Voilà de quoi passer Noël avec le sourire. Pour ce dernier événement du circuit international, l’équipe de France a livré une prestation d’ensemble qui allia et performance et qualité de la prestation, luisant même de tous ses ors dans certaines catégories. Si un seul mot devait synthétiser le bilan tricolore à l’issue de ce Masters 2022, brillant serait celui qui viendrait le premier à l’esprit.
Sur un plan global et statistique d’abord. Dix médailles obtenues et voilà le record de sept médailles (2010, 2019, 2021) pulvérisé !
Dix médailles, treize classés, sur vingt-six engagés. Le ratio est impressionnant surtout que la concurrence était particulièrement consistante avec une très bonne équipe japonaise. Car même si de nombreux n°1 étaient absents, il y avait tout de même deux champions olympiques (Akira Sone et Aaron Wolf), le récent vainqueur du Grand Chelem de Tokyo en -90kg (Kosuke Mashiyama), la nouvelle star des +100kg (Tatsuru Saito, vice champion du monde) ou Saki Niizoe, médaillée mondiale et n°1 nipponne en -70kg.
Chez les féminines, la France termine à la première place avec six médailles, dont deux titres pour Shirine Boukli (-48kg) et Romane Dicko (+78kg) et quatre médailles d’argent : Sarah-Léonie Cysique (-57kg), qui se blesse au genou droit en finale contre Christa Deguchi. Le diagnostic est d’ailleurs plutôt rassurant puisqu’il s’agit d’une entorse de stade 1 du ligament latéral interne; Marie-Éve Gahié (-70kg), enthousiasmante d’impact retrouvé – le uchi-mata claqué contre Niizoe en quart est superbe -, Audrey Tcheuméo (-78kg), qui n’a décidément pas dit son dernier mot et montre qu’elle a les moyens de ses ambitions afin d’être une troisième fois titulaire aux JO (après Londres et Rio), éliminant notamment la championne du monde 2021 et médaillée olympique allemande Anna-Maria Wagner; enfin Coralie Haymé (+78kg). Championne du monde juniors 2021 et récente cinquième à Tokyo, elle créé un véritable tremblement de terre, battant la championne olympique japonaise Akira Sone, invaincue depuis le Grand Chelem de Paris 2019 ! Madeleine Malonga (-78kg) et Léa Fontaine (+78kg) terminent à la cinquième place.
Boukli et Dicko, solides au poste
Shirine Boukli, continue elle sa marche en avant après son faux-pas mondial : victorieuse à Bakou début novembre, elle consolide de fort belle manière sa place de n°1 mondiale, battant la jeune Japonaise Wakana Koga en finale. Une première victoire face à celle qui l’avait privée du titre mondiale juniors à Marrakech en 2019. C’est important.
Romane Dicko, de son côté, confirme son statut de n°1 française, qu’il faudra aller chercher ! Elle bat Coralie Haymé sur un sumi-gaeshi qu’on ne lui connaissait pas. Championne du monde en titre, en or à ce Masters, Dicko pose les jalons, pas à pas, d’une domination mondiale qui s’affermit. Reste que la concurrence franco-française dans cette catégorie est d’un niveau sans doute jamais connu avec Coralie Haymé, qui aura bousculé la médaillé olympique avec ses ippon-seoi-nage à gauche ou Julia Tolofua, dont la demi-finale contre Dicko lors des championnats du monde fut un combat tactique qui se joua à peu de choses. Avec Léa Fontaine, la France possède un vivier actuel exceptionnel et disons-le qui donne le vertige. Tant mieux pour nous.
Un Masters réjouissant et positive car au global les Françaises dominèrent les Japonaises, en confrontation directe avec des victoires symboliques : Boukli battant Koga, Gahié surprenant Niizoe (après six défaites de rang), Tcheuméo dominant Rika Takayama, enfin Haymé médusant Akira Sone.
Bouba et Mathieu étincelants
Chez les masculins, les quatre podiums obtenus ne sont pas un nouveau record mais égale le meilleur résultat obtenu en 2010 (c’était à Suwon en Corée du Sud) avec l’or de Teddy Riner, l’argent de Gilles Bonhomme et Axel Clerget et le bronze de David Larose.
Un bilan qui, là encore, pousse du côté du très satisfaisant. D’abord, parce que s’affiche en -66kg, les prémisses d’une concurrence dynamique et positive : Maxime Gobert en bronze à Tokyo au début du mois. Ce week-end, c’est Daikii Bouba et Walide Khyar qui sont sur le podium avec l’argent pour le premier, le bronze pour le second. Bouba, qui signe un retour exaltant, lui qui n’avait plus combattu sur un grand événement depuis les championnats d’Europe fin avril. Avec sa finale, il met fin à six ans de disette dans la quête masculine tricolore pour l’or. Le dernier dans ce cas était Vincent Limare, en 2016, à Guadalajara (Mexique). Une sacrée performance pour le protégé d’Alexandre Borderieux, avec son judo très circulaire, aussi à l’aise au corps-à-corps que sur un uchi-mata. En quart de finale il bat par exemple la pieuvre aux quatre poumons mongol, Bashkuu Yondonperenlei, sur une très vive liaison debout-sol. S’il s’incline en finale face à Baruch Schmailov dnas un duel de gaucher, Bouba frappe un grand coup avec ce retour aux affaires très réussi.
Khyar, de son côté, bute sur l’élégant Moldave Denis Vieru en quart, mais, très concentrée, place l’un des mouvements de ce Masters avec une variante de sumi-otoshi (alors que son adversaire est en garde croisée) qui fit le bonheur des fans sur les réseaux sociaux. Spectaculaire, retrouvant un judo qu’on ne lui connaissait plus depuis ses années juniors avec uchi-mata en forme nage-no-kata ou un ippon-seoi-nage, très concentré sur la manche adversaire, le judoka du FLAM 91, s’est montré lui consistant, dans une catégorie où il ne manquait que les deux extraterrestres nippons.
En -81kg, le bronze d’Alpha Djalo donne l’impression d’un passage de cap pour le Parisien. Médaillé de bronze au début du mois à Tokyo, le voilà qui remet le couvert, dans une catégorie où, là encore, il ne manquait pas grand-monde. Si Tato Grigalshvili le domine en demi finale, Djalo trouve la faille pour le bronze contre le Belge Sami Chouchi, qu’il n’avait jamais battu !
Plus consistant, plus régulier, Djalo réalise une fin d’année 2022 canon. Paris sera un nouveau test pour confirmer cette belle impression.
Alexis Mathieu, enfin, surprend beaucoup de monde, y compris les deux Géorgiens engagés, Beka Gvinishvili et Luka Maisuradze, victimes de son judo en quart et demi finale (Lasha Bekauri ne fut finalement pas de la partie). N’hésitant pas à aller sur le terrain de ces combattants avec des arrachés surpuissants. Déjà au premier tour, contre l’expérimenté Hongrois Toth, Mathieu réussissait un ura-nage imparable. Il n’est arrêté que par Sanshiro Murao, soyeux Japonais à la posture, au kumikata et au judo aussi précis qu’élégant. Là encore, il s’agira de confirmer. Mais cette nouvelle option technico-tactique chez Mathieu pourrait bien lui ouvrir des perspectives plus qu’intéressantes pour la suite, dans une catégorie très dense et aux profils proposés très variés.
Une prestation collective consistante et excitante d’un groupe masculin à la mentalité clairement conquérante. Un effet Baptiste Leroy ? Peut-être un peu tôt pour le dire mais entre Tokyo et Jérusalem, l’impression laissée sur ce mois de décembre est tout de même à dire qu’il se passe quelque chose dans l’envie, l’engagement et la prise de risque. Paris et plus globalement la période printanière permettra d’affermir ou non cette idée avec un programme d’ores et déjà établi jusqu’au Grand Chelem de Tashkent (Ouzbékistan) début mars. Cela commencera déjà par la participation au stage international de Bardonecchia (Italie), fin décembre, pour plusieurs membres de l’équipe. Une nouveauté.
Grigalashvili impérial
Et les étrangers ? On retiendra la confirmation du retour au premier plan de Miku Takaichi (ex Tashiro) en -63kg – déjà victorieuse de la Coup du Kodokan et du Grand Chelem de Tokyo -, l’affirmation de plus en plus nette de Tatsuru Saito en +100kg, Tato Grigalashvili qui continue à marcher sur l’eau en -81kg (champion d’Europe, du monde et donc vainqueur du Masters sur cette année 2022 !), la réussite du Brésilien Daniel Cargnin (-73kg) et de l’Italienne Alice Bellandi (-78kg), montés de catégories après les JO. Un choix payant puisqu’ils s’affirment déjà comme des leaders de leur catégorie.