Euranie bat Gneto en finale, Bellard en or aussi

En deux jours de compétition, ce Grand Chelem d’Azerbaïdjan a livré déjà beaucoup d’informations, notamment du côté d’un groupe France en pleine ébullition depuis les championnats d’Europe de Montpellier.

Chez les garçons, l’information forte de la première journée, c’était le retour sur le podium d’un tournoi de ce niveau de Sofiane Milous en -60 kg, qui est allé arracher sa médaille de bronze dans un très beau combat face au Russe Robert Mshvidobadze, 20e mondial, lequel avait battu en tableau Adrien Raymond. Si Milous a perdu contre l’Azéri Mushkiyev, 7e mondial, sa joie et sa détermination au sortir du tapis, avec un Franck Chambily volubile à ses côtés, montre peut-être que cette perf a dégivré et la situation du combattant d’Argenteuil vis à vis de l’encadrement, et son moteur d’ancien champion d’Europe. Il a sans doute remarqué aussi qu’il n’avait pas été éclipsé dans la catégorie depuis sa baisse de régime. Sofiane Milous à Chelyabinsk pour les championnats du monde ? C’est tout à fait possible désormais.
La destination s’éloigne en -66 kg en revanche pour Dimitri Dragin qui n’était déjà pas de la fête de Montpellier, une finale européenne franco-française, et qui perd ici au premier tour d’un yuko face à l’Italien Elio Verde. Malgré la blessure de David Larose qui le prive de championnat du monde, la porte se ferme encore un peu plus pour le combattant de Levallois.

Urani, la révélation

Révélation française en ce deuxième jour en -73 kg, et sans doute la plus belle performance d’un masculin français pour l’instant sur ce tournoi : Ce n’est pas Pierre Duprat pour son retour de blessure, même si il parvient à battre le Mongol Khasbaatar, 5e mondial, mais Florent Urani. On attendait depuis longtemps l’explosion probable en seniors de ce médaillé mondial junior 2009, génération Pietri. Il avait été freiné par le niveau français de la catégorie, notamment les derniers feux redoutables de Benjamin Darbelet, puis par une sérieuse blessure. On avait commencé à le voir arriver cet été avec plusieurs victoires sur le futur vice champion d’Europe Ugo Legrand. Ce Grand Chelem de Bakou pourrait bien être son avénement. Avec ses sumi-gaeshi infernaux, mais aussi de très beaux sasae-tsuri-komi-ashi, le longiligne Florent Urani a en effet battu les redoutables Sharipov (UZB), Orujov (AZE) et Scvortov (UAE), soit les 10e, 11e et 8e au classement mondial. Pas mal pour un combattant classé encore à la 54e place. Il est arrêté en finale par le redoutable Israélien Sagi Muki, 17e mondial, qui prenait d’entrée le sumi-gaeshi apparement définitif d’Urani, mais mené waz-ari en quinze secondes, il se rebellait avec un sode-tsuri-komi rageur qui emportait le Français. Attention Florent, il faut gagner les finales !
Avec Ugo Legrand, qui a encore prouvé son exceptionnelle valeur, Pierre Duprat qui est revenu très vite et très fort, Jonathan Allardon déjà 5e du dernier tournoi de Paris, voici venu comme une évidence l’ancien Niçois désormais « Génovefain » (de Sainte-Geneviève) et son judo original et élégant. Dans cette catégorie, la place de titulaire au prochain rendez-vous olympique de Rio n’est pas jouée.

Pinot non, Bellard oui

Chez les féminines, on a aussi profité de ce tournoi de bon niveau – mais tout de même moins difficile qu’un « vrai » Grand Chelem – pour continuer à préciser les hiérarchies nationales, et souvent avec éclat.
Dans l’ordre décroissant des catégories, la très attendue Margaux Pinot fait une contre performance en -70 kg. Elle est surprise au second tour par un sode-tsuri-komi-goshi à une main de la Polonaise Katarzyna Klys, celle-là même qui avait éliminé Gévrise Emane du championnat d’Europe sur un attaque en bordure litigieuse. Pinot, qui avait battu cette Klys en mars, rate l’occasion de faire un beau tournoi et de marquer à nouveau des points, mais aussi d’envoyer le message qu’elle aurait dû être dans la sélection de Montpellier.
Ce message, Anne-Laure Bellard ne l’envoie pas dire en -63 kg. Elle produit une nouvelle fois une prestation bluffante, impressionnante dans sa façon – comme elle le dit elle-même – de « salir » le judo plus léché de ses rivales, mais aussi d’aller au combat avec une détermination de plus en plus intimidante. Et même si ses gardes croisées et ses postures dos tourné à l’adversaire ne donne pas des affrontements très agréables à suivre, elle sait aussi attaquer fort en sumi-gaeshi, o-uchi-gari et uchi-mata, marquant sur ces techniques les avantages décisifs dont elle a besoin. Elle  avait battu la n°1 mondiale à Paris, elle l’emporte cette fois en dominant la Néerlandaise Van Emden, 4e mondiale, et l’Autrichienne Unterwurzsacher, 7e mondiale. La voici désormais installée en bonne place dans les dix meilleures au niveau mondial, avc un statut d’épouvantail de la catégorie. Une vraie carte de visite. Anne-Laure Bellard fait tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir une sélection individuelle pour Chelyabinsk.

Euranie domine Gneto

Laetitia Blot aussi est une combattante en -57 kg, et elle marque encore des points en démontrant qu’elle parvient désormais à se classer presque systématiquement. La voici 3e à Bakou, sur la même marche du podium que celle qui la bat, l’Azéri Gasimova, 14e mondiale, après sa victoire au Grand Prix de Turquie et sa cinquième place à Paris. Laetitia Blot n’est plus la bonne surprise de l’année, elle est installée.
Mais la perf du jour chez les filles, celle devant laquelle on doit lever son chapeau pour faire une belle révérence, c’est Annabelle Euranie. Cette jeune mère de famille revenue de sept ans (!) d’interruption de carrière, dont on sent que les appuis sont un peu moins sûrs, et les « trous » en ne-waza parfois béants, prouve qu’être champion, c’est d’abord un tempérament. Elle ne rate pas beaucoup d’occasion depuis qu’elle a décidé son retour et prend l’opportunité de la victoire dès que c’est possible. À Baku, elle s’offre un Grand Chelem dans ses moyens avec des victoires sur la Turque Akyol, 119e, l’Irlandaise Kearney, 36e, l’Israélienne Roni Schwartz, 18e mondiale tout de même. Surtout, en finale, elle fait céder sa rivale française, la médaillée olympique Priscilla Gneto, désormais 26e mondiale, qui aura eu du mal à faire face, pour son retour, à l’agressif kumi-kata d’Euranie. Elle prend quatre pénalités en trois minutes. Du coup, là aussi, Bonna ayant raté son championnat d’Europe, la course pour le championnat du monde de Chelyabinsk est largement relancée.