Victoire pour la -48kg française, l’argent pour Buchard et Cysique

Trois Françaises en finale des trois catégories du jour sur un Grand Chelem. La performance n’est pas passé inaperçue ce vendredi à Düsseldorf, en particulier chez un staff japonais installé en tribune de presse et qui regarda avec beaucoup d’attention les deux finales franco-japonaises du jour. Shirine Boukli, impériale ce vendredi, ouvre le compteur tricolore avec son mélange d’insouciance juvénile et de judo maîtrisé sur le bout des doigts. Elle accroche à son tableau de chasse cette fois-ci la triple médaillée mondiale japonaise Funa Tonaki. Suivront Amandine Buchard et Sarah-Léonie Cysique qui terminent elles en argent battues respectivement par Uta Abe et Jessica Klimkait. Une journée marquée également par la démonstration de Naohisa Takato, bien partie pour être le -60kg nippon à Tokyo. Hifumi Abe, de son côté, s’arrache pour remporter ce tournoi qui lui permet de rester dans la course à la sélection olympique.

Boukli, trajectoire toujours plus ascendante

Boukli peut exulter, elle vient de frapper un grand coup. Crédit Photo : Aurélien Brandenburger / L’Esprit du Judo

On ne l’arrête plus. Comme elle l’expliquait en zone mixte (alors qu’Amandine Buchard, juste à côté, se faisait interviewer par les nombreux médias japonais présents), le point de départ de la dynamique qui a vu Shirine Boukli remporter son premier Grand Chelem ce vendredi a débuté à Marrakech, à la mi-octobre. Vice-championne du monde juniors (elle n’est battue que par Wakana Koga, 2e Paris), la Française pose à ce moment-là les jalons d’une succession de performances plus bluffantes les unes que les autres. En argent au Grand Prix de Tel-Aviv fin janvier, elle termine 5e à Paris après une demi-finale homérique contre la Reine Daria Bilodid et une victoire très convaincante contre la dangereuse et rouée Kazakh Galbadrakh. Ce vendredi Boukli monte encore en gamme, battant quatre filles du top 20 mondial dont la championne du monde 2017 et double vice-championne du monde 2018 et 2019, Funa Tonaki. Remarquable de constance, d’application et de lucidité avec sa garde envahissante et ses tsuri-komi-goshi saignants, Shirine Boukli marque le waza-ari décisif sur un sumi-gaeshi à mi-combat lors duquel elle n’aura jamais donné d’opportunité (notamment en ne-waza) à la Japonaise de revenir au score.
C’est d’ailleurs cela qui est sans doute le plus intéressant : Boukli montre une faculté impressionnante à appliquer un schéma et à s’y tenir, à ne pas connaître de vrai temps faible ou à commettre des erreurs (tactiques) immédiatement punies par l’arbitre ou l’adversaire.
Bref, pour prendre en défaut la judokate du FLAM 91 il faut être plus forte qu’elle alors même que cette dernière prouve qu’elle est – presque – capable de battre toutes les meilleures, comme Bilodid il y a deux semaines. Avec cette victoire qui va la mettre dans les vingt meilleures mondiales, Boukli, lancée comme une fusée sur le circuit mondial senior, se pose comme une candidate désormais très affirmée à l’une des deux dernières places pour les championnats d’Europe.

Nouvelle finale entre Uta Abe et Amandine Buchard après Osaka. Crédit photo : Aurélien Brandenburger / L’Esprit du Judo

C’était sans doute la finale la plus attendue de la journée. Alors qu’à Osaka, Amandine Buchard avait frappé un grand coup en battant Uta Abe, la double championne du monde en titre, devant son public, la Japonaise a pris une revanche – provisoire – ce vendredi. Une compétition de reprise pour la Française, forfait à Paris et qui aura manqué d’un peu de rythme en finale, face à une Japonaise qui attaquait la première la plupart du temps…tout en se gardant bien de le faire à 100 %, n’hésitant ainsi jamais à rompre lorsqu’elle sentait la Française pouvant la contrer. Une défaite aux shidos, forcément décevante, pour la numéro un mondiale mais à laquelle il ne faut sans doute pas donner de signification exagérée. Car le reste de la journée aura montré qu’il y avait aujourd’hui Buchard, Abe et les autres. La Française qui aura d’ailleurs tenté avec un succès un nouveau mouvement : un départ en kata-guruma sur les mains pour finalement placer sa jambe gauche en pont derrière son adversaire qui lui permet de plaquer l’Américaine Delgado dans le tapis en 1/4 de finale.

Sarah-Léonie Cysique fait s’envoler Theresa Stoll. Crédit photo : Aurélien Brandenburger / L’Esprit du Judo

Dernière finaliste du jour, Sarah-Léonie Cysique confirme qu’elle est la meilleure -57kg Française actuelle. Alors que Hélène Receveaux se faisait sortir dès son premier combat par la Russe Konkina, la cinquième des derniers championnats du monde bat respectivement la Bulgare Ilieva, la Polonaise Borowska, l’Israélienne Nelson-Levy et l’Allemande Stoll. Que des ippons pour la judokate de l’ACBB Judo qui douche l’enthousiasme des spectateurs de l’ISS Dome (pas très nombreux et peu bruyant) en pulvérisant Stoll sur un gros harai-goshi. En finale se présentait la Canadienne Jessica Klimkait. Une combattante qui menait 3-0 dans son duel avec la Française avant cette finale. Et maintenant quatre : neutralisant bien la manche gauche de Cysique vers le bas, Klimkait lance un sode-tsuri-komi-goshi qui fait tourner la Française dans le sens inverse souhaité. Mais qu’importe puisque cette dernière tombait sur le dos. Ippon pour la nord-américaine. Reste tout de même une journée très solide de la Française pour un vendredi cannibalisé par les Françaises… et les Japonais.

Takato intouchable, Abe n’a pas craqué

« Une victoire aujourd’hui et il a normalement son ticket pour Tokyo. Pourquoi lui et pas Nagayama ? Car il est triple champion du monde. » Alors que Naohisa Takato vient d’atomiser le Coréen Kim Won Jin sur un sode debout en demi-finale, un journaliste japonais nous livrait l’enjeu du jour pour le lutin malin de l’entreprise Park 24. Survolant, à une altitude stratosphérique, la catégorie, Takato gagne son second Grand Chelem de la saison (après Osaka) sans combattre puisque le Taiwanais Yang, blessé, ne se présentera pas. Interviewée par une nuée de journalistes nippons (bien plus présents qu’à Paris), Takato se montrait souriant et détendu, comme si il avait conscience d’avoir fait le plus dur pour participer à ses seconds JO.
En -66kg, l’enjeu pour Hifumi Abe était différent. Toujours selon notre confrère japonais : « une défaite ici et il perdait presque toute chance d’aller à Tokyo car on aurait estimé qu’il perdait trop contre les étrangers contrairement à Joshiro Maruyama. » Une équation dont le futur judoka de Park 24 était bien conscient, à voir son sourire de soulagement après sa victoire contre le Géorgien Vazha Margvelashvili en finale sur un o-uchi-gari en reprise de garde puis un énorme harai-goshi avec la main à la hanche. Un vendredi lors duquel Hifumi Abe a toutefois montré que sa marge face à des combattants européens qui n’hésitaient pas une seconde à lui rentrer dedans et à aller au corps-à-corps est en train de se réduire, en comparaison de 2017 et 2018. Mais l’aîné des Abe n’a pas craqué (on se demande encore comment il fait pour ne pas tomber sur le de-ashi-barai du Géorgien au début du combat !) et c’est tout de même très fort.