En stage sur le Pôle France de Bordeaux jusqu’à aujourd’hui avec Amandine Buchard (blessée au petit orteil du pied droit), Clarisse Agbegnenou (qui a ressenti quelques maux de ventre depuis deux jours) et Madeleine Malonga, Larbi Benboudaoud, directeur de la haute performance et responsable de l’équipe féminine, revient sur ce petit bol d’air frais hors de Paris, les contraintes très fortes liées à la situation sanitaire et sur ses nouvelles responsabilités.

Pourquoi être venu ces quelques jours sur Bordeaux avec Clarisse, Amandine et Madeleine ?
Les faire tourner dans les pôles présente un double intérêt. D’une part, cela casse leur routine, leur quotidien. Elles font avec d’autres partenaires, en particulier des garçons. D’autre part, il y a l’intérêt d’échanger avec les jeunes de la filière. Elles leur donnent des conseils, racontent leur quotidien. Moi-même, ça me permet d’intervenir, notamment techniquement, auprès des judokas de ces Pôles. Il y a donc un aspect pédagogique et un intérêt sportif. C’est gagnant-gagnant.

Après Tel-Aviv, quel est le programme pour les féminines ? 
Il faut d’abord dire qu’elles ont parfaitement tenu leur rang lors de cette compétition qui était belle. Elles sont encore là. Maintenant on se projette vers l’Ouzbékistan et la Géorgie. Il y aura une sélection féminine sur ces compétitions, nos propositions ayant été validées par les instances politiques. Alors je sais que c’est très frustrant, qu’il y a des gens qui se posent des questions, en particulier sur les sélections, mais il faut bien que les judokas français le comprennent : un cadre nous est posé par le directeur des Sports du ministère et l’Agence nationale du Sport.
Ce cadre est le suivant : nous proposons des noms pour des sorties à l’international et ces instances valident ou non en fonction de critères bien précis, particulièrement si l’athlète est en course ou non pour une qualification olympique. On est donc obligé de montrer patte blanche. On ne se dédouane pas, on ne se cache pas derrière ça. Mais c’est sans précédent ! Les critères actuels fixés par le directeur des Sports et l’Agence nationale du Sport sont valables pour février-mars. C’est comme ça : le cadre est posé et nous devons faire avec. Pour avril, on espère que cela va se décanter un peu, notamment pour sortir des jeunes judokas que nous voulons préparer aux échéances à moyen et long termes.

La situation est compliquée à ce point ? 
Oui à ce point !  Des décisions peuvent changer du jour au lendemain. Un exemple : les stages de préparation. Tout est ok puis la veille on nous dit « vous partez plus ». Là pour les garçons, on a réussi à convaincre l’ANS et le directeur des Sports de la solution de les envoyer en stage avant le Grand Chelem de Tashkent (ça sera la même chose pour Tbilissi et la Géorgie) puisque la  bulle sanitaire est la même pour le stage et la compétition. D’un autre côté, ils ont refusé ça aux féminines parce que cela ne rentrait pas dans les critères que ces instances avaient fixés. Encore une fois je comprends la frustration des compétiteurs qui sont dans les starting-blocks. Mais nous devons faire avec des contraintes fortes, imposées par le politique : ministère des Sports, Agence nationale du Sport et la cellule interministérielle de crise. Un autre exemple : l’Open européen de Tchéquie. LA FFJudo l’avait ouvert aux clubs. Car il faut donner à manger aux compétiteurs qui s’entraînent quotidiennement ! Eh bien ce sont ces instances qui nous ont obligé à dire aux clubs que ce n’était finalement pas possible.

Quel bilan fais-tu de la situation actuelle avec ta nouvelle casquette de directeur de la haute performance ? 
Déjà, il n’y aura pas de révolution avant les Jeux. Je vais accompagner jusqu’à Tokyo l’équipe féminine. Pour les garçons, je pense qu’on est dans une obligation de moyens, pas de résultats. Faire en sorte qu’ils soient à leur niveau optimal dans six mois sur le tapis du Budokan, voilà ce sur quoi on se focalise avec Christophe Gagliano. Après on fera le bilan. Chez les masculins, on partira de loin faut pas se voilà la face. Je suis pour le management participatif donc à moi de mettre les bonnes personnes aux bons endroits. Si tout peut être sur les rail dès septembre, ça serait l’idéal, tout en composant avec ce que la FFJudo pourra nous accorder en fonction de sa situation financière.
Après Tokyo, je changerai complètement de casquette. Actuellement des commissions d’élus qui ont été mises en place pour la réforme de la filière. Idéalement il faudrait que la transition se fasse en douceur. Se profile certainement des appels à candidature. Il faudra éviter que les changements soient brutaux, que les passations se fassent en douceur. Comme je vous l’ai dit, on sera aussi tributaire des postes qu’on aura. Globalement, tout le monde va être amené à faire un effort. Tout le monde ! On a pas le choix. Dans tous les secteurs. L’urgence aussi c’est le plan de relance. 175.000 licences en moins, ça représente un peu plus de sept millions d’euros de manque à gagner pour la FFJudo. Ce sont nos clubs qui souffrent. C’est énorme ce qu’ils perdent. Dans cette optique, le nouveau président de la fédé a été clair avec les athlètes : ils vont être mis à contribution et sollicités lors de la rentrée, en septembre 2021. Ponctuellement. Mais ils sont la vitrine de judo français. Déjà maintenant, le discours que je tiens aux filles et même aux autres, comme aux jeunes du Pôle ici à Bordeaux c’est : « n’oubliez pas non plus que vous êtes des privilégiés. Vous, vous avez le droit de vous entraîner tous les jours. La majorité des judokas en France, le judo pour eux et depuis plusieurs mois, c’est uniquement sur internet. » Il y a une crise sanitaire, financière et j’allais dire morale. Donc il faut se relever de ça. Moi je suis un optimiste. Je regarde toujours de l’avant. Je suis pas là pour assaisonner ceux qui étaient là avant moi. Là on regarde les problématiques qu’on a actuellement et on essaye de les régler.