Et Marie-Ève Gahié passe un cap !

Comme le Grand Prix de Chine en mai, le Grand Prix de Croatie à Zagreb ce week-end était un rendez-vous déjà crucial pour les points à prendre. L’intensité était présente, ainsi qu’une opposition de haut-niveau, particulièrement dans certaines catégories. Pour autant, la date étant ce qu’elle est, certains des ténors concernés par les championnats du monde à venir fin septembre, étaient à un niveau de forme moyen, au seuil de leur préparation d’été, ce qui a valu par exemple au n°1 mondial des -66kg Hifumi Abe la déconvenue d’une défaite internationale pour la première fois depuis… juillet 2015. Si le ippon accordé à son adversaire mongol paraissait généreux, la marque y était. Un petit uki-waza latéral dont la « team » mongol a le secret.

C’est malgré tout le Japon qui sort en tête des nations avec ses onze sélectionnés (quatre garçons et sept filles), tous sur le podium dont trois à la première place, le -60kg Naohisa Takato, champion du monde en titre, la -52kg Ai Shishime, elle aussi championne du monde en titre, et la plus inattendue Nami Nabekura en -63kg, une championne du monde junior 2015 désormais troisième mondiale qui se paye sur ce tournoi la grande Slovène Tina Trstenjak, championne olympique en finale. Si cette Nami Nabekura n’est pas sélectionnée pour les prochains championnats du monde, elle est manifestement de plus en plus clairement dans le sillage de Miku Tashiro. Tous sur le podium… sauf une. La sélectionnée en -78kg des prochains championnats du monde, Shori Hamada, a perdu deux fois sur ce Grand Prix, et c’était sur les deux Françaises, Madeleine Malonga et Audrey Tcheumeo.
Un Japon en demi-teinte, peu saignant, sur l’ensemble du collectif, et qui devait enregistrer les défaites de certains de ses sélectionnés mondiaux, comme Abe ou Hamada. Ainsi en était-il de l’impressionnant nouveau -81kg, Sotaro Fujiwara, vainqueur des Grands Chelems de France et de Russie, découragé par l’inlassable travail « tactique » de l’Italien Antonio Esposito – lequel était bien encouragé par un arbitrage encore une fois globalement souvent sans esprit. C’et le cas aussi de la lourde Sarah Asahina, elle aussi battue par un arbitrage absurde face à la Turque (ex-Française) Kayra Sayit. Victorieuse à Tokyo et à Dusseldorf, la solide gauchère Yoko Ono, elle aussi sélectionnée pour les « mondes », est très bien prise en finale par la Française Marie-Eve Gahié. Là encore une victoire importante. Il faut néanmoins se garder de vendre la peau de l’ours. Cce Japon était venu pour un entraînement, ils repartent avec des informations et des avertissements.

France Japon : 2-1

La France était trois fois en finale, et trois fois contre le Japon. En -52kg, Amandine Buchard, toujours aussi régulière en tournoi – à vrai dire elle n’a plus quitté le podium d’un tournoi sur lequel elle est sélectionnée depuis 2014 — se hisse une nouvelle fois en finale à Zagreb dans un parcours sans trop d’obstacles majeurs, une finale dans laquelle elle est largement dominée par la championne du monde japonaise, qui lui marque waza-ari. En revanche c’est tout l’inverse en -70kg et en -78kg. Ce n’est pas le premier tournoi Grand Prix (et même Grand Chelem) emporté par la jeune combattante du FLAM91. Ce n’est pas la première fois qu’elle bat une Japonaise, ni d’ailleurs la première fois qu’elle domine la médaillée olympique britannique Sally Conway. Mais sur cette performance de Zagreb, Marie-Eve Gahié fait les trois en même temps, imposant sa garde croisée et ses fortes attaques en première intention à toutes ses adversaires. En finale, la Japonaise Yoko Ono, une puissante combattante qui aime monter la main gauche au col, l’une des sélectionnées au championnat du monde, passait d’abord un mauvais quart d’heure en début de combat, avant de reprendre du poil de la bête et se montrer dangereuse à son tour. Mais au golden score, la Française, plus en forme, restait bien en place dans un ko-uchi-gari qu’Ono tentait de contrer, et marquait ippon. Somme toute, Gahié a été vraiment largement au-dessus de son adversaire et a montré une grande force d’impact tout au long de ce tournoi… malgré un premier tour où elle a failli passer à la trappe.
En -78kg, la démonstration était tout aussi séduisante du côté de Madeleine Malonga, qui enquillait sa deuxième médaille d’or de suite, après son championnat d’Europe victorieux. Puissante, confiante, concentrée, elle faisait une démonstration de leader européen avec de légitimes prétentions à la victoire mondiale. Elle bat nettement la Japonaise Hamada, sélectionnée aux prochains championnats du monde, sur un énorme o-uchi-gari en garde croisée et quart de finale et, malgré un combat acharné en demi contre l’Allemande Wagner (victorieuse de la n°1 mondiale bésilienne Aguiar), finissait par s’imposer à la grande Slovène Klara Apotekar – trois finales féminines pour ce pays. C’est cette Slovène qui avait usé en demi-finale Audrey Tcheumeo, disqualifiée d’une troisième pénalité. Malonga brille, mais Tcheumeo a l’expérience pour elle. Sur ce Grand Prix croate, elle rejoint la cohorte de ceux qui savent que « rien ne sert de courir » et se fait tout de même le plaisir d’atomiser à son tour la Japonaise pour la place de trois… Rendez-vous dans deux mois. Mais la vice championne olympique française faisait tout de même grise mine en descendant du podium, sans dute conscient d’un subtil glissement des forces. Car Madeleine Malonga s’impose dans un statut de « numéro un bis » en montrant, au-delà des titres qu’elle commence à accumuler, des qualités posturales, technico-tactiques et mentales qui en feront l’une des grandes combattantes de Bakou. Il lui reste à maintenir le niveau démontré pendant les semaines qui restent.
Moins de réussite pour Mélanie Clément (-48kg), cinquième après avoir été écarté du tableau principal par l’Italienne Francesca Milani, et du podium par la championne du monde en titre, la Japonaise Funa Tonaki. C’est plus frustrant pour Hélène Receveaux en -57kg. Elle est surprise sur le gong par le contre – uchi-mata-gaeshi — de la Russe Diana Dzhigaros dès le deuxième tour.

Nos masculins subissent l’impact

Les garçons tricolores étaient deux sur ce tournoi, finalement privé de Cyrille Maret. Axel Clerget avait le bon de sortie, ses résultats précédents plaidant pour sa capacité à faire face à l’impact de ce gros tournoi. Malheureusement, si au premier tour, il sortait vainqueur au courage d’un affrontement difficile contre le Russe Ivan Vorobev, nouveau venu dans la catégorie (après une médaille mondiale en -81kg en 2013), le leader français des -90kg tombait – après deux tours plus à sa main — sur « l’os » Tchrkrishvili. Pas de chance, après une poignée de tournois d’ajustement et une année 2017 blanche (liée aussi aux difficultés d’organisation rencontrée par l’équipe géorgienne), le grand Avtandil Tchrikishvili, trois fois champion d’Europe et deux fois finaliste mondial, pour un titre en 2014, avait décidé de marquer ce tournoi de son retour, amenant la deuxième médaille d’or géorgienne (avec celle du lourd Tushishvili, clairement candidat à la succession de Riner). C’est lui qui plaquait le Français sur le dos avec ko-uchi-gari en demi-finale. Pour la place de trois Clerget était victime d’un ura-nage en arraché de l’Azéri Mammadali Mehdiyev, désormais 10e mondial. Montée en puissance impérative pour Axel, si il veut atteindre la médaille mondiale. Un objectif clairement ambitieux, mais dans les cordes de notre trentenaire dans cette catégorie qui reste assez ouverte.
Plus compliqué en revanche pour le second masculin tricolore engagé à Zagreb. Toujours auréolé de son championnat continental jugé encourageant, et malgré la déception d’une mauvaise prestation aux Jeux méditerranéens, le -81kg Alpha Oumar Djalo était lui aussi sur la feuille. Il sortait du tournoi au premier tour, gêné pendant une à deux minutes par la lourde garde de gaucher de l’Egyptien Mohamed Abdelaal, champion d’Afrique depuis trois ans, et éjecté à mi-combat aux pénalités par un arbitrage encore une fois caricatural. Dans tous les cas, de mauvais augure pour les championnats du monde.

La Russie aime l’artillerie lourde

Chez les étrangers, on peut être impressionné par la série de la Canadienne ex-internationale junior pour le Japon, Crista Deguchi, en -57kg Elle emporte son cinquième tournoi de suite, et non des moindres. Le tournoi de Paris entre autres… Le Canada récupère aussi un potentiel médaillé avec un autre « transfuge » japonais, l’excellent Kyle Reyes en -100kg, bien revenu de blessure. Champion du mnode junior 2013, il n’emporte cependant pas la compétition (mais il semblait s’être blessé en demi-finale), complètement dominé en finale par le colossal Niyaz Ilyasov, un champion du monde junior 2015 qui semble arriver à son plein volume et qui s’affiche en réel favori pour un titre mondial. La Russie se découvre aussi un très jeune lourd – il est encore junior troisième année quoique déjà champion du monde des -20 ans en 2017 — Inal Tasoev. Troisième « seulement », mais un style ébouriffant de puissance et de vista technique. Après la belle prestation de Tamerlan Bashaev au championnat d’Europe (2e), la Russie s’étoffe chez les costauds. Bon timing pour l’Italien champion olympique Fabio Basile, finaliste du tournoi en -73kg, sa nouvelle catégorie. Il est en train manifestement de démontrer qu’il ne sera pas l’homme d’un seul jour. Notons encore l’intimidante prestation de Daria Bilodid en -48kg. L’Ukrainienne filiforme et excellente technicienne est tout simplement imprenable à l’heure actuelle… dans un judo limité par les règlements qui interdisent tout contact aux jambes ou de faire lâcher à deux mains sa taille complètement atypique la rend quasiment invulnérable dans le cadre actuel. À méditer.
Derrière la Géorgie et ses deux titres, l’équipe israélienne termine seconde nation chez les masculins avec quatre médailles pour un titre. Une prestation qui annonce la couleur en vue de Bakou. Décidément, ce sera compliqué d’y briller.