Le champion du monde en titre a régalé le public… et même ses adversaires
Teddy Riner. Le plus grand champion de cette génération était attendu depuis son titre mondial 2014. À chaud, le champion du monde avait déclaré à Chelyabinsk qu’il souhaitait sortir plus souvent, mais les blessures en ont décidé autrement et, après un passage par la Corée en novembre, ce Master était donc sa première grande sortie 2015, et peut-être la seule avant les championnats du monde.
Etait-ce parce que ses adversaires ne l’avaient pas vu depuis longtemps et que l’intimidation qu’ils subissent généralement s’était (légèrement) estompée ? Etait-ce parce que, lassés d’attendre, ils travaillent vraiment à tenter de battre le n°1 ? Ou plutôt parce que le champion en quête de repères et de combat était relâché et volontaire pour que cela dure un peu ? Quoiqu’il en soit, le patron des lourds mondiaux a rencontré à Rabat des adversaires jeunes et plutôt en phase ascendante qui lui ont tous proposé une vraie répartie, une configuration presque inattendue tant on est habitué à voir ses adversaires baisser la tête et attendre la sanction. À chaque fois, Teddy Riner a accepté la bataille, sifflant néanmoins la fin de la récréation avant la fin du compte pour un ippon juste sublime. On est habitué à être impressionné par Teddy Riner. À Rabat, c’était magnifique une nouvelle fois, mais peut-être avec une pincée de maturité en plus, un brio technique alors même que le champion français n’est pas dans sa meilleure forme qui donnait envie d’applaudir…. Et même de tenter de refaire, dès le prochain entraînement au club, le pas de galop, le lancer de jambe en reprise de garde où l’enchaînement qui va bien. Teddy Riner est désormais, c’est officiel, l’un des plus grands techniciens du plateau mondial.
Simionescu en 19 secondes
Le Roumain Simionescu, 15e à la ranking, a gagné récemment l’Open de Bulgarie. Il est tombé lourdement en vingt secondes sur un enchaînement subtil en ashi-guruma / o-uchi-gari. Le ton était donné, le champion français était là pour un « judo show » vrai de vrai. Le Géorgien Levani Matiashvili, qui restait sur une troisième place au Grand Chelem de Bakou. Le tour précédent, il avait fait faire un soleil au très physique Tunisien Jaballah, n°5 mondial ! Fatigant sur les mains, appliquant le mot d’ordre que tous tentent de suivre : « empêcher la main droite de se poser », il subissait à l’entrée de la dernière minute un harai-goshi tout en élégance – avec une légère confusion sur le uchi-mata, qui l’amenait au sol, où Teddy finissait le travail en osae-komi.
Riner retrouve le « dragon » Shichinohe, finaliste mondial à Chelyabinsk
Le combat suivant était d’un autre calibre avec rien de moins que le finaliste du dernier championnat du monde, le seul prétendant dont on se dit qu’il a les moyens de surprendre Teddy, et dont le o-uchi-gari, a deux doigts d’obtenir un score à Chelyabinsk, avait alimenté les conversations, le Japonais Ryu Shichinohe, le Dragon d’Okinawa. Séance de « remise des pendules à l’heure » pour Riner, mais sans trop en faire, toujours sur un mode plutôt relax, à l’affut de la sensation et du judo adverse, d’autant que, pliant une fois son adversaire en deux, il prenait la première sanction pour blocage. Sévère, mais justifiable. Shichinohe de son côté se montrait lui aussi entreprenant à la garde, prenait des initiatives et lançait même une ou deux belles tentatives de contre. À mi-combat, il menait encore sur cette pénalité que Riner n’avait pas cherché à compenser. Mais celui-ci montait d’un cran la pression pour imposer sa saisie sur la manche. Une fois celle-ci saisie, il jouait un peu au chat et à la souris pour placer sa main droite, parvenait habilement à faire avancer uke sur ses deux appuis et montait la main tout en lançant sa jambe dans un o-soto-gari parfait qui incrustait le Japonais dans le tapis. Une leçon de judo !
Un dernier pion à onze secondes de la fin
C’est son vieux rival Barna Bor, un Hongrois qui dominait les juniors juste avant son arrivée, qui l’attendait en finale. Lui aussi avec des envies de bien faire, d’autant qu’il venait de gagner le Grand Chelem de Bakou. Concentré sur les mains, accumulant les pénalités pour éviter farouchement à un Teddy Riner en mode judo de poser ses mains comme il aime, le Hongrois allait tenir sur ce registre jusqu’à la fin. Par de ippon pour ce final ? Tout le monde l’aurait regretté, et Riner en premier. À quinze secondes de la fin, il laissait Barna Bor le prendre en garde de droitier derrière la nuque et se dégageait d’une main, ce qui lui donnait le contrôle de la manche. Les deux mains placées, il commençait la danse de mort qu’on connaît bien, sorte de pas chaloupé avec des avancées et des reculs des appuis et des hanches, zouk envoutant qui finit toujours par faire avancer l’adversaire quand il ne le faut pas. Bor passait la tête sous le bras, assumant une évidente quatrième pénalité à venir pour éviter l’inévitable, mais c’était trop tard pour lui. Riner ne le laissait pas lui échapper. La jambe de fauchage du champion partait vers le mollet, l’accrochage juste et parfait pour un nouveau o-soto-gari de collection. Bor partait sur le dos comme un projectile et n’avait plus qu’à frapper des deux mains pour la plus belle chute arrière de sa vie. Il ne restait que 11 secondes au tableau…
Souriant de toutes ses dents au moment du salut, le Hongrois avait manifestement adoré être là, face au multiple médaillé mondial et olympique. Une belle étreinte de copains pleine de respect et de plaisir d’avoir bien joué. Un moment très judo, très sympa à partager avec le public marocain et mondial.
Manifestement, Teddy Riner était venu pour montrer qu’il est le plus fort, même à court de forme et de repère, y compris sans tenter d’imposer d’emblée sa garde de fer. C’est tout à fait réussi.
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