Euranie et Bellard sur le podium

On peut trouver inutile un Master à peine deux mois avant un championnat du monde… et ne pas bouder son plaisir devant l’engagement et le niveau démontrés dans certains combats de ce premier jour de Master. À l’entrée de la ligne droite vers les championnats du monde, si certains ont manifestement choisi de se concentrer sur ce rendez-vous à venir, on sent chez d’autres une montée en puissance particulièrement impressionnante, notamment pour ce qui concerne la plupart des vainqueurs, lesquels semblent aussi affirmer une hiérarchie des nations qu’il faudra aller bousculer : Le Japon toujours, en tête du clasement des médailles (même  si il n’avance pas en buldozer sur ce Master), avec notamment le lutin Takato, le puni d’Astana, moins dominant qu’en 2014, mais tout de même très impressionnant ce samedi, notamment dans sa victoire sur l’étonnant Ouzbek Lutfillaev, un outsider lui-même très convaincant pour un titre mondial. Les Mongols, à deux titres comme le Japon, grâce aux féminines, et notamment la championne du monde des -48 kg, Urantsetseg Munkhbat, très intimidante, victorieuse de sa demie et de sa finale sur le même geste de ashi-sankaku-garami inversé… démontré par notre expert ne-waza Olivier Michailesco dans l’Esprit du Judo n°55, toujours en kiosque ! Les Russes aussi à deux titres, avec le longiligne Iartcev, qui arrache les arbres avec son uchi-mata en -73 kg, et la -52 kg Kuziutina qui se permet de faire taper la championne du monde Misato Nakamura sur juji-gatame et qui projète en finale Yuki Hashimoto sur seoi-nage. Enfin l’Ukrainen Zantaraya, tout seul en or pour l’Ukraine, mais peut-être le plus intraitable ce samedi. Magnifique vainqueur du Français Larose, de l’Azéri Shikalizade, du Mongol Davaadorj et du Biélorusse Shershan (7e mondial), à chaque fois sur des gestes dont il a le secret, le champion du monde 2009, qui prend à cette occasion la première place mondiale, est plus que jamais de retour, et s’affirme en rival à venir du triple champion du monde Ebinuma.

Pas de podium pour les masculins français, mais…

Dans cette arène exigeante, les combattants français n’accrochent pas les podiums, mais donnent tous les quatre une impression d’ensemble plutôt favorable. Personne ne semble si loin du compte… même si tout reste à prouver.
En -60 kg, Vincent Limare court tout le combat après une pénalité prise trop tôt, revient à égalité, reprend une pénalité dans les dernières secondes, cela face au vice-champion du monde 2013, le Mongol Dashdaava au premier tour. En -66 kg, David Larose propose une vraie opposition à l’irrésistible Zantaraya, notamment dans de fortes séquences au sol. Malgré deux « soleils » il est encore dans le combat dans les dernières secondes, avant de prendre le dernier tsuri-komi-goshi / uchi-mata de l’Ukainien, dominant sur cet affrontement. Mais le combattant de Sainte-Geneviève a néanmoins rassuré, en donnant l’impression d’être présent sur toutes les séquences et tranchant dans ses attaques. Le retour en forme pour les Jeux Européens de Bakou ?

Korval, un arbitrage sévère

Sur la lancée du Grand Chelem de Bakou (3e), Loic Korval fait une belle journée, qui s’achève cette fois juste au pied du podium. Si il n’y avait rien à dire sur le formidable morote-seoi-nage debout que lui inflige le terrible Russe Pulyaev, il peut être déçu en revanche, en place de trois (après avoir battu l’Anglais Oates sur o-soto-gari), d’avoire été sévèrement pénalisé face à Tumurkhuleg Davaadorj, n°2 mondial, sur un seoi-nage à genoux correct, et alors que le combat était intense et assumé par les deux combattants.

Duprat prend quatre cadors

Il restait un masculin français ce samedi, Pierre Duprat, lui aussi plutôt  son avantage, avec une victoire d’entrée, par ippon à douze secondes du terme, sur le n°1 mondial néerlandais, Dex Elmont. Puis sur l’Israélien Sagi Muki, n°3 mondial ! Mais il prenait tout de même deux gros ippons sur un étranglement du Japonais Nakaya, champion du mond en titre, et sur un étourdissant o-soto-gari en contre de sa tentative de seoi-nage inversé par le très fort Azéri Rustam Orujov, n°2 mondial. Une grosse catégorie dans laquelle le Français préserve une belle place d’outsider.

Euranie bat Nakamura pour le bronze !

Les Féminines françaises faisaient mieux, avec un tour groupé sur le podium. Pas de combattantes en -48 kg, mais les deux leaders du moment en -52 kg, Annabelle Euranie et Priscilla Gneto, bien revenue avec le bronze au Grand Chelem de Bakou. Mais cette fois encore c’est Annabelle Euranie qui fait la performance dans cette confrontation directe.  Malgré une nouvelle victoire sur la Russe Ryzhova, Gneto subissait ensuite la montée en puissance de sa compatriote Kuzyutina, avant de lâcher d’une pénalité devant l’Italienne Giuffrida, en pleine progression. De son côté, Euranie commençait par frapper un grand coup en sortant la Chinoise invincible de cet hiver, Ma Yingnan, n°5 mondial. Joliment balayée dans le temps par la Roumaine Chitu (n°3 mondiale), qui aime combattre contre les gardes dominantes, elle terminait en trombe et en beauté en dominant l’Israélienne Gili Cohen, 7e mondiale, et en administrant son o-uchi-gari à la Japonaise Nakamura pour le bronze. Chaque fois plus solide sur ses appuis, Annabelle Euranie est désormais très proche des podiums européens et mondiaux qui vont vraiment compter pour l’histoire.

Bellard, 5, 6, 7

Une confirmation aussi en -63 kg – de celle qu’on attendait depuis un moment – le retour en forme et sur le podium de la grande Anne-Laure Bellard, 5e du dernier championnat du monde, dans un style manifestement légèrement recentré pour ne pas être sanctionné trop vite pour ses gardes croisées. Deux victoires sur Rizlen Zouak et l’Allemande Martyna Trajdos, n°6 mondiale, avant d’échouer en demie-finale devant la file qui monte, la jeune Autrichienne Unterwurzacher, n°5 mondiale, de deux yukos. Joli final pour elle aussi avec la médaille de bronze arrachée à l’Italienne Gwend, n°7 mondiale, aux pénalités. La guerrière de Pontault n’a pas lâché l’affaire.

Receveaux scotche Caprioriu

Plus étonnante, plus excitante, la finale inattendue accrochée par la Dijonaise Hélène Receveaux en 57 kg, dans une catégorie où elle n’avait pas son ticket il y a quelques jours avec sa 23e place mondiale,  et où allaient tomber dès le premier combat la championne olympique Matsumoto, la Portugaise multi-médaillée et vice-championne du monde Telma Monteiro, et la n°3 mondiale, l’Américaine Marti Malloy… battue par Receveaux elle-même d’une pénalité. Avec son très fort o-uchi-gari, la championne d’Europe et du monde junior 2010, brillante en début d’hiver avec quatre podiums successifs, allait dominer ensuite la Canadienne Beauchemin-Pinard, 9e mondiale, et la Roumaine Caprioru, 3e mondiale, néanmoins bien plaquée sur le dos. En finale, elle ne s’inclinait que d’une petite pénalité dans un combat âpre contre une Mongole sans cesse en mouvement, Sumiya Dorjsuren, 8e mondiale. Une nouvelle démonstration de force de la combattante de Dijon, qui s’installe en prétendante dans cette catégorie dominée par Automne Pavia.
La championne de France Laetitia Blot, présente aussi à ce Master, ne passait pas l’obstacle de la Japonaise Nae Udaka (battue par la Mongole en demi-finale d’un mouvement d’épaule).