Amandine Buchard, deuxième victoire au Masters après 2021.
Crédit photo : Paco Lozano Martin/L’Esprit du Judo

Invincible  Amandine Buchard. Ce vendredi, pour le premier jour de ce Masters 2023, la Française tire les marrons du feu de sa catégorie des -52kg faisant montre d’une domination assez stupéfiante.
Et cantonner la vice championne olympique à son seul kata-guruma tient désormais de la totale injustice… même si c’est son spécial qui fait encore la différence face à Distria Krasniqi, en finale, au début du golden score ! Aujourd’hui, tout en sensation, elle réussit par exemple un magnifique uchi-mata-sukashi, démontrant un sens du timing explicitemet remarquable dès qu’il s’agit de remiser après une attaque ou une faute adversaire. À l’image de son makikomi contre Chelsie Giles en demi-finale, parfaitement senti. Forte sur un harai-goshi qu’on lui a découvert depuis quelques mois, Buchard possède désormais plusieurs cordes techniques à un arc qui touche avec efficience sa cible. Un ouvrage remarquable livré par Bubuche en ce jour alors qu’il ne manquait qu’Uta Abe, pour une catégorie au top niveau exceptionnel : Giles, Krasniqi, Pupp, Primo mais aussi l’Ouzbek Keldiyorova et ses sode-tsuri-komi-goshi limpides et létaux.

Sarah-Léonie Cysique face à Jessica Klimkait en finale de ce Masters 2023.
Crédit photo : Paco Lozano Martin/L’Esprit du Judo

Victorieuse de son premier Grand Chelem il y a presque deux mois, Sarah-Léonie Cysique aurait-elle franchi un cap en ce premier semestre 2023 ? On aurait tout de même bien envie de dire oui. Plus forte en ne-waza et en liaison, absolument terrible à l’impact, la vice championne olympique 2021 donne désormais l’impression d’avoir une solution efficace, explosive et pertinente contre – presque – n’importe qui. Presque car Jessica Klimkait, la Canadienne médaillée de bronze aux JO, lui joue encore un mauvais tour en finale avec son sode-tsuri-komi-goshi. En traction constante vers le bas – pour faire réagir – la championne du monde 2021 trouve l’ouverture au golden score pour sur un mouvement où la Française reste derrière son adversaire qui relance très fort pour finalement faire tomber Cysique.
Troisième victoire de suite pour Klimkait face à la Tricolore, qui se relance dans la course olympique après le titre mondial de Deguchi en mai. Une Deguchi qui se blesse ce matin lors de son premier combat.
Reste que Cysique réalise une très belle journée ne laissant par exemple aucune chance à Haruka Funakubo, vice championne du monde à Doha, en demi-finale. Un o-uchi-gari ken ken qui placarde la Nipponne sur la tranche, avant que la judoka de l’ACBB n’immobilise la Japonaise, absolument impuissante à ne serait-ce que d’essayer de sortir du hon-gesa-gatame administré par le Tricolore. Une situation que n’a pas souvent dû vivre Funakubo, elle qui a l’habitude piquer ses adversaires avec son terrible ne-waza et qui là, ne pouvait bouger d’un millimètre.
Son utsuri-goshi à Nora Gjakova, son adversaire heureuse de la finale olympique il y a deux ans, en finale du Grand Chelem d’Astana mi-juin avait époustouflé. Sarah-Léonie Cysique ? De plus en plus intimidante même si l’équation canadienne reste encore à être définitivement résolue. Mais il n’y aura qu’une représentante du pays nord-américain à Paris. Et si le ratio reste en faveur des protégées d’Antoine Valois-Fortier, la Française a déjà battu ces deux combattantes.

Une victoire et une médaille d’argent féminines tricolores donc dans deux catégories à la densité effrayante (les -57kg ont offert un Rafaela Silva-Daria Bilodid comme premier tour). Pour une Sarah-Léonie Cysique et une Amandine Buchard à un niveau brillantissime aujourd’hui. Olympique presque, serait-on tenté de dire.

Jour sans revanche pour les masculins puisqu’aucun des six engagés (Romain Valadier-Picard, Cédric Revol et Luka Mkheidze en -60kg, Daikii Bouba, Walide Khyar et Maxime Gobert en -66kg) ne se qualifient pour le bloc final. Notons tout de même que Romain Valadier-Picard bat le Néerlandais Tornike Tsjakodea, cinquième des JO au premier tour avant de céder en huitième aux pénalités à Ryuju Nagayama, futur vainqueur de la catégorie.
En -48kg, Blandine Pont passe à travers ce vendredi avec une élimination dès son entrée en lice. Tête de série n°2 ce matin, la cinquième des championnats du monde 2023 est battue aux pénalités par l’Espagnole Laura Martinez Abelenda, cinquième aujourd’hui.
Victorieuse de trois grands chelems consécutifs au début de l’année – une performance impressionnante – la Tricolore manque ici à Budapest une occasion, en l’absence de Shirine Boukli, vice championne du monde au Qatar, n°1 mondiale et championne d’Europe en titre. En -57kg, Priscilla Gneto termine à la cinquième place, battue par Jessica Klimkait et Haruka Funakubo pour le bronze. Une journée où l’aînée des soeurs aura montré du coeur et de l’envie. La numéro deux de la catégorie, c’est bien elle.

Un Nagayama de gala
Un meilleur résultat que Ryuju Nagayama et Naohisa Takato rejoignait Uta et Hifumi Abe, Natsumi Tsunoda et Saki Niizoe parmi les sélectionnés olympiques nippons pour Paris 2024. Une hypothèse à repousser puisque c’est le kohai (cadet) – de passage en France il y a quelques semaines – qui réalise le meilleur résultat chez les -60kg nippons. Un Nagayama galactique et qui régala : sode-tsuri-komi-goshi, ura-nage supersonique, ippon-seoi-nage à gauche. Toute la panoplie de l’ancien étudiant de Tokai d’un mètre et cinquante-six centimètres enchanta spectateur et passionnés devant leur écran jusqu’à sa victoire facile en finale contre le Mongol Enkhtaivan.
De l’or pour Nagayama, du bronze pour Takato, en pleurs à sa sortie du tatami et une concurrence relancée – le Grand Chelem de Tokyo sera sans doute décisif – pour savoir qui sera du voyage en France l’été prochain.
Une victoire parmi les trois du jour pour le Pays du Soleil-Levant. Wakana Koga, numéro deux japonaise derrière l’intouchable et désormais olympienne Tsunoda, s’impose en effet en -48kg avec toute la sérénité que son visage de cire de kokeshi, imperturbable en toutes circonstances, personnalise. Une combattante qui ne perd, depuis 2019, que contre ses compatriotes, ou Shirine Boukli. Aujourd’hui, elle passe sous le centre de gravité de Maria Celia Laborde, ex-Cubaine devenue américaine, pour s’offrir son premier Masters, après l’argent en décembre à Jérusalem.
Le troisième titre ? Il va à Ryoma Tanaka. Membre de l’équipe de Tsukuba, ce -66kg, qui propose l’un des ippons du jour avec un uchi-mata lancé de face et collé au Moldave Radu Izvoreanu. Vingt-et-un ans, trente-et-unième mondial ce matin, vainqueur à Paris en octobre 2021 et qui pour ce premier jour du Masters bat tous ce qui se sera présenté à lui, y compris le Moldave n°1 mondial Denis Vieru sur un o-soto-otoshi lancé avec les deux manches qui se transformait en sode-tsuri-komi-goshi sur lequel Vieru tombait du mauvais côté mais sur le dos. Un jeune Japonais qu’il faut surveiller en prévision de Los Angeles.

Une sanction devenue la norme
La ritournelle semble sans fin, le sujet mis à la discussion à chaque événement avec son lot de sentiments d’incompréhension, d’agacement voire de colère. Ce vendredi, l’arbitrage a d’abord surpris avec des shidos pour « prise de l’ours » pas vu auparavant sur le circuit. En ont été victimes le junior géorgien médaillé mondial seniors à Doha, Giorgi Sardalashvili, qui perdra d’ailleurs sur à cause de cette troisième pénalité. Lasha Gujejiani, son entraîneur sur la chaise, en restait mi-troublé mi-désabusé. Le Français Cédric Revol face au Kazakhstanais Nurkanat Srikbayev, sera lui aussi puni. Une sanction donnée alors qu’il suffit de voir l’action pour se rendre compte qu’il n’y aucune intention à faire une quelconque prise de l’ours. Tout au plus de poser ses deux mains, simultanément, par l’extérieur.
Bref, une nouvelle interprétation punitive, décidée a priori des intentions des combattants. Et qui conforte l’impression que l’arbitrage mondial actuel renverse par des décisions successives mais avec une constance résolue l’axiome du début des années 2000. D’un « tout est permis, sauf ce qui est interdit », nous voilà à un « tout est interdit, sauf ce qui est permis », pour paraphraser Winston Churchill.
Le judo donne la désagréable impression d’être devenu un sport d’interdiction.