L’Europe domine cette première journée

Première journée de ces championnats du monde japonais au Nippon Budokan de Tokyo. À retenir ? Pas de médaille pour l’équipe de France mais une cinquième place positive pour Mélanie Clément. Pas de titre pour le Japon en -60kg et -48kg ? Une première depuis 2015. Daria Bilodid et Lukhumi Chkhvimiani font le doublé Jeux européens/championnats du monde. Et le spectacle ? Largement aux abonnés absents.

Clément sur la bonne voie

Elle n’est certes pas sur le podium dans une catégorie où il n’y a pas eu de surprise… sinon la sortie en repêchages de la championne du monde et olympique 2015 et 2016, troisième encore l’année dernière, l’Argentine Pareto… battue par la Française. Finir cinquième dans notre discipline, c’est d’abord évidemment une (grosse) part de frustration. Mélanie Clément pouvait donc être déçue de ne pas être sur la boîte à l’issue de ce dimanche, mais il faut à coup sûr voir plus loin pour la Marnavalaise. Ce dimanche, elle a fait tomber, ce qu’elle ne faisait pas beaucoup au début de la saison. Significatif aussi, elle bat donc l’Argentine Paula Pareto, la grande championne de l’olympiade précédente en se montrant lucide et constante tactiquement lors d’un combat qu’elle aurait sans doute perdu il y a quelques temps (ce qu’elle a d’ailleurs fait au tournoi de Paris en 2014 et au Grand Chelem d’Abou Dhabi en 2018). Même si l’Argentine n’est plus aussi irrésisistible qu’avant, elle reste très difficile à vaincre et ce fut non seulement une victoire importante, mais aussi une victoire assez facile, sur la garde, la posture et de bons passages au sol, qui semble montrer encore mieux que tout le reste qu’un vrai cap est passé. Si elle s’incline (une nouvelle fois) au sol face à la Mongole Urantsetseg Munkhbat, intraitable dans ce domaine avec son juji-gatame (et qui bénéficia d’un arbitre décidé à voir le bout d’une très longue séquence de plus de deux minutes, la Française se positionne désormais, à onze mois des Jeux 2020, comme une outsider crédible pour le podium de la catégorie, capable d’aller embêter, voire battre sur un très bon jour, les toutes meilleures de la catégorie. La dynamique semble bien là pour Clément. De bon augure.

Khyar et Mkheidze s’arrêtent en 1/8e

On l’avait laissé groggy aux Jeux européens de Minsk après une défaite face au Belge Verstraeten alors que la médaille de bronze était à portée de cou. Ce dimanche, on a senti un Walide Khyar en sensations, et très « focus » après deux premiers combats où il s’imposait par ippon, dont un ura-nage, marque de fabrique du Français, face à l’Azerbaïdjanais Mammadsoy, un adversaire difficile qu’il est allé chercher à l’arrache, une première fois contré (et chanceux de ne pas prendre ippon là-dessus) et quelques secondes après avoir été victorieux sur le même geste. Malheureusement, le Français n’a pas surmonté l’obstable Takato. Sur le papier, perdre contre le triple champion du monde et médaillé olympique n’a en soi rien d’infâmant. Mais un arbitrage pas franchement favorable aux Français, avec des pénalités qui seront tombées toute la journée sur les deux tatamis comme des averses de septembre à Tokyo, couplé au fait qu’in fine le Japonais n’était clairement pas dans un grand jour, et la frustration pointera sans doute son nez. L’autre Français du jour, Luka Mkheidze, subit lui la loi du surprenant Taiwanais Yung Wei Yang, auteur d’une très grosse journée. Un judoka qui, à bien regarder, ne sort pas de nul part puisqu’il a fini en argent au Grand Prix de Chine et et bronze au Grand Prix de Hongrie. Il bat le Français grâce à son sankaku-jime saignant dans un combat où ce dernier n’a jamais donné l’impression de pouvoir vaincre ce judoka asiatique, tombeur au tour précédent du Russe n°1 mondial, Robert Mshvidobadze, de l’Ouzbek Urzoboyev en 1/8e et seulement battu par le Géorgien Luhumi Chkhvimiani, futur champion du monde et par le Kazakh Smetov, futur troisième.

Takato et Nagayama n’y étaient pas

En conférence de presse, Kosei Inoue avait fixé plusieurs objectifs : au moins un titre masculin lors des trois premiers jours et une médaille dans chaque catégorie masculine à l’issue de la compétition. Pour l’instant, l’objectif est toujours tenable mais l’absence de titre nippon ce dimanche chez les -60kg raisonne tout de même comme, déjà, un petit échec pour le pays du Soleil Levant. Une catégorie que le staff japonais avait chosi de doubler. Logique au vu d’une saison impressionnante pour Ryuju Nagayama (vainqueur des Grands Chelems du Japon et d’Allemagne) et Naohisa Takato (vainqueur à Paris et à Montréal).
Au final, c’est une seule médaille, de bronze, pour le premier qui bat le second dans les dernières secondes après un relâchement aussi coupable qu’inexplicable de Takato. Deux judokas nippons loin de leur meilleur visage, Nagayama manquant cruellement d’impact et de capacité à accélérer au moment opportun, alors que Takato connut de nombreux moments faibles qu’il paya cash ce dimanche, comme face à l’Ouzbek Lutfillaev en 1/4 de finale sur un uchi-mata qui terminait en makikomi décisif et un waza-ari gentiment donné ippon à l’Ouzbek, ou encore en place de trois contre son rival japonais auquel il marquait waza-ari sur un contre avant de se faire reprendre sur le gong en se laissant fixer dans son attitude défensive pour un sumi-gaeshi bien fait. Nagayama profitait de la confusion pour garder Takato au sol… alors que le temps imparti était fini et qu’on aurait dû partir sur un golden score. Clairement pas la journée de Takato et, quoiqu’il en soit, après cette journée, aucun des deux judokas japonais n’a pris un avantage décisif dans la course aux Jeux. Takato toujours capable de faire de grosses erreurs et Nagayama parfois en difficulté pour vaincre dans les moments décisifs.

Le titre continental et mondial pour Bilodid et Chkhvimiani

Des contre-performances qui profitent à Lukhumi Chkhvimiani, l’homme du jour. Le Géorgien, très fort aujourd’hui, fait donc le doublé Jeux européens/Championnats du monde. Premier titre mondial européen dans cette catégorie depuis Georgii Zantaraia en 2009 à Rotterdam !
Après être sorti du piège « made in Taiwan », il était finalement vainqueur du plus beau combat du jour, une longue souffrance contre le Japonais Ryuju Nagayama, qui jouait avec lui comme le chat avec la souris… sauf que c’est la souris qui retombait toujours sur ses pattes, et sur un seoi-nage qui aurait été décisif avec n’importe qui d’autres, le Géorgien reprenait un appui et parvenait à contrer l’élégant Nippon. En finale, Chkhvimiani domptait Sharazuddin Lutfillaev – attendant que ce dernier lance son uchi-mata à gauche pour le contrer avant de placer un tai-otoshi pour un second waza-ari synonyme de victoire finale. Très solide aujourd’hui pour ce premier titre mondial seniors, le Géogien tombait dans les bras en descendant du tapis, du capitaine de l’équipe, Varlam « Lipo »Liparteliani.

Chez les -48kg, ce dimanche n’aura proposé aucune surprise avec le doublé de l’Ukrainienne Daria Bilodid, 18 ans. Dans un remake de la finale de Bakou, il y a un an, elle bat à nouveau la Japonaise Funa Tonaki, pourtant très tranchante aujourd’hui au sol. Un harai-goshi en sortie d’attaque de la Niponne pour un waza-ari qui permet à Bilodid de doubler, et, cette fois, de glâner un titre mondial juste après un titre européen. Elle a tout de même donné des signes de fragilité à la fin de la finale (la faute au régime peut-être, mais aussi à une vraie pression mentale) mais possède toujours son système d’attaque à base d’attaques de jambe et d’un sankaku-jime d’une efficacité proche des 100% pour chaque tentative engagée. Elle est notamment parvenue à faire tomber la Mongole Munkhbat dans ce filet. Une séquence à couper le souffle. Littéralement.

Une première journée de compétition où on chercha un peu les raisons de se réjouir du spectacle. À un an des JO, on sent que les règles d’arbitrage sont désormais pleinement intégrées par le circuit mondial et que le jeu s’en trouve de plus en plus verrouillé. Ajoutez à cela que les deux combats pour le bronze chez les masculins étaient entre combattants du même pays, et qui donc se connaissaient par coeur et on obtient une journée sans flamboyance et un judo de plus en plus étouffé par les lutteurs et les règles d’un arbitrage non seulement souvent intempestif, mais aussi, et surtout ne favorisant pas les séquences de saisie et les préparations d’attaque.
On verra dès demain si la tendance est suivie dans les autres catégories.