La joie est visiblement contenue. Mais Laura Fuseau est bien la nouvelle championne d’Europe -23 ans en +78kg. Après une année 2019 de galère, la judokate du FLAM 91 saisit l’opportunité offerte pour confirmer qu’avec Romane Dicko, Léa Fontaine et Tahina Durand, elle fait partie d’une génération talentueuse et dont la dynamique de performance est déjà bien installée. Avec ce titre, et le bronze d’Alexis Mathieu en -90kg, la France conclut cet évènement avec un joli total de six médailles, juste derrière une Géorgie exclusivement masculine et qui a monopolisé le podium ce mardi avec cinq médailles dont deux titres.
Fuseau, avec la manière
Certes, elle n’aura eu au total que trois combats à effectuer pour s’adjuger le second titre tricolore après Mélanie Vieu hier. Mais là n’est sans doute pas le plus significatif. Médaillée de bronze mondiale juniors en 2018 (elle était alors 1re année), Laura Fuseau vit sa dynamique contrariée par deux opérations – du poignet et de l’épaule – en 2019. Troisième des championnats de France juniors début mars, elle lassait Léa Fontaine et Tahina Durand être sélectionnées dans la catégorie pour les championnats d’Europe juniors de la semaine dernière (pour le titre décroché par la première). À elle du coup les moins de vingt-trois ans, pour sa première sélection internationale depuis Paris 2019. Tête de série dans une catégorie à douze combattantes, Laura Fuseau et son judo classique trouvent le chemin de la finale grâce à un joli o-soto-gari à gauche (préparé par une feinte rapide d’o-uchi-gari) qui catapulte ses deux adversaires du quart et de la demie nettement sur le dos. La finale sera un combat à sens unique contre la Turque Kubranu Enir (cinquième des championnats du monde juniors 2019). Attendant l’opportunité sur son yoko-guruma, cette dernière se montrait assez passive, d’autant que Fuseau la tenait bien à distance. Et sur un joli uchi-mata en bordure, Enir se retrouvait projetée de manière très propre et définitive. Si elle se montre encore parfois un peu attentiste (comme au début de sa demi-finale, où elle est menée), la médaillée mondiale juniors 2019 aura montré, non seulement une belle attitude, mais aussi un judo, basé sur des ashi-waza aussi classiques qu’efficaces.
Avec ce titre, on se dit que la France a vraiment de quoi voir venir dans cette catégorie des +78kg pour les mois et années qui arrivent. Une génération dorée entre Romane Dicko (1999, championne d’Europe seniors 2018 et victorieuse du Grand Chelem de Paris 2020), Léa Fontaine (2001, double championne d’Europe juniors 2019 et 2020 et vice championne de France seniors 2019), Tahina Durand (médaillée mondiale juniors 2019) et donc Laura Fuseau qui – et on le regrettera – était la seule engagée féminine du jour.
Chez les masculins, ils étaient cinq. Hugo Metifiot en -81kg (qui perd au deuxième tour contre le futur vainqueur, le Géorgien Tato Grigalashvili), Paul Livolsi en -90kg (rapide vainqueur du tout frais vice champion d’Europe juniors 2020, le Roumain Alex Cret, d’un sutemi bien suivi en immobilisation, il cède d’un waza-ari au tour suivant face au Bosnien Toni Miletic, médaillé mondial cadets en 2015*) et Luka Lomidze en +100kg (battu par l’Italien Lorenzo Agro Sylvain) ne sortent pas de tableau. Paul Devos, dans une catégorie des -100kg à quatorze judokas, gagne deux combats pour se retrouver en place de troisième. Malheureusement, il y retrouve le terrible Géorgien Onise Saneblidze (finaliste l’année dernière) qui l’expédie sur le dos sur la première séquence.
Reste Alexis Mathieu : le vice champion de France seniors des -90kg va chercher le bronze après une journée où son ippon-seoi-nage debout à droite et son sumi-gaeshi en reprise d’initiative auront été ses principales armes. Il ne cède que contre le Hongrois Roland Goz, vice champion du monde juniors 2019 et tenant du titre dans cette compétition. Toujours très offensif, Mathieu s’offre donc sa première médaille sur un championnat international. Une belle satisfaction de plus pour le club de Sucy Judo, après son titre national par équipes, les médailles au Grand Chelem de Budapest de Luka Mkheidze et Nicolas Chilard et les sélections européennes qui ont suivi.
La France termine donc ses premiers championnats d’Europe des -23 ans depuis 2013 avec six médailles et deux titres. Une compétition où les invariants du groupe seniors sont de retour, après la parenthèse des championnats d’Europe juniors : des filles (très) performantes et des garçons plus en difficulté. Les féminines glanent en effet cinq médailles et sont toutes, au final, classées. Chez les garçons, une médaille, pour deux judokas qui rallient les quarts sur huit engagés. Une statistique embêtante d’autant plus que, comme Budapest et les championnats d’Europe juniors l’ont prouvé, le confinement a très clairement profité aux grands pays et à leur structuration forte, en particulier la France et la Russie.
La Géorgie campe sur le podium
Privée de son équipe féminine pour cause de Covid-19, la Géorgie s’en est donc uniquement remis à ses judokas masculins ces deux jours. Si hier la récolte fut bonne (une médaille d’argent et de bronze), ce mardi la qualité de sa génération 1998-2000 a encore frappé fort. Deux titres pour Tato Grigalshvili en -81kg et Luka Maisuradze en -90kg. Le premier, vainqueur d’un Grand Chelem de Düsseldorf fin février très relevé, passe aujourd’hui une journée somme toute sereine, battant en finale l’étonnant Suisse Wittwer (cinquième l’année dernière) sur un sode-tsuri-komi-goshi. Ayant visiblement travaillé en ne-waza durant le confinement, Grigalashvili, passé par la France plus jeune (à Grand-Quevilly précisément) aura très souvent cherché la solution en juji-gatame. Le second, médaillé de bronze aux championnats du monde à Tokyo (également en -81kg), avait décidé de faire une pige dans la catégorie supérieure. Un choix de dernière minute, sans doute pour donner la possibilité à Vladimir Akhalkatsi (champion du monde juniors 2019 et tenant du titre de cette compétition en -81kg) de se rattraper de championnats d’Europe juniors loupés dans les grandes largeurs. Ce dernier terminera finalement en bronze. Maisuradze, lui, vient à bout du Russe (et ex-Tadjik) Ekubhzon Nazirov, un combattant dont la seule référence – tout de même – était une victoire au tournoi juniors de Russie en 2018. Si ce dernier marque très rapidement sur un sumi-otoshi, le Géorgien profite d’une grosse baisse de régime de son adversaire pour le contrer puis sceller sa victoire sur un o-uchi-gari à quelques secondes de la fin.
Suivront les médailles d’argent de Gela Zaalishvili en +100kg, battu par le Hongrois Richard Sipocz qui fait donc le doublé juniors/-23 ans en une semaine, tout en conservant son titre dans cette compétition, et le bronze de Saneblidze en -100kg. Huit médailles au total pour le pays à la Croix de Saint-Georges, dont six obtenues cet après-midi. Impressionnant.
Chez les féminines, c’est un duel Croatie/Israël qui a rythmé le bloc final. Avec un résultat nul comme bilan puisque si Lara Cvjetko (vice championne d’Europe cadettes 2018 en -63kg) s’adjuge les -70kg sur un makikomi classique face à Maya Goshen, c’est l’Israélienne Inbar Lanir (troisième des championnats d’Europe juniors vendredi) qui bat la Croate Karla Prodan (championne du monde juniors 2018) en -78kg sur un tsuri-komi-goshi.
Le dernier titre du jour revient au Danois Mathias Madsen en -100kg, qui devient le premier combattant de son pays à s’inviter sur le podium (tout en haut qui plus est!) de cette compétition.
Au final, la Géorgie rafle dans la dernière ligne droite la première place au classement des nations, même si la différence avec la France et les Pays-Bas (cinq podiums au total) se fait sur les médailles d’argent. La Russie termine finalement quatrième avec un seul titre (pour le très enthousiasmant Konstantin Simeonidis). Une compétition qui aura vu dix pays (!) être titrés et vingt-et-un pays médaillés.
Retrouvez les résultats complets ci-dessous :
https://lespritdujudo.com/porec-championnats-deurope-23-ans-2020-tableaux-complets/
* Dans une première version de cet article, nous annoncions la défaite de Paul Livolsi face au Roumain Cret. Toutes nos excuses pour cette erreur.