Deuxième journée de ce Grand Chelem hongrois pendant laquelle les Français ont continué à engranger, avec l’argent de Margaux Pinot et le bronze de Nicolas Chilard. En soi, déjà, une très bonne nouvelle. Un samedi où le spectacle fut aussi plus présent en partie grâce à une catégorie des -81kg spectaculaire et un Saeid Mollaei, désormais Mongol, tout en subtilité, ce qui est inattendu. À noter aussi que les favoris se sont montrés au rendez-vous, à l’image de Tina Trstenjak et Rustam Orujov, mais que les outsiders ont continué à pousser… à commencer par les outsiders français.

Pinot présente, Chilard prend de l’ampleur

Deux nouvelles médailles dans la besace donc pour l’équipe de France. La première satisfaction vient de Margaux Pinot. Au niveau international, on l’avait laissée sur une médaille de bronze au Grand Chelem de Düsseldorf fin février, mais usée physiquement et mentalement par sa concurrence de tous les jours avec Marie-Ève Gahié pour la sélection olympique. Championne de France par équipes début octobre à Brest – où elle avait été pour de nombreux observateurs la combattante du jour avec Amandine Buchard – la voilà qui retrouve le goût des podiums internationaux après ces huit mois d’arrêt forcé.

Très en rythme – une de ses caractéristiques – la judokate de l’ESBM Judo bat notamment la piégeuse Autrichienne Michaela Polleres (5e mondiale) en demi-finale sur un o-soto-gari en gauche qu’on ne lui connaissait pas. En finale, elle retrouvait la Croate Barbara Matic (28e mondiale et en perte de vitesse depuis sa médaille de bronze aux Europe 2019), déjà tombeuse d’une Marie-Ève Gahié absente mentalement en 1/4 de finale. Menée waza-ari sur un ashi-guruma makikomi très tranchant, la Française se fait surprendre et ne peut revenir au score. Une journée qui reste toutefois positive pour Pinot. À la voir évoluer, on a l’impression que le confinement et l’absence totale de compétition durant plusieurs mois ne l’ont pas vraiment trop affectée voire même reboostée.

Margaux Pinot et ses mouvements d’épaule toujours aussi ravageurs
Crédit photo : Emmanuel Charlot – L’Esprit du Judo

Mais la grande nouvelle du jour pour la France vient de Nicolas Chilard (Sucy Judo). Lui aussi champion de France à Brest, le Breton sort une journée remarquablement convaincante. Comme Luka Mkheidze la veille, le 71e mondial qu’il est au début de la journée prend sa chance et un peu plus de volume à chaque tour. Crispant par son côté ultra-tactique dans son premier (très) gros affrontement contre le Russe Lappinagov, il a le mérite de passer ce test difficile et de s’ajuster tout au long de la journée au niveau international, toujours plus équilibré à mesure que les heures passent, toujours plus juste mentalement, physiquement et techniquement. Seul le champion du monde 2018 Saied Mollaei trouvera la faille, par un premier mouvement tout en puissance suivi d’un balayage magnifique qu’il sortira tout au long de la journée. On gardera de ce samedi l’image du -81kg tricolore enroulant de manière très fluide sur son sode-tsuri-komi-goshi à droite le champion olympique russe, Khasan Khalmurzaev, au début du golden score, lors du combat pour le bronze. Un mouvement que Chilard avait également placé au Brésilien Macedo en tableau. Le Français prend beaucoup de points et a sans aucun doute validé son billet pour les championnats d’Europe dans un mois à Prague, d’autant que le dernier leader du poste, Alpha Oumar Djalo, perd en tableau contre l’Autrichien Shamil Borchashvili (30e mondial) sur un uki-waza où le Français se réceptionnait mal. Évacué sur civière, les premières nouvelles du judoka du PSG semblaient assez rassurantes.

La rage de Nicolas Chilard, en bronze ce samedi
Crédit Photo : Emmanuel Charlot – L’Esprit du Judo

Gahié peu inspirée

Et les autres Français ? Marie-Ève Gahié finit au pied du podium, battue pour le bronze par l’Autrichienne Polleres sur un contre en deux temps. Une journée lors de laquelle on a senti la championne du monde 2019 et n°1 mondiale peu inspirée, et sans vrai impact.
Son premier combat contre la Roumaine Moscalu (108e mondiale), où elle est menée dans les trente premières secondes et l’emporte après avoir failli être arrachée une seconde fois avait donné le ton. Pas d’inquiétude pour autant pour la combattante du PSG qui semblait avoir vraiment envie d’être ailleurs. En -63kg, Agathe Devitry (US Orléans Loiret) remporte son premier en combat en plaçant une liaison debout-sol très propre. Mais, au deuxième tour, elle se fait foudroyer par la première attaque de la Brésilienne Quadros (médaillée olympique 2008 en -57kg et vainqueur du Grand Chelem de Brasilia 2019) avec un sode-tsuri-komi-goshi très fluide et dynamique. Le niveau au-dessus. En -73kg, Mickaël Dubois (Sucy Judo) ne peut rien face au Kazakhstanais Smagulov alors que Guillaume Chaine (CO Sartrouville) cède au second tour face au Polonais Czizsek, 21 ans et 117e mondial, après 6’17 de golden score ! Un dernier et fatal shido sur une fausse attaque, lui qui avait remporté son premier combat en allant, déjà, piocher dans les réserves face au Roumain Raicu.

Un samedi dans la continuité de vendredi

Un samedi conforme aux attentes en terme de résultats puisque trois des quatre têtes de série n°1 du jour l’ont emporté, Tina Trstenjak, l’inusable championne olympique slovène des -63kg, qui pique l’étonnante Vénézuélienne Anriquelis Barrios, première fois finaliste (23e mondiale tout de même et 5e à Tel-Aviv en début d’année) sur un yoko-shiho-gatame suite à un dégagement de jambe. En -73kg, Rustam Orujov offre l’un des combats les plus intéressants de la journée… face au Suisse Nils Stump. Sûr de se force, le vice-champion olympique et du monde azéri met un premier waza-ari sur un o-uchi-gari circulaire parfaitement dans le temps. Mais l’Helvète de 23 ans, médaillé européen juniors en 2016 et classé en janvier à Tel-Aviv, joue sa chance à fond et marque lui aussi waza-ari sur un ura-nage en deux temps avant qu’Orujov ne reprenne les choses en main pour un sumi-gaeshi définitif. Un combat pétillant qui marque la domination des leaders sur les nouveaux venus… mais de peu ! En -81kg le Turc Vedat Albayrak fait parler sa puissance pour placer un tani-otoshi suivi en immobilisation au Canadien Valois-Fortier.

Vedat Albayrak, vainqueur en -81kg après ce puissant tani-otoshi en finale
Crédit photo : Emmanuel Charlot – L’Esprit du Judo

Une catégorie qui aura été la plus spectaculaire avec, en particulier, un Saeid Mollaei (3e aujourd’hui) étonnant : un harai-tsuri-komi-ashi très sec contre Chilard avant de déposer sur le dos et pour le bronze le Néerlandais De Wit sur un sasae-tsuri-komi-ashi (fini quasiment en balayage) tout en subtilité. Les champions sont étonnants. La jeunesse enfonce encore le clou aujourd’hui avec la Hongroise Szofi Ozbas, une ceinture marron de 19 ans, qui expulse avec décision la « top 10 » Catherine Beauchemin-Pinard. La victoire d’une combattante du cru, championne du monde juniors 2019 et qui n’est que junior 2e année.

Au niveau des médailles la Russie, bredouille aujourd’hui (notamment à  cause de Nicolas Chilard qui sort les deux représentants en -81kg !) continue à mener la danse devant la France, qui rate l’occasion de passer devant par les médailles d’or. Le Canada va toujours bien avec le bronze de Margelidon (en -73kg) et l’argent de Valois-Fortier, en pleine forme pour battre joliment le néo-Mongol Mollaei. La Suisse marque décidément les esprits, avec une seconde finale en deux jours : Kocher hier, Stump aujourd’hui. Il se passe quelque chose dans la Confédération des vingt-six cantons.

Retrouvez les résultats et tableaux complets de ce deuxième jour ci-dessous :
https://lespritdujudo.com/grand-chelem-de-budapest-2020-tableaux-resultats/