Responsable du pôle espoir de Nice depuis 1994, ce sixième dan de cinquante-six ans, responsable de l’équipe de France masculine cadets entre janvier 2022 et février 2023 a été récemment cité dans deux articles de L’Équipe et du journal Le Monde. Il répond dans nos colonnes.
Vous venez porter plainte pour diffamation suite à deux articles.
Oui. Voir son nom cité et lié à la question des violences dans le judo sans que le moindre fait ou signalement me concernant le justifie a été dur.
À leur lecture et après réflexion j’ai décidé de porter plainte pour diffamation : l’article de L’Équipe évoque mes pseudo « méthodes à l’ancienne » qui auraient été à l’origine de mon écartement de l’équipe de France cadets. L’autre, celui du Monde, fait l’amalgame entre ce qui est actuellement reproché à MM.Pesqué et Mongellas et moi-même alors que je peux affirmer qu’au niveau judiciaire ou administratif, il n’y a ni plainte, ni enquête ni même signalement à mon encontre. Maintenant ou dans le passé. Je crains toutefois l’atmosphère actuelle qui ferait passer le principe de précaution devant la présomption d’innocence à propos d’enquêtes sur des éducateurs dont la réputation en serait irrémédiablement entachée.
Quelle définition donneriez-vous de la violence ?
D’abord, dire qu’il serait imbécile et malhonnête de nier que cela a existé. Mais que faut-il entendre par violence ? Selon moi, la violence se caractérise par le fait de porter atteinte à l’intégrité physique, morale ou psychologique d’un judoka en en ayant conscience. Et donc en assumant de le faire.
Ce qui me gêne beaucoup dans la manière dont cette thématique est abordée depuis plusieurs mois tient à sa décontextualisation. Juger avec le regard de notre époque tient donc pour moi du raisonnement fallacieux*, par syllogisme ou paralogisme. Ce souhait de relire le passé à l’aune de nos critères moraux ou sociétaux prenne une place croissante dans la vie publique de notre pays, et le judo n’y échappe pas.
J’en fais le constat, sans en juger de la validité morale.
Que cela soit absolument clair : je ne suis pas un tenant du « c’était mieux avant ». Les études médicales et le législateur ont fait évoluer les normes quant à la protection de l’intégrité physique et psychologiques des sportifs et donc des judokas… et je trouve cela extrêmement bénéfique !
Jamais de ma carrière je n’ai été violent, au sens que j’ai donné plus haut. Exigeant ? Oui, certainement. Même si, avec l’expérience, j’ai compris que selon moi la meilleure manière de régler un problème passait et par la communication – je suis connu pour aimer parler et plaisanter avec mes élèves – et par la responsabilité. Punir un judoka du pôle espoir en le mettant sur le bord du tatami, à cause de son comportement, l’empêchant de faire ce qu’il aime pendant une ou deux séances, sera bien plus pertinent qu’une randori en forme de punitions.
Car quel intérêt aurais-je à blesser les combattants placés sous ma responsabilité ?
Un ancien élève du sport-étude, Florent Hill, nous a pourtant raconté un randori particulièrement dur au sol (avec évanouissement puis maux de tête le soir), lors d’un stage inter-pôle en février 2007 à la Londe (Var), et le mauvais souvenir qu’il en gardait. Que souhaitez-vous lui répondre ?
Premièrement, que s’il en garde un mauvais souvenir j’en suis désolé et peiné. Comme je l’ai expliqué précédemment les règles ont évoluées de manière salutaire notamment sur les étranglements. La perte de connaissance n’avait pas alors fait l’objet d’analyse médicale qui dira par la suite que cela n’était pas sans conséquence pour la santé (comme pour le rugby vis-à-vis de certains placages ou avec le protocole commotion).
Deuxièmement qu’en toute conscience je ne faisais que l’amener à ses limites pour que son système défensif en ne-waza s’améliore : il avait perdu plusieurs combats au sol précédemment et que c’est un secteur que nous ne nous travaillions sans doute pas assez à l’époque lors des entraînements pôle de Nice. Il avait du potentiel (Florent Hill sera champion de France cadets en 2008 NDLR) et je ne voulais plus qu’il perde bêtement en ne-waza. Je n’avais rien contre lui, ni contre aucun autre d’ailleurs bien au contraire, les relations étaient excellentes avec lui et avec sa famille. J’ai été très heureux, de sa réussite sportive et du fait qu’il ne perdait plus en ne waza. Les méthodes d’entraînements étaient sensiblement les mêmes aux quatre coins de la France avec la mise en place de prérequis et de lignes directrices lors de que des stages d’entraîneurs.
J’ai subi également des randoris durs quand j’étais athlète sans jamais penser à de la violence envers moi. La dureté était la norme. Jamais la violence. Que ce soit avec Florent ou avec les autres judokas que j’entraînais, Il n’y avait absolument aucune intention violente de ma part.
Mais avec le recul, mon expérience et les connaissances médicales, il est évident que cela n’aurait plus court, les méthodes d’entraînement ont évolué et les entraîneurs avec elles, moi y compris. Quand il s’agit de la prise en compte des paramètres humains physiques et mentaux des athlète, la fin ne justifiera jamais les moyens. J’en avais déjà conscience à l’époque et j’en ai toujours conscience aujourd’hui.
Si Florent souhaite un jour évoquer cet épisode avec moi, je suis bien entendu d’accord.
Vous a-t-on dit que c’était vos « méthodes à l’ancienne » qui justifiaient que vous ne soyez plus responsable de l’équipe de France cadets masculine ?
Pas du tout. Cela tient d’une décision personnelle. En effet, une modification de l’organisation de celle-ci et en particulier l’imposition d’un tournus au sein des entraîneurs lors de chaque compétition internationale, y compris les championnats internationaux, m’a décidé à ne pas vouloir poursuivre cette formidable aventure. D’ailleurs, je pose la question : si mes méthodes d’entraînement et de management jugées rétrogrades étaient, comme on l’écrit, à l’origine de mon éviction, pourquoi ma collègue Véronique Laude, responsable de l’équipe féminine, aurait pris la même décision que moi et pour les mêmes raisons ?
*Un raisonnement incorrect qui a pourtant une apparence de validité logique.