Quatre titres sur les cinq catégories de cette première journée
De notre envoyé spécial au Japon, Morgan Maury
Les meilleurs sont là. Même si les Jeux Olympiques ne démarrent que dans un an et demi, les cadors du judo mondial ont décidé de s’expliquer à Tokyo. D’ordinaire, il est relativement compliqué de percer dans les tableaux concentrés en Japonais du tournoi nippon. Cette année, dans beaucoup de catégories, la tâche sera encore plus difficile. Personne n’est prêt à abandonner quelques points. Médaillés, ranking list, tête de série, tout a une valeur, compte ou comptera bientôt. En moins de 57 kilos aujourd’hui, il ne manquait qu’Automne Pavia pour avoir un tableau de championnat du monde. Idem demain en moins de 81 kilos où seul Loïc Piétri se repose. Il y a eu plus de spectacle que d’émotions aujourd’hui pour cette première journée. Masashi Ebinuma a perdu, Misato Nakamura est tombé dans les pommes, Haruna Asami a amorcé son retour,
Les Français n’ont pas été en verve. Laëtitia Blot a été privée d’une demi-finale contre Kaori Matsumoto. Vincent Limare a bien guerroyé jusqu’à une septième place qui situe son niveau du moment. Mais tout ça ne fait pas de médaille. C’est moins bien que l’Argentine, le Portugal ou Israël. Et jusqu’à dimanche, ce sera tout aussi dur.
-60kg – La ballade de Kim
Le Coréen Kim WOn-Jin en pleine action. © IJF Media by Gabriela Sabau
1. Kim Won-Jin (Corée du Sud)
2. Toru Shishime (Japon)
3. Yuma Oshima (Japon) et Rustam Ibrayev (Kazakhstan)
Quand Naohisa Takato n’est pas là, les souris dansent. Le Japonais est toujours collé pour ses problèmes de comportement aux mondiaux, alors il ne fallait pas laisser passer l’occasion de son absence pour accrocher un tournoi du Grand Chelem. C’est le Sud-Coréen Kim Won-Jin, troisième aux mondiaux 2013, qu’on retrouve au sommet du podium. Avec son style puissant et énergique, il a éteint tous ses adversaires, et notamment Toru Shishime, en finale. Ne vous inquiétez pas, le patron Takato est de retour en 2015. Les jeunes Oshima, 3e à Tyumen, et Ibrayev, 5e à Düsseldorf, sont d’intéressants troisièmes. Vincent Limare était très appliqué ce vendredi sur le tatami mais n’a pas su emballer la machine. Le tableau était à sa portée. C’est passé contre un Irakien puis contre le Brésilien Takabatake. Ca a coincé face au Japonais Oshima en quart (dégagement de jambe) puis contre l’Israélien Arshanski, 19e mondial et 5e à Chelyabinsk, en repêchages. Il n’est pas loin mais c’est encore le niveau au-dessus pour le Maisonnais qui doit progresser au kumikata. Si, avec sa victoire en Chine, Limare revient avec les bagages remplis, ce n’est pas le cas de Sofiane Milous. Les arbitres ne lui laissent aucune marge de manœuvre dès qu’il applique sa garde croisée. Le Japonais Yamamoto, ancien champion du monde juniors, ne fera pas grand chose pour le laisser s’enfoncer dans les sables mouvants : quatre pénalités et la porte dès le deuxième tour.
-66kg – Ebinuma perd à Hifumi
Le vice champion du monde juniors Hifumi Abe, la nouvelle terreur japonaise.© IJF Media by Gabriela Sabau
1. Hifumi Abe (Japon)
2. Golan Pollack (Israël)
3. Mikhail Pulyaev (Russie) et Kengo Takaichi (Japon)
Dès le début de la journée, on a senti que quelque chose clochait chez Masashi Ebinuma. Le triple champion du monde n’était pas sublime comme à l’accoutumée. Il tombait, même. Le malaise s’est confirmé en demi-finale où le jeune Hifumi Abe, vice-champion du monde juniors, l’a scotché pour waza-ari. Ebinuma a subi sa première défaite en tournoi international depuis le Masters 2012. Pis, il n’est même pas médaillé puisque Kengo Takaichi le cloue au sol pour le bronze. Au mieux, une alerte, au pire un problème plus profond pour l’emblème du judo de l’archipel. Si Ebinuma s’est troué, c’était la journée d’Abe. Avant Ebinuma, il avait sorti Zantaraia sur un seoi-nage. En finale, l’Israélien Pollack, tombeur de Mikhail Pulyaev sur immobilisation, ne pouvait pouvait rien sur son enchaînement en o-soto gari. Un succès de prestige qui va mettre le projecteur sur le garçon et peut-être enlever un peu de pression à Ebinuma.
-48kg – Kondo fait barrage à Asami
Ami Kondo définitivement insatiable en 2014. © IJF Media by Gabriela Sabau
1. Ami Kondo (Japon)
2. Haruna Asami (Japon)
3. Jeong Bo Kyeong (Corée du Sud) et Paula Pareto (Argentine)
Haruna Asami a été calife des moins de 48 kilos pendant plus de deux ans. Maintenant, elle n’est qu’une simple vizir derrière le calife Ami Kondo, championne du monde 2014. En un an loin des tapis de compétition, elle a laissé sa rivale nippone prendre les clefs du palais. Ce vendredi, Kondo a refusé de les lui rendre. Les deux combattantes ont livré une très belle démonstration de judo tout au long de la journée avant une finale plutôt enlevée où le précoce sumi-gaeshi de Kondo (yuko) a enlevé la décision. Kondo est bien la numéro un, mais Asami a rappelé qu’elle n’est pas qu’une Iznogoud. La Coréenne Jeong et Paula Pareto grimpent sur la troisième marche du podium. On retiendra aussi de cette journée la cinquième place d’Alesya Kuznetsova. Charline Van Snick puis Sarah Menezes ont succombé aux morsures en ne-waza de l’élève de Patrick Roux dans l’équipe russe. Une menace à surveiller pour Amandine Buchard. De son côté, Scarlett Gabrielli s’arrête au deuxième tour. Elle a géré la petite Yurie Morizaki aux pénalités avant de se prendre une ordonnance carabinée de la doctoresse Paulo Pareto. Ippon pour l’Argentine et un coude qui grince, probablement une entorse, pour la Française.
-52kg – Youpi Yuki
Yuki Hashimoto s’est offerte de la championne du monde pour se parer d’or à Tokyo. © IJF Media by Gabriela Sabau
1. Yuki Hashimoto (Japon)
2. Yuka Nishida (Japon)
3. Ai Shishime (Japon) et Misato Nakamura (Japon)
Comme en 48 kilos, c’est un peu la lutte des « anciennes » contre les modernes. Des filles qui veulent reprendre une place abandonnée à des plus jeunes. Comme Ami Kondo, Yuki Hashimoto a repoussé la vieille garde. D’abord Misato Nakamura, double championne du monde, qu’elle a laissée inerte sur le tapis après un eri-jime, l’une des images de cette première journée. Ensuite, Yuka Nishida, championne du monde 2010, vaincue d’une pénalité. Hashimoto a répondu aux questions sur son niveau au Japon. Elle est la meilleure moins de 52 kilos. Devant, il y a Majlinda Kelmendi. Celle-là est encore loin. Sur les terres japonaises de sa médaille d’argent mondiale en 2003, Annabelle Euranie est venue confirmer une montée en puissance. Rempli de pièges, ce Grand Chelem de Tokyo lui a réservé Yuka Nishida, en hors d’oeuvre. La Française a bien appliqué sa garde latéralisée. Elle menait d’un shido jusqu’à 40 secondes du gong. Une erreur de placement et zou ! Nishida s’était glisée dans le petit espace pour placer un seoi diabolique (waza-ari). Dommage car on aurait aimé voir la grande Française face à d’autres adversaires de ce calibre.
-57kg : Matsumoto, à son habitude
Comme en 2010, c’est Matsumoto qui remporte le duel contre la Portugaise Monteiro. © IJF Media by Gabriela Sabau
1) Kaori Matsumoto (Japon)
2) Telma Monteiro (Portugal)
3) Tsukasa Yoshida (Japon) et Rafaela Silva (Brésil)
Le meilleur pour la fin. Le duel de deux guerrières qui s’étaient disputées à quelques mètres d’ici le sceptre mondial 2010 : Kaori Matsumoto et Telma Monteiro. Une bataille qui n’a pas été aussi violente cette fois-ci. Matsumoto guettait l’erreur de la Portugaise et a vite réglé l’affaire en immobilisation pour enquiller sa quatrième victoire dans ce Grand Chelem. Le sourire aux lèvres, elle a semblé avoir oublié sa douloureuse élimination des mondiaux (2e tour contre Marti Malloy et bras en écharpe). Mais attention, elle a connu quelques alertes contre la jeune Yoshida en demi-finale. Heureusement, sa qualité d’appui ne l’a pas abandonné. On saluera aussi la performance de Telma Monteiro toujours aussi régulière. La Portugaise a tourmenté Anzu Yamamoto et Rafaela Silva. Laëtitia Blot n’aurait pas dépareillé sur le podium avec Matsumoto et Monteiro. Malheureusement, elle a vécu un drôle d’épisode alors qu’elle menait waza-ari contre yuko face à Yoshida. La vidéo n’est jamais venue sur une action très litigieuse. Même pas un petit visionnage pour mettre fin au doute. Son ura-nage semblait bien avoir mis Yoshida sur le haut des épaules en quart de finale. Ce deuxième waza-ari aurait envoyé la Française dans le dernier carré contre Kaori Matsumoto. Pas de vidéo cette fois-ci. Etrange alors qu’elle est utilisée à tort et à travers depuis son introduction. Juan Barcos s’est justifié en répondant qu’au mieux, il y aurait eu yuko… C’est à partir de ce moment-là que le calvaire de la Française a débuté. Dans la foulée, la petite nippone immobilise Blot. En repêchages, Corina Caprioriu, vice-championne olympique, mettra fin aux rêves de médailles de la tricolore. Laëtitia Blot avait réalisé jusqu’à ce moment-là une journée du tonnerre. Elle avait pulvérisée la Coréenne Kim Jan-di et mis un beau seoi à l’Allemande Roper, ex numéro un mondiale. On ne se souviendra que des bons moments.
Retrouvez les résultats complets de cette première journée ici