Iddir, Maret et Tcheumeo sans médaille !
Quand il n’en reste qu’un(e), c’est Emilie Andeol ! Médaille de bronze en +78 kg / Officiel IJF
On ne tenait pas spécialement à commencer ce compte-rendu sur le registre de l’arbitrage, mais franchement voir le Grec Ilias Iliadis sorti par hansokumake du podium des -90 kg par le Suédois Marcus Nyman – un monomaniaque des sutemi prêt à se jeter sur le dos à chaque fois que son adversaire avait une bonne garde et obtenant ainsi trois pénalités injustes, couronnées d’une dernière pour l’avoir poussé dehors – c’est tout de même le signe que cela ne va pas très bien. Le Grec Iliadis est l’un des grands animateurs de la décennie, un héros du sport judo, et peu suspect d’anti-jeu. Il faudra vraiment revoir tout cela après les Jeux… en croisant les doigts pour que les commentateurs du monde entier n’aient pas trop de situations de ce genre à expliquer aux spectateurs.
Tcheumeo retrouve Aguiar
C’est une aventure du même genre qui est arrivée à Audrey Tcheumeo (-78 kg) pour la médaille de bronze. Mais, en l’occurrence, c’est elle qui a un peu trop joué avec le feu. Opposée à la grande Hongroise Abigel Joo, qu’elle domine assez régulièrement, elle marquait rapidement yuko d’un grand tai-otoshi. Elle assumait alors de laisser monter les pénalités puisqu’elles n’ont, comme chacun le sait, aucune incidence sur le score. Elle en prenait trois. Pour la dernière séquence, il reste trois secondes au chrono. La Hongroise se précipite, Tcheumeo fait deux pas de recul dans l’angle du tapis avant de réaliser le danger et de tenter de bloquer, elle est poussée dehors, elle sort, elle prend la dernière pénalité, elle n’est pas sur le podium…
À vrai dire le plus important s’était joué avant, dans sa rencontre avec la grande Brésilienne Aguiar, qu’elle n’avait pas rencontré depuis le championnat du monde 2014. C’est la Brésilienne qui sortait victorieuse de ce défi important pour Rio, d’un yuko obtenu sur un contre, et c’est désormais la quatrième fois en suivant qu’elle bat Tcheumeo.
En venant ici, la Reine de Paris espérait sans doute consolider les bonnes impressions de son triomphe parisien. Au lieu de cela, c’est un peu de doute qui revient et la conscience assez claire que d’autres qu’elle sont favorites pour Rio. Après tout pourquoi pas ? Le mode rageur revanchard lui convient plutôt bien.
Iddir et le problème de bien finir
On attendait beaucoup de cette journée, et peut-être d’abord une confirmation du bon parcours parisien d’Alexandre Iddir (-90 kg). Vous vous souvenez de Marcus Nyman ? C’est lui qui va sortir le Français. Pourtant, à quinze secondes de la fin du combat, tout va bien pour Iddir. Au premier tour, il a fait briller son grand seoi-nage debout contre un Polonais et, contre le Suédois, il a marqué assez rapidement un waza-ari sur un seoi-nage bas sur lequel ce dernier sortait de l’autre côté, mais en roulant sur le dos. Il gère et il ne peut plus rien lui arriver contre ce Nyman qui n’est véritablement dangereux que sur ces sumi-gaeshi. Iddir est en défense, il baisse la tête… La seule erreur à ne pas commettre. Le grand blond s’agrippe à sa ceinture et le jette derrière lui sur le dos. Ippon, et le sentiment, sans doute, que le cauchemar le poursuit. Il va vraiment falloir qu’Alexandre Iddir contrôle mieux les fins de combat.
Pas plus heureux, et même un peu moins, Romain Buffet sortait dès le premier tour, vaincu par l’Espagnol David Ruiz Zajac.
Maret se prend les pieds dans Fletcher
Cyrille Maret alors ? Le vainqueur de Paris était sans doute aujourd’hui la plus sûre des chances de médaille française, et de titre. Mais pas cette fois. Sans doute déjà concentré sur les grands combats à venir fasse aux pointures présentes, le Néerlandais Grol, le Russe Khaibulaev, le Tchèque Krpalek, les Azéri Mammadov et Gurbanov, les Allemands Peters et Frey, le Belge Nikiforov… le Français allait s’emmêler les pinceaux dès le premier tour face à un combattant souvent sorti, mais pas gratifié en points de la ranking list, l’Anglais Benjamin Fletcher. Mais celui-ci jouait sa partie, gênant son adversaire à la garde. Et puis il rentrait soudain un bon ko-uchi-makikomi, Cyrille Maret restait stable, tentait de retirer sans jambe… sans y parvenir, et faisait une grosse chute arrière sur les deux épaules. Il n’y avait rien à dire, juste saluer et sortir du tapis. Il ne reste au n°1 français qu’à oublier cette virée aux Emirats et à se concentrer sur la suite. Qu’il ne soit pas, comme les années précédentes, le champion du monde des tournois, nous convient assez finalement.
Marine Erb, de la bonne graine de championne
Il ne restait donc plus qu’une catégorie pour espérer voir les couleurs françaises, ou au moins une médaille de plus ce dimanche. C’était dans la catégorie des +78kg, où la France était venue armée de deux lourdes toniques, non seulement Emilie Andeol, championne d’Europe, médaillée mondiale et 6e au classement de la ranking list, mais aussi de Marine Erb, revenue de sa pénitence estivale (voir ici, mais aussi là) et prête à en découdre. Mais la Chine avait du répondant avec ses deux « engins », la championne du monde et n°1 Yu Song, et la n°3 mondiale Ma Sisi.
C’est Marine Erb qui faisait le meilleur démarrage en dominant d’entrée par ippon, une première performance pour cette combattante encore 44e mondiale, la Biélorusse Slutskaya, 25e mondiale. Une perf suivie d’un exploit : elle passait en effet au tour suivant l’Allemande Konitz, n°4 mondiale, aux pénalités, mais avec beaucoup de détermination. Et elle sortait en tête de son quart de finale en écartant, encore par ippon, la 8e mondiale, l’Ukrainienne Iaromka. Malheureusement pour elle, la garde très lourde de mademoiselle Ma, la numéro deux chinoise, allait stopper son élan. Elle était décalée aux pénalités et poussée doucement vers le hansokumake. Il restait le bronze à prendre…
Deux Françaises pour une médaille
…Mais cela se jouerait contre son aînée prestigieuse, Emilie Andeol. En effet celle-ci aurait pu retrouver une nouvelle fois la grande et puissante (mais aussi technique) Chinoise Yu dans son mais elle tombait dans le piège néerlandais tendu par Tessie Savelkouls (26e), une lourde-légère longiligne dont les déplacements incessants et les attaques systématiques en mouvement d’épaule, même très imprécis et peu efficaces, étaient plutôt bien appréciées par le corps arbitral, qui lui permettait ainsi de battre d’une pénalité, non seulement la championne d’Europe, Emilie Andeol, mais aussi la championne du monde Yu Song dans la foulée. Avertie par l’exemple, Ma Sisi mettait un terme à cette chevauchée vers l’or avec une garde bien lourde et serrée derrière la nuque. Il faudra y penser la prochaine fois.
Juste avant cette finale sino-néerlandaise, deux Françaises s’offraient donc une partie de bras de fer dont l’aînée, à l’expérience, allait sortir vainqueur. L’habituelle (et crispante) pénalité pour sortie de tapis, complétée par une pénalité pour non-combativité plutôt arbitraire… Erb devait rendre les armes devant Andeol. Mais même battue, son parcours dans ce Grand Chelem mérite les applaudissements. À 21 ans, elle démontre qu’elle est largement prête à passer encore d’autres caps. Quant à Andeol, toujours fiable, elle offrait sa dernière médaille à la France sur ce Grand Chelem et pour elle-même une belle remontée à la 4e place mondiale.
Un défi russe réussi
À vrai dire, les yeux des amateurs aujourd’hui étaient tous tournées vers cette catégorie copieuse des -100 kg, essentiellement vers le champion olympique Tagir Khaibulaev. Ils n’étaient pas déçus. Dans son style tranquille et souple, le champion du monde et champion olympique allait se montrer impérial debout, et monstrueux au sol – sortant par exemple d’une prise dans le dos de l’Italien Di Guida, excellent technicien, pour le piquer au sol malgré la défense acharnée de l’adversaire. Il se payait notamment en finale le « scalp » du grand Tchèque Lukas Krpalek sur un seoi-nage debout que son adversaire beau joueur allait saluer bien bas. Un retour tonitruant et un défi réussi pour le maître à jouer de l’équipe russe, le sorcier italien Ezio Gamba, qui récupère deux atouts maître pour refaire le coup, quatre ans après, de la quinte flush royale de Londres 2012. Attention les Russes sont là.
La force de frappe batave
En ce dimanche, les couleurs néerlandaises ont brillé avec éclat, rappelant que ce pays a des prétentions au classement des nations aux Jeux. En plus de l’étonnante Savelkouls, on était une nouvelle fois impressionné par l’intelligence tactique et la maîtrise technique de Marhinde Verkerk, bourreau d’Audrey Tcheumeo lors des derniers championnats d’Europe qu’elle a emporté, et très à l’aise en finale contre la Brésilienne Aguiar, qui cédait à la garde avant d’être proprement étranglée. Troisième avec un très fort ashi-guruma sur la Mongole Purevjargal, Guusje Steenhuis ajoute à la force de frappe batave dans cette catégorie.
Et les filles n’étaient pas seules aujourd’hui. Si Henk Grol peut rentrer chez lui avec la mine des mauvais jours – battu au deuxième tour par le Chinois Hu ! – c’est le jeune et brillant Noel Van T End en -90 kg qui apportait lui aussi une belle médaille, en dominant notamment aux pénalités le Grec Iliadis en demi-finale. Il devait cependant laisser l’or au spécialiste de seoi-nage Otgonbaatar Lkhagvasuren, qui lui en plaçait un joli en finale.
Les seigneurs coréens
Mais à tout seigneur, tout honneur, et c’est donc à la Corée, en l’absence du Japon de sortir en première nation, et très largement, de ce Grand Chelem émirati. C’est le poids lourd Kim Sung-Min, très en jambes avec ses grands uchi-mata, qui apportait la quatrième médaille au Pays du Matin Calme, la troisième pour l’équipe masculine. Il battait en finale le lourd Ukrainien Khammo, présent sur tous les podiums seniors en 2015 depuis son titre européen junior 2014 (suivi d’une médaille mondiale) et notamment le championnat d’Europe et le championnat du monde. Quoi qu’il en soit, si on cherche un rival pour le Japon aux Jeux olympiques, il ne faut pas aller très loin.