Hisayoshi Harasawa sera finalement le +100kg nippon
Après l’annonce de six des sept titulaires masculins qui seront à Tokyo cet été, Kosei Inoue, micro à la main, se mit à fondre en larmes : « mes premières pensées vont aux judokas qui se sont battus tout au long de l’olympiade et qui finalement ne seront pas sélectionnés« . Dans son esprit on imagine que le Kantoku (entraîneur en chef) de l’équipe masculine pensait à Ryuju Nagayama, Soichi Hashimoto, Masashi Ebinuma, Sotaro Fujiwara, Kenta Nagasawa, Ryonosuke Haga, Kentaro Iida ou Kokoro Kageura. Si certaines catégories ne laissaient que peu de place aux doutes, certains choix n’ont dû rien à avoir d’évident pour le staff masculin et le comité de sélection, en particulier la catégorie reine des +100kg. Toutefois, comme l’expliquaient les nombreux médias japonais présents à Düsseldorf, des tendances se dessinaient avec un avantage à Naohisa Takato en -60kg, ou Hisayoshi Harasawa en +100kg. Des hypothèses qui se sont finalement avérées pertinentes. Pour les -66kg, pas de nom encore puisqu’il a été décidé d’attendre Fukuoka et les championnats du Japon pour savoir qui de Hifumi Abe ou de Joshiro Maruyama ira à Tokyo.
-60kg : Naohisa Takato
Le lutin malin de l’entreprise Park 24 avait les faveurs des pronostics sur Ryuju Nagayama. Sa victoire à Düsseldorf vendredi dernier a définitivement confirmé la tendance de voir Takato participer à ses seconds Jeux olympiques. Double champion du monde sur l’olympiade (2017 et 2018), vainqueur de deux Grands Chelems cette saison (Osaka et l’Allemagne donc), ces deux titres mondiaux ont fait pencher la balance dans le duel qui l’opposait à son kohai (cadet) Ryuju Nagayama. « Seulement » médaillé de bronze mondial en 2018 et 2019, lui aussi ancien étudiant de Tokai, Nagayama a perdu seulement trois combats depuis début 2018, dont deux fois contre Takato (championnats du monde 2018, Grand Chelem d’Osaka 2019). Plus titré, le triple champion du monde gagne son ticket pour Tokyo. Toutefois, on se souvient que Takato était passé – un peu – à côté de ses premiers JO à Rio, en finissant seulement en bronze. Aux championnats du monde 2019, également pour le bronze, Nagayama bat un Takato à la démobilisation assez stupéfiante alors que ce dernier menait au score. Le -60kg saura-t-il cette fois-ci se montrer pleinement au rendez-vous ?
Actuellement 3e à la ranking list.
-66kg : Hifumi Abe ou Joshiro Maruyama
Avec sa victoire, vendredi dernier à Düsseldorf, Hifumi Abe a gardé intactes ses chances d’être le titulaire olympique cet été. Et ce, alors que Joshiro Maruyama, qui devait lui aussi participer à la compétition, avait dû déclarer forfait pour une blessure au genou gauche. Le sourire de soulagement du futur judoka de Park 24, après sa victoire en finale face au Géorgien Margvelashvili, traduisait assez nettement ce sentiment. Car si Abe est double champion du monde (2017 et 2018), son leadership s’est vu contesté puis carrément chipé par Joshiro Maruyama, champion du monde 2019 lors de cette olympiade. Au Grand Chelem d’Osaka, fin novembre, Abe se donne encore de l’espoir, battant en finale et dans un combat ébouriffant, l’autre génie de Tenri du moment (avec Shohei Ono). Impossible donc à l’heure actuelle de départager les deux meilleurs -66kg du monde et de ses dernières années. C’est pourquoi le comité de sélection a décidé d’attendre les championnats du Japon les 4 et 5 avril prochains. Une tendance, non officielle se dégage pourtant au sein du judo nippon, avec un léger avantage à Maruyama : d’abord parce que lui ne perd que contre un seul étranger, le Coréen An Baul et que sa dernière défaite remonte à la finale des Jeux d’Asie fin août…2018. Ensuite parce que Maruyama incarne le judo japonais classique. Abe, lui, est plutôt le chouchou des médias et des sponsors.
Tout se jouera donc le 4 avril à Fukuoka.
-73kg : Shohei Ono
Pas de surprise à retrouver le génie de Tenri. Champion olympique et champion du monde en titre, vainqueur samedi à Düsseldorf, Ono est sans doute ce qui se fait de plus impressionnant actuellement dans le judo masculin mondial. Sa démonstration stratosphérique lors des championnats de Tokyo, où il survola sa catégorie avec une supériorité sidérante, fait de lui le candidat le plus crédible à sa propre succession olympique. Invaincu en combat depuis sa défaite en finale du Grand Chelem de Tokyo le 5 décembre 2014 (!), le dernier judoka a lui avoir mis une valeur est le Coréen An Changrim en demi-finale des championnats du monde 2015.
Pourtant, Ono a eu un rival de choix avec Soichi Hashimoto : champion du monde 2017, vice champion du monde 2018, n°1 mondial, vainqueur de deux Masters (2017 et 2019), de quatre Grands Chelems (Paris en 2017, 2019 et 2020 et Ekaterinbourg en 2017). Une olympiade franchement impressionnante de Hashimoto, mais pas suffisante pour passer devant le génie de l’entreprise Asahi Kasei. Ono, en train de devenir pour le monde du judo japonais, le plus grand poids moyen de l’histoire de la discipline avec Isao Okano. Actuellement 6e à la ranking list.
-81kg : Takanori Nagase
Blessé gravement aux ligaments croisés du genou aux championnats du monde 2017 à Budapest, Takanori Nagase, champion du monde 2015 et médaillé de bronze à Rio, aura pris le temps de revenir à son meilleur niveau au bon moment. Vainqueur depuis l’été dernier des Grands Prix du Canda, de Croatie et des Grands Chelems du Brésil et du Japon, le lézard de Tsukuba passe à la trappe dès le 1er tour ce samedi à Düsseldorf. Une défaite sans conséquence pour celui qui avait les faveurs du staff japonais vis-à-vis de Sotaro Fujiwara, vice champion du monde 2018, vainqueur de trois Grands Chelems en 2018 et 2019 mais perdant régulièrement sur les étrangers forts comme Saeid Mollaei ou l’Ouzbek Boltaboev. Jamais souverain dans la plupart de ses combats, l’étudiant de Nittai-Dai est donc supplanté par Nagase, impressionnant depuis plusieurs mois, qui devra toutefois lutter contre son attitude de diesel lors de ses premiers combats. Actuellement 6e à la ranking-list.
-90kg : Shoichiro Mukai
Catégorie parmi les « faibles » chez les masculins japonais, c’est assez logiquement que Mukai a été choisi. Vice champion du monde 2019, 3e à Osaka et Düsseldorf alors que son concurrent principal, Kenta Nagasawa, finissait 5e au Grand Chelem du Japon et 2e à Paris. Mukai ? Un combattant solide, régulier dans une catégorie où aucun combattant ne se dégage véritablement, mais où la densité de médaillables est sans doute la plus forte du circuit masculin. Actuellement 9e mondial.
-100kg : Aaron Wolf
C’est de loin le plus régulier, et donc la chance de médaille la plus fiable dans cette catégorie. En effet, l’ancien de Tokai a été champion du monde 2017, 3e en 2019 et 3e dernièrement à Osaka. Dans cette catégorie, Aaron Wolf ne s’incline que contre les judokas du top 10 mondial. Forfait à Düsseldorf, il profite aussi de l’irrégularité de ses concurrents, Ryonosuke Haga (vainqueur à Osaka mais battu en tableau à Paris) et Kentaro Iida (vainqueur du Grand Chelem de Düsseldorf et de Brasilia 2019 mais battu au premier tour à Paris). Iida, dont il faudra un jour comprendre comment ce diamant du judo japonais a pu ne pas concrétiser dans le temps tous les espoirs qu’il avait laissé voir dès le début de l’olympiade en remportant magnifiquement Paris en 2017 alors qu’il n’avait que 18 ans.
+100kg : Hisayoshi Harasawa
C’est évidemment le choix qui fait le plus parler. Il y a quelques semaines, Kokoro Kageura provoquait un séisme dans le judo mondial, battant à Paris, le Roi Riner. Le Japon avait-il enfin trouvé le judoka potentiellement capable de battre le double champion olympique français à Tokyo à l’été 2020 ? Le staff japonais a donné sa réponse ce jeudi et elle est négative.
Pourquoi ce choix de Harasawa au détriment de Kageura ? Kosei Inoue, évidemment interrogé là-dessus, y est longuement revenu, expliquant que si effectivement Kageura avait battu Riner, la dernière victoire en tournoi de l’ancien étudiant de Tokai remonte à l’été 2018 lors du Grand Prix de Hongrie. En clair, Kageura n’a pas remporté récemment de tournoi significatif, contrairement à Harasawa, vainqueur à Düsseldorf et au Masters en 2019 (mais par forfait en finale), terminant entre-temps vice champion du monde. Le tout pour un nombre de compétitions sensiblement égale depuis février 2017 : 11 pour Harasawa, 13 pour Kageura.
La défaite en finale il y a quinze jours à Paris face au Hollandais Grol a donc eu de lourdes conséquences pour Kageura. Et à voir sa déception en sortant du tapis, il se doutait qu’il avait laissé passer là une formidable chance de reprendre le leadership national.
Depuis février 2019, Kageura s’incline six fois (Sasson par deux fois, puis Teddy Riner, Lukas Krpalek, Inal Tasoev et donc Henk Grol) pour six compétitions. Harasawa, lui ne perd que quatre fois (Kim, Riner, Zaalishvili et Krpalek, à chaque fois en finale) pour également six évènements internationaux. Car le raisonnement du staff japonais a donc été le suivant : si effectivement Kageura peut battre Riner, il a aussi plus de chance de perdre face à d’autres adversaires (avant ou après le combat contre le colosse tricolore) que Hisayoshi Harasawa. Autrement dit, la possibilité d’une médaille étant potentiellement plus forte avec ce dernier, c’est cette option qui a été choisie. Sans doute à la marge, mais la ranking list a dû aussi jouer en faveur de l’ancien capitaine de Nichidai, actuellement 2e, alors que Kageura est 9e.