvoir partager ses connaissances, son expérience, d’aider ces jeunes filles à construire leur projet de haut niveau », bref qui « s’éclate » dans ses nouvelles fonctions, ajoutait que faute de championnats du monde cet été, un stage aurait lieu à cette période « réservé aux cadets 1re et 2e année ».