Et une belle dynamique collective pour les masculins français

Il a gagné six combats, il a surtout gagné son premier Grand Prix, lui qui n’avait récolté jusque là, à trente-deux ans, que deux médailles dans un grand tournoi, l’argent du Grand Chelem de Russie en 2015, et le bronze du Grand Prix d’Allemagne en 2017. Guillaume Chaine avait séduit l’encadrement national lors du dernier tournoi de Paris, obtenant dans la foulée la sélection en Allemagne, puis au Grand Prix du Maroc où il était resté au pied du podium. Pari réussi finalement avec cette victoire, qui n’est que la sixième victoire en Grand Prix d’un combattant français depuis les Jeux 2016. Fort physiquement et « sur les mains », toujours en pression sur l’adversaire qu’il oblige à résister, il est redoutable sur un o-uchi-gari très personnel pour lequel il descend sur un genou avant de faucher dans un mouvement très rotatif. Un joli geste, efficace, qui lui vaut la plupart de ses victoires ce samedi. 

Que vaut vraiment cette victoire ? Quarante-troisième mondial avant ce Grand Prix, Chaine prend six adversaires donc, dont le premier, le Kazakhstanais Kuan Barys, était non classé à la ranking. Le deuxième, le Brésilien Marcelo Contini, était dix places au-dessus de lui. Mais, sous la pression efficace du Français, il se battait tout seul en accumulant les fausses attaques. Le Polonais Wictor Mrowczynski, son troisième adversaire, n’était que 72e , mais s’était montré en forme en février avec un bon tournoi d’Allemagne et une finale à l’Open de Pologne. Il subissait par deux fois le « spécial » du Français. Le gros test venait ensuite avec un « top 10 », le Mongol Odbayar Ganbaatar, 6e mondial, finaliste du championnat d’Asie, médaillé mondial et vainqueur des Grands Chelems d’Azerbaïdjan et d’Abou Dhabi en 2017.  Moins brillant depuis, il accumule les cinquièmes places depuis plus d’un an… dont une, tout de même, aux derniers championnats du monde. Un client donc, qui ne tombait pas sur les fauchages, mais que le Français, bien concentré et sûr de lui, parvenait à piquer au sol sur un placage finement joué. Une séquence parfaite de vista, exemplaire de la qualité de la prestation générale de Guillaume Chaine sur ce tournoi. Le Russe Denis Iartcev était une belle référence à épingler en demi-finale. Dix-huitième mondial, il s’était montré remarquable au Grand Prix du Maroc début mars. De fait, il se montrait dangereux sur ses grandes attaques en uchi-mata. Mais alors qu’il forçait son rythme pour marquer dans les dernières secondes du combat, il se faisait enrouler par Chaine, impeccable encore sur ce coup-là. Deux très belles performances qu’il fallait absolument confirmer en finale face à un outsider, le Cubain Magdiel Estrada, 46e mondial… qu’il avait battu au troisième tour des championnats du monde à Bakou. Un beau waza-ari rapidement obtenu sur son o-uchi-gari allait régler la question.
Une très belle compétition donc, pour celui qui s’annonce comme le futur titulaire des grands rendez-vous à venir, notamment sur l’attitude, tout en assurance, et l’efficacité de son geste favori. Les sept cents points ne seront pas de trop pour le replacer dans la course et c’est une bonne nouvelle aussi pour l’équipe de France, qui voit ses prétentions au titre mondial par équipes se renforcer. La présence ou non d’un bon -73kg sera déterminante. Jusque-là, les signes n’étaient guère favorables. 

Alpha retrouve la vista

On attendait avec intérêt le retour d’Alpha Oumar Djalo en -81kg, le seul masculin français classé dans les sept aux derniers championnats d’Europe et toujours auréolé de sa belle finale en Allemagne il y a un an désormais. Non classé par la suite pendant toute l’année, il avait dû prendre du recul depuis novembre pour soigner une blessure. Le repos lui aura fait du bien. Il se retrouve lui aussi dans la bonne dynamique de notre équipe masculine sur ce Grand Prix. Bien en rythme, il explosait l’Ukrainien Zusko (208e) sur un ura-nage magnifique, finissait par venir à bout de l’Italien Antonio Esposito (21e) sur un joli enchaînement ko-uchi/o-uchi/ashi-guruma qu’il avait tenté plusieurs fois, se permettait même le luxe de plaquer sur le dos l’ancienne gloire de la catégorie, le Canadien Antoine Valois-Fortier, désormais 23e, sur un ura-nage/yoko-guruma en contre plein de « feeling ». Mais alors que le Canadien allait finalement atteindre le podium, le Français s’inclinait ensuite par deux fois : face au n°3 mondial, le Néerlandais Frank De Wit, qui prenait rapidement l’avantage, puis pour la médaille face au Géorgien Tato Grigalashvili (74e) au bout du golden score et après un combat très dense, sur une relance en uchi-mata à partir du sol. Un résultat encore modeste par rapport aux attentes pour Alpha Oumar Djalo, mais une belle bagarre, un beau tournoi tout de même pour le meilleur -81kg français, 46e mondial, et surtout, là encore, une belle attitude, tout en confiance, en engagement et en mobilité. 

C’est une vraie note d’optimisme collectif, un parfum de judo attendu depuis longtemps qu’on entendait, qu’on respirait autour de cette équipe de France masculine. L’avenir dira si Tbilissi 2019 était un signe avant-coureur d’une nouvelle dynamique, comme on peut le penser. En attendant, après deux jours, la Géorgie chez elle ne distançait la France, au classement des médailles masculines, que sur ce combat décisif.