Le sixième dan toulousain évoque ses années Ronaldo
En complément des pages consacrées à la retraite de Ronaldo Veitía à lire dans l’EDJ60 en kiosque à partir du 11 février (et au bonus en images visible ici), retrouvez ci-après le courrier que nous a adressé son vieil ami le professeur Gérard de La Taille, en souvenir d’années mémorables passées ensemble entre 1992 et 2004 dans son fief de Toulouse mais aussi à La Havane – un concept qui fera ensuite florès comme l’expliquent plusieurs témoins cités dans ces mêmes pages. Les deux hommes s’étant perdus de vue, la retraite du monument cubain fut au passage l’occasion d’exprimer des choses longtemps tues.
Une histoire d’amitié dans le plus pur esprit judo,
par Gérard de La Taille
« J’ai rencontré une équipe cubaine à Monza (Italie) en 1992. C’était l’époque bénie où les tournois organisés par des villes ou des clubs étaient largement ouverts à tous et où rien n’était verrouillé par les fédérations. C’était convivial et permettait l’émergence de relations fraternelles au-delà de la compétition. La volonté des hommes de faire vivre l’esprit du judo primait en toute amitié, en toute simplicité.
Je dirigeais un club où les jeunes avaient quelques bons résultats en compétition, ce qui permettait par conséquent au club de se distinguer au niveau régional ; en outre j’avais l’expérience de la compétition de haut niveau puisque j’avais été international et j’étais déjà 6e dan.
Tout a démarré par des télégrammes envoyés aux athlètes du club qui avaient échangé leurs adresses à Monza. La décision d’accueillir deux équipes de vingt personnes s’est prise rapidement. À partir de là, je suis parti en quête de moyens financiers pour les recevoir au mieux et faire de leur visite un moment de judo fort. C’était en février 1992, avant les JO de Barcelone et l’or pour Odalys Revé.
De petits clubs amis de la région Midi-Pyrénées nous ont reçus pour des entraînements, la mairie de Toulouse nous a accordé l’autorisation d’organiser un gala en soirée. Et c’est alors parti pour douze belles années où chacun jouait le jeu. Dans le quartier où était implanté mon club, la venue des Cubains était devenue un événement attendu : commerçants et habitants y étaient habitués.
Je ne parlais pas espagnol, et ne le parle toujours pas, mais nous sommes dans le sud et certains de mes élèves servaient d’interprètes. Ronaldo lui, a appris progressivement le français, et nous nous comprenions d’instinct ; nous nous faisions mutuellement confiance.
La venue des équipes de Ronaldo était un moment épique et se faisait dans la simplicité voire dans l’intimité de la famille ; Ronaldo a vu naître mes quatre enfants qui suivaient stages, déplacements et tournois. Cela a duré de 1992 à 2004 et c’était un échange profitable à tous. J’ai ainsi été accueilli trois fois à Cuba avec quelques-uns de mes élèves, et notre équipe féminine en particulier a ainsi progressé puisqu’elle fit podium aux championnats de France 2e division. On peut dire que c’était alors la concrétisation de la maxime de Kano « entraide et prospérité mutuelle » dans un esprit réellement solidaire.
Tout était parfaitement rodé et aurait pu perdurer. Cependant j’ai eu des problèmes de santé qui m’ont contraint à ralentir mon activité, mais plus encore les conséquences d’une fusion avec un autre club se sont avérées désastreuses pour moi après le changement de président de l’association en 2003. Je n’avais plus les moyens financiers de mener à bien l’aventure cubaine à Toulouse. J’ai néanmoins continué à suivre le parcours de mon ami Ronaldo. C’est un parcours exceptionnel. De par son originalité et son charisme, il a contribué à rendre son pays visible sur le plan international, et ce d’autant plus que sa longévité à la tête du judo cubain en a fait une personnalité incontournable.
Je souhaite au judo cubain de se maintenir à ce niveau ; sur le plan sportif Ronaldo a certainement beaucoup apporté et il aura probablement formé son successeur, mais je pense que son ombre planera longtemps en termes d’image et qu’il sera difficile de l’égaler.
À titre personnel, je lui souhaite une retraite paisible auprès de sa famille. Qu’il sache qu’au-delà des aléas de la vie le respect et l’amitié demeurent.
Gérard de La Taille. »