Les réflexions de la légende du judo japonais
Interrogé par le Daily Mail online, le « chairman » du judo japonais, membre de la Fédération Internationale et ancien immense champion, la légende Yasuhiro Yamashita a offert sa riche vision du judo japonais, ses espoirs d’avenir et aussi une vision pondérée et humaine du refus de l’Egyptien El Shehaby de serrer la main de l’Israélien Sasson.
« A Rio, le judo a atteint le troisième rang pour le nombre total de comités olympiques nationaux participants. Certes, le Japon a remporté douze médailles — je ne peux pas dire si c’est trop ou non ! — mais vous ne devez pas oublier que vingt-six de ces Comités nationaux ont pu ramener des médailles en judo à leurs nations respectives. Cela montre à quel la profondeur de l’implantation internationale de notre sport.
Le Judo sera crucial pour nous, la nation hôte, à Tokyo dans quatre ans. C’est la discipline dans laquelle nous avons ramené le plus de médailles, trente-six titres olympiques. Mais le judo a aussi une importance qui dépasse le Japon. En regardant d’autres sports, le judo est peut-être la discipline qui donne la plus grande importance au respect des adversaires et cela correspond à la philosophie olympique.
Pour ce qui concerne la mauvaise image donné par le combattant égyptien Islam El Shehaby, je pense que le judo peut faire beaucoup, même ces obstacles sont apparemment insurmontables et même si cela prendra du temps. Je dirige un organisme de bienfaisance qui fait la promotion de bonnes relations entre Israéliens et Palestiniens. Un dîner que j’organise une fois par an au Japon et auquel j’avais invité un judoka de chaque côté, m’a vraiment ouvert ses yeux sur le niveau d’animosité dans cette partie du monde et la difficulté pour chacun d’avoir à se situer individuellement. Il n’y avait pas de barrière apparente pendant le dîner, mais ensuite, quand il a été question de prendre une photo de groupe, le judoka palestinien, en s’excusant, a dit qu’il ne pouvait pas faire cela. J’ai compris que si l’on prend une photo avec un Palestinien et un Israélien avec des visages souriants, quand cette photo est rendue public alors c’est comme une affirmation politique, et même un risque pour sa vie de tous les jours. Cela peut être dangereux non seulement pour lui-même, mais pour des parents ou des amis. C’est vraiment cette situation qui m’a fait prendre conscience de la profondeur des inimitiés nationales, mais aussi des difficultés individuelles à faire face à ça. C’est pour cela que je peux comprendre la difficulté particulière dans laquelle se trouve El Shehaby en ce moment, même si il faut évidemment aider à changer ces mentalités. Je regarde et je pense toujours ces grandes questions au niveau du tapis, celui des athlètes et des entraîneurs, plutôt que à la hauteur de hauts fonctionnaires. Alors oui c’est une situation navrante, mais je ne peux comprendre le point de vue de l’athlète, ce qu’il ressent. Bien sûr, nous souhaitons à l’avenir que chaque athlète, immédiatement après le combat, serre la main de son adversaire avec un sourire, le prenne dans ses bras. Mais il est de notre responsabilité aujourd’hui de ne pas oublier la situation et la perspective du combattant en lui faisant porter tout le poids d’un conflit qui le dépasse.
Pour Tokyo 2020, en tant que vice-président de la Fédération japonaise de judo et chef de mission adjoint pour les Jeux japonais, ce qui m’intéresse avant tout, ce n’est pas tant le nombre de médailles récoltés par nos combattants successifs, mais le fait que le judo soit un beau spectacle. Pour l’avenir, je veux vraiment voir des combats où les deux judokas tentent de saisir et essaye vraiment de jeter et de gagner par ippon. Je souhaite vraiment que les judokas ne développent pas une vision à courte vue, en pensant seulement à gagner, mais qu’ils démontrent leur judo correctement et avec idéalisme. Peu importe le nombre de médailles d’or que le Japon va gagner en 2020, j’espère vraiment que la compétition de judo sera encore mieux qu’elle ne l’était cette fois à Rio. »