Retour au premier plan confirmé pour la Française

De notre envoyé spécial au Japon, Morgan Maury

Ceux qui ne savent pas que Gévrise Emane a un instinct de survie hyper développé devront copier 100 fois  « je n’enterrerai pas Gévrise Emane ». La Levalloisienne a ce point commun avec James Bond. Plusieurs fois ses ennemis ont eu l’occasion de le dégommer alors qu’il était dans leur main. Jamais aucun ne l’a fait. A la fin de l’été, elle n’était même pas sélectionnée aux Mondiaux. Aujourd’hui, elle amasse les lauriers. A Tokyo, Emane a écrit une jolie page de sa longue histoire. Oui, la concurrence n’a pas préparé cette compétition comme un Mondial. Mais Gévrise Emane a livré une performance de très haute intensité pendant 5 combats pour obtenir un or qui manquait à son palmarès XXL. « Ce n’est qu’une étape » explique-t-elle. La future professeur de sport voit beaucoup plus loin mais il était important pour elle de bien cocher cette étape. Elle le fait avec notamment un succès sur Kim Polling, la numéro un mondiale des moins de 70 kilos. La France a maintenant sa première médaille dans ce Grand Chelem.  Cette deuxième journée était faite pour les costauds. Dans ses catégories faibles, le Japon n’assure que cinq médailles mais deux titres. Il aura montré deux choses. Takanori Nagase sait comment mater Avtandil Tchrikishvili, et Hiroyuki Akimoto a stoppé Shohei Ono. C’était beau.

Masculins
-73kg : Akimoto revient en grâce

1) Hiroyuki Akimoto (Japon)
2) Shohei Ono (Japon)
3) Changrim An (Corée du Sud) et Miklos Ungvari (Hongrie)

©  IJF Media by Gabriela Sabau and Nicolas Messner

Le Shohei Ono 2013 est toujours porté disparu. On a revu quelques poussières de sa magie aujourd’hui sous les néons du Tokyo Metropolitan Gymnasium. Visiblement pas affûté, il fait moins en quantité et en qualité. Il a tout de même vaincu un Dex Elmont porté sur l’attaque à tout rompre.  Aujourd’hui, Hiroyuki Akimoto a irradié toute au long de son parcours avec ses morote et ses passages au sol énervants. Celui qui vivotait depuis son titre mondial 2010 a saisi l’occasion. En finale, Ono n’était pas assez préparé pour le vaincre.  Une finale intense remplie de mouvements supersoniques et d’esquives aussi rapides pour deux combattants qui se connaissent parfaitement. Après avoir passé le match à attaquer à droite, Akimoto fait la différence sur un seoi à gauche en fin de match (yuko). Le voilà en or pour compliquer la donne des moins de 73 kilos japonais. Kosei Inoue et son équipe sont face à un sac de noeuds. Shohei Ono, c’est le génie du moment. Riki Nakaya (blessé pour le tournoi), c’est le champion du monde. Hiroyuki Akimoto, c’est le vainqueur du jour. Un problème de riches assurément pour décider des prochaines sélections.  On se souviendra aussi du numéro du jeune coréen An, en bronze aux côtés du très efficace Miklos Ungvari. Champion du monde junior, vainqueur de Grand Prix et en bronze en Grand Chelem, difficile de faire mieux en deux mois pour un junior. Après Lee Won Hee ou Wang Ki Chun, An est peut-être le nouveau redoutable mins de 73 kilos pondu par le Pays du Matin Calme. Il n’est pas flamboyant comme ses aînés mais diablement énervant : patient sur les mains, fort en seoi nage ou tai-otoshi. Ugo Legrand et Rok Draksic en ont fait l’expérience. Legrand s’en voudra de ne pas avoir pris davantage l’initiative. Il reconnaitra qu’il n’a jamais trouver la faille sur ce petit gabarit en huitième de finale : « Le Coréen a été malin.  Il m’a géré aux pénalités. Il y a eu le décalage, ça m’a forcé à aller le chercher. Je l’ai trouvé tactique, ses attaques sont pas mal. Mais de mon côté, je n’ai jamais vu l’ouverture. » Pour Pierre Duprat, on se demandera comment l’arbitre a pu donner ippon à son adversaire allemand alors qu’il n’était pas étranglé…

-81kg : Nagase a la recette
1) Takanori Nagase (Japon)
2) Sergiu Toma (Emirats arabes unis)
3) Alexander Wieczerzak (Allemagne) et Avtandil Tchrikishvili (Géorgie)

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Un tableau de championnat du monde, tout simplement. Loïc Piétri était le seul absent de cette super-production de très grande qualité car il a décidé de se concentrer sur le foncier pendant quelques mois. Le Japonais Nagase est l’artiste du jour. Il pourra peut-être lui expliquer l’antidote pour se débarrasser d’Avtandil Tchrikishvili. Comme l’an passé,  le Japonais a planté le Géorgien sur ippon. Cette fois-ci, c’est sur un ko-soto rusé qu’il le fait tomber. Au-delà du mouvement, Nagase est rarement gêné par la puissance de marbre que lui oppose l’homme de l’Est. Avec ses bras de pieuvre, il combat presque tout le temps à sa distance, main à la clavicule. Dans une finale aux allures de randori, Nagase fait pénaliser l’ex-moldave Sergiu Toma dans le golden score. Il assure sa deuxième victoire consécutive dans ce Grand Chelem. Ce très beau judoka sous ses airs d’ado perdu, qui se passe la main dans les cheveux au moment de rentrer sur le tatami, a également battu Kim Jae-Bum (7e), le champion olympique, sur un o-uchi gari ken ken. Nagase est maintenant demandé en championnat après sa 5e place à Chelyabinsk. Coup de cœur pour l’Allemand Wieczerzak. Cet ancien champion du monde junior pourrait être surnommé l’étrangleur de Francfort. Antoine Valois-Fortier en huitième puis le Japonais Maruyama dans le combat pour le bronze, ont eu le visage tordu de douleur par ses ficelages de boucher.

Féminines
-63kg : L’heure de Trstenjak

1) Tina Trstenjak (Slovénie)
2) Edwige Gwend (Italie)
3) Annicka Van Emden (Pays-Bas) et Maho Nishikawa (Japon)

©  IJF Media by Gabriela Sabau and Nicolas Messner

Sur le papier, ce n’était pas le rendez-vous de la poésie, ni le Saint-Germain des Prés du judo cette finale du Grand Chelem de Tokyo. D’un côté, la Slovène Trstenjak et ses seoi de camionneuse, de l’autre la tonique Italienne Gwend, cinquième des Mondiaux. C’est sûr qu’avec Clarisse Agbegnenou et Yarden Gerbi, ça aurait été plus marrant. La finale nous a fait mentir. La Slovène au sourire discret feinte seoi pour tani-otoshi et plaque Gwend pour ippon. Joli ! Anne-Laure Bellard a connu un raté et nous a permis de revoir trois fois la pénalité dite de la cigogne iranienne pour ses crochetages qui ne sont pas des attaques. Elle qui affichait une grande constance depuis quelques mois en tournoi a été éclipsée par une fille qui sort des cadettes : la Hongroise Gercsak, championne du monde cadette 2013 et vainqueur des Jeux Olympiques de la Jeunesse. Cette dernière a pu lancer plusieurs fois utsuri-goshi pour yuko. Gercsak, un nom à retenir. Déception également pour Maëlle Di Cintio. La Dijonnaise avait une chance en or de se retrouver en quart de finale. Elle malmenait l’Italienne Gwend et pouvait espérer la faire craquer au golden score. Un ko-uchi où elle se dégage mal et elle finit immobilisée.

-70kg Emane, madame Parfait
1) Gévrise Emane (France)
2) Haruka Tachimoto (Japon)
3) Kelita Zupancic (Canada) et Laura Vargas-Koch (Allemagne)

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Gévrise Emane a déjà le viseur vissé sur les Mondiaux d’Astana. Et les Jeux Olympiques où elle pourrait conclure sa carrière.  « Je vois beaucoup plus loin » glisse-t-elle malicieusement après sa victoire majuscule aujourd’hui à Tokyo. Car la Française a réussi un numéro de haut vol. Elle a battu Kim Polling, la numéro une mondiale. Et rien que ça, c’est fort. Dans un match d’excellente facture, la Française a semblé déséquilibrée sur un mouvement de la Batave avant de glisser un makikomi inattendu (yuko). Face à la jeune Russe Prokopenko en quart et contre l’Allemande Diedrich, Emane respecte le plan de Cathy Fleury à la lettre : pas de quartiers. Et la pénalité tombe du bon côté dans ces deux  matches accrochés. Ce sera le même scénario dans une finale tangente contre Haruka Tachimoto, vice-championne du monde 2011. Mais l’activité d’Emane fait pencher la balance de son côté. On va surnommer Gévrise Emane Madame Parfait. Depuis trois mois, tout roule pour elle. Professorat de sport, victoires aux France, en Corée, et ici. Elle en redemande.  Le Canada vient chercher sa médaille grâce à Kelita Zupancic. Elle a parfaitement pallié la défaillance d’Antoine Valois-Fortier en moins de 81 kilos. La protégée de Jérémy Le Bris met un joli plaquage à la vice-championne du monde Nun Ira, pour le bronze.