Les Françaises ne sont pas sur le podium
Le Japon domine un podium composé du Brésil (2e) de Cuba (3e) et de la Mongolie (3e) / Photo officielle IJF
Au fait, c’est quoi les World Combat Games ? Pour le judo, une sorte de Coupe du monde par équipes des nations organisée avec faste à Saint Petersbourg, au milieu d’une véritable fête sportive des arts martiaux. Parfois un peu « too much », le plus souvent très intéressante pour les amateurs de sports de combat et assez novatrice. En judo en tout cas un tournoi alléchant avec de grosses équipes dont la plupart sont composées de nouvelles têtes, parfois encadrées par deux ou trois cadors. De quoi se faire plaisir donc, et une vraie opportunité pour des combattants qui passaient jusque là à côté des sélections internationales pour les grands événements officiels. C’est ainsi que chez les féminines, la France avait confié ses intérêts non seulement à la jeune Lucile Duport en -52 kg, laquelle était déjà dans l’équipe de France « une » à Rio, mais aussi par exemple à la grande guerrière de 31 ans, Anne-Laure Poli-Bellard, dont les interventions sont de plus en tranchantes et régulières dans ses sorties internationales, ou à la lourde Rebecca Ramanich, huit fois médaillée nationale, dont cinq finales.
Et à la fin ? À la fin c’est le Japon qui gagne.
Les Japonaises écrase la concurrence
On n’attendait pourtant pas des merveilles de cette équipe japonaise à peu près totalement anonyme, surtout après des championnats du monde qui avaient montré que l’élite nippone, les titulaires à chaque poste, étaient durablement « traumatisées » par la violente remise en question du judo japonais et le scandale originel de harcèlement dénoncé par certaines des filles de ce groupe notamment. Bien sûr, les féminines japonaises avaient montré leur force collective en remportant le championnat par équipes des nations de Rio. Mais avec des combattantes tout juste du niveau d’un podium national pour certaines, et à peu près toutes anonymes sur le plan international, Natsu Gomi (-52kg), troisième du championnat du Japon, Megumi Ishikawa (-57kg), médaillée au tournoi de Dusseldorf, Natsumi Katagiri (-63kg), cinquième du Grand Chelem de Tokyo 2012, Yuka Osumi (-70kg), vice championne du Japon, et la championne du Japon Nodoka Shiraishi (+70kg), ont ne les voyait pas briller à Saint Petersbourg, et notamment d’entrée face à leurs plus solides rivales, désormais, en Asie, les Mongoles, revenues de Rio avec la médaille d’or en individuel que les meilleures Japonaises n’avaient pas su ramener. Et justement, elle était là la championne du monde, Urantsetseg Munkhbat, mais engagée dans la catégorie de poids supérieure (-52kg), et aussi la médaille d’or du Master 2013 Sumiya Dorjsuren (-57kg), ou encore la championne du Grand Prix d’Ulanbaator Tserennadmid Tsendayush (-63kg). Ce ne fut pourtant pas un problème pour ces jeunes Japonaises heureuse de pouvoir s’exprimer à ce niveau, qui passait le premier obstacle par 4-1, Natsu Gomi se chargeant de fixer au sol la championne du monde Munkhbat, puis les deux combattantes japonaises suivantes s’assurant la bataille des pénalités par le rythme. 3-0 pour leur entrée en matière… Puis 3- (et 4-1 au final), contre des Cubaines au complet, sorti d’un tour facile contre des Chinoises aussi fantômatiques qu’à Rio. La même Natsu Gomi emportait le combat sur une blessure dela double médaillée olympique Bermoy en -52 kg, la seule victoire cubaine allant à Maricet Espinosa avec o-soto-gari sur Natsumi Katagiri en -63 kg et la lourde Japonaise infligeant une ultime défaite à la championne du monde et championne olympique Ortiz.
Une finale identique à Rio… et à sens unique
En finale, le Japon affrontait une nouvelle fois, comme aux derniers championnats du monde, son challenger numéro un dans le monde aujourd’hui, le Brésil, finaliste à Rio après avoir sorti la France, et venu à Saint Pétersbourg avec sa meilleure équipe ou presque. Une fois encore, les Brésiliennes avaient sorti la France au tour précédent pour avoir une nouvelle opportunité de battre une équipe japonaise… Mais malgré leur force de frappe, elles allaient elles aussi être balayées par le niveau et le fraîcheur des Japonaises.
La vice championne du monde Erika Miranda (-52 kg), perdait d’une pénalité face à Natsu Gomi et la championne du monde elle-même, Rafaela Silva (-57 kg), était poussée dehors elle aussi aux pénalités par Megumi Ishikawa. La jeune Ana Grincevicus (-63 kg), un beau potentiel brésilien, tout juste sortie des juniors, ne parvenait pas à enrayer la chute et laissait le dernier point qui comptait à la Japonaise Katagiri. Maria Portela (-70 kg) battue à son tour aux pénalités par Yuka Osumi, il ne restait comme baume au coeur brésilien que le gros harai-makikomi d’Altheman sur Shiraishi. Décidément le Japon fait toujours peur et on sait pourquoi. Quel pays peut-il se vanter de composer une équipe aussi compétitive avec des combattantes aux alentours de la 5e place nationale ?
La France derrière la Russie et la Mongolie
Avec des combattantes potentiellement n°2 ou 3 nationale (mais le championnat de France est dans quelques jours), la France ne parvient pas, et de loin, à ce niveau de performance. Le premier tour était au niveau de nos titulaires, avec une Russie toujours naïve et sans grande référence à ce niveau. La championne d’Europe Universitaires Lucile Duport (-52 kg) battait Natalia Pavlova, dont la meilleure référence est une médaille de bronze à la Coupe Européenne de Sarajevo, mais Morgane Brunet (-57 kg) cédait cet avantage d’un shido face à Ilona Buryachenko, elle aussi médaillée de bronze sur une Coupe Européenne, à Orenburg en Russie. Anne-Laure Poli-Bellard (-63 kg), avec sa maturité, remettait la France dans l’axe avec une victoire par deux yuko sur une championne nationale de Russie, Larisa Cherepanova, et c’est Lucie Perrot (-70 kg), finaliste des championnats du monde juniors 2009 (et 5e des championnats de France 2013), qui signait la très belle performance de ce tour en dominant Ekaterina Denisenkova par waza-ari, une combattante titulaire dans l’équipe russe 3e du dernier championnat d’Europe par équipes. La défaite au sol de Rebecca Ramanich face à Anaid Mkhitaryan, la n°2 russe était devenue anecdotique.
Les Brésiliennes trop fortes pour notre sélection
Il aurait été joli que ce groupe de Françaises réussissent l’exploit raté à Rio par les grandes leaders françaises, battre les Brésiliennes… mais malgré Anne-Laure Poli-Bellard, qui ramenait au troisième combat la France à 2-1 en battant la petite jeune Ana Grincevicus, les Miranda, Silva, Portela et Altheman ne laissèrent pas l’occasion à nos titulaires de mettre un pied dans la porte. Il fallait donc tenter de réussir une belle journée tout de même en passant par le bronze. Mais c’était face à la Mongolie avec ses points forts… pas facile. La Mongolie commençait d’ailleurs par se détacher logiquement par 2-0 avec ses deux pointes, Munkhbat (-52 kg) et Dorjsuren face à Duport et Brunet. Une nouvelle fois, Poli-Bellard, impeccable ce samedi, et Lucie Perrot, elle aussi très en valeur, ramenaient la France à égalité. Hélas pour ce groupe, Rebecca Ramanich (+70 kg) ne pouvait pas grand chose contre Munkhtuya Battulga, 16e mondiale, meilleure combattante mongole en… -78 kg, une opposition de catégorie qui est souvent défavorable aux lourdes. La Française prenait waza-ari sur o-uchi-gari et ne revenait pas.
Combat Games, à quoi ça sert ?
On ne sait pas, mais c’est une compétition multi arts martiaux assez sympatique qui semble ouvrir la voie, comme d’autes grands rendez-vous de cet ordre, pour un type d’événement où les enjeux sont moindres et le spectacle au centre du jeu. Pourquoi s’en plaindre ? La compétition des féminines aura cependant montré très clairement la voie : les titulaires ne peuvent pas être sur tous les fronts, les défaites brésilienne et cubaine, notamment en sont une nouvelle démonstration. En revanche, c’est l’occasion rêvée pour donner à des combattant(e)s légèrement en retrait l’occasion de donner un sens à leur entraînement quotidien et une belle récompense à leur engagement. Le Japon a sauté sur l’occasion. Avec une sélection du même type, la France en est incapable, ce qui doit peut-être faire réfléchir. Le modèle actuel en France privilégie manifestement une équipe « une » ultra-compétitive et ne semble pas très intéressé par les N°2 ou 3 (ou 4 ou 5), dont le niveau n’est pas à la hauteur d’un enjeu de ce type. C’est sans doute dommage.