Charline Van Snick / Crédit photo : Lu’nivers Production 

Médaillée de bronze à Rio en 48kg, Charline Van Snick, installée en France et licenciée à l’ACBB Judo prépare son retour à la compétition lors des championnats d’Europe (Pour l’heure maintenus les 21-23 novembre, à Prague). Exprimant un ressenti fait d’incertitudes, de doutes mais aussi d’une meilleure connaissance de soi-même, la Belge livre le témoignage d’une athlète habituée au circuit mondial dans une période à nulle autre pareille.

Charline, quels sont tes prochains objectifs ?
Je reprendrai aux championnats d’Europe. Pour Budapest, j’ai choisi de ne pas y aller car il y avait beaucoup trop d’incertitudes. Mi-août, j’ai eu la Covid. J’ai connu quelques jours un peu difficiles avec une grosse fatigue et l’impossibilité de faire des efforts à haute intensité. Je me suis donc contentée d’un peu de « sport-santé ». Concrètement, je n’ai pu reprendre le haut niveau que mi-septembre. J’ai fait un stage en Belgique, sous « bulle » de cinq combattants maximum. Je n’avais donc que trois-quatre partenaires. Je devais participer au stage de Papendal, aux Pays-Bas, au début du mois mais ce dernier a été annulé. Pour revenir à Budapest, avec les tests PCR j’avais peur d’être à nouveau positive à cause de résidus du virus. Il y avait donc la possibilité d’être empêchée de combattre et de devoir rester en quatorzaine en Hongrie. Et puis on a eu confirmation que le tournoi était sûr d’avoir lieu seulement quinze jours avant. Ces menaces, ajoutées à une préparation qui a connu plusieurs interruptions, m’ont décidé à faire l’impasse sur ce Grand Chelem. Regardez l’équipe italienne ! Quatre cas de Covid et toute l’équipe est empêchée de combattre et ils doivent tous rester cloîtrés dans leur chambre d’hôtel. J’ai beaucoup d’empathie pour eux car je sais ce que c’est de se préparer… pour rien. Je l’ai vécu avec le Grand Chelem de Russie au printemps. Tu prépares tes sacs, tu te sens prête. Excitée même. Puis, on t’apprend que tout est annulé. Moralement, en tant que compétiteur, c’est très dur à vivre.

Justement, comment as-tu vécu le report des Jeux olympiques ?
C’était bizarre. Un mélange de deuil et de soulagement. Du deuil car les sacrifices sont immenses. Mais du soulagement aussi car, vu les circonstances, on ne pouvait décemment pas participer à cet événement en s’étant préparé dans son garage ! J’exagère un peu, mais l’idée est là. Quand j’y repense… je crois que j’espérais cette décision. Car le pire pour un athlète de haut niveau, c’est l’incertitude ! Cela vous impacte psychologiquement : pourquoi je m’entraîne ? Dans quels buts ? Est-ce que tout ce que je sacrifie va servir à quelque chose ?
Le combat oui, c’est de l’incertitude. Mais tout ce que vous faîtes avant, les entraînements, la technique, la tactique, le mental, tout cela sert à vous forger des certitudes. Or là, c’était tout bonnement impossible. Pour autant, j’ai mis du temps à accepter ce report et à me remettre dedans car le contexte reste encore très anxiogène.

Parle-nous de ta préparation… 
J’ai créé ma propre « bulle » d’entraînement, professionnelle et individualisée. Une dizaine de personnes en font partie : coach judo, préparateur mental, préparateur physique, kiné, etc. C’est une mini-fédération (sourire). Pour le judo, je m’entraîne entre salle privée, mon club et l’INJ. Avec la crise, on voit que les « grands » pays, aux structures très fortes (France, Russie, Israël) sont privilégiés. Il ne faut pas être dupe : il y a bien sûr des inégalités dans les capacités à se préparer de manière optimale dans le judo, même lorsque tout va bien. Mais cette crise mondiale a, je trouve, accentué, les inégalités. Au club, je fais avec des -50kg et -55kg. C’est parfait pour moi : ça bouge bien, c’est dynamique. Je fais aussi un peu de boxe à côté pour travailler mon cardio dans un autre cadre que le dojo ou la salle de sport.

Dans quel état d’esprit es-tu ?
Je me sens bien, impatiente de reprendre. Et je ne m’angoisse plus quant à une éventuelle annulation. J’ai décidé de penser comme ça : si cela a bien lieu, alors tant mieux ! Si c’est annulé, je serai tout de même satisfaite car j’aurais travaillé des choses, notamment sur la rigueur de travail. En fait, je suis partie de l’idée, vu le contexte, de me fixer des micro-objectifs : au niveau technique, tactique et mental. Et je pense que cette formule fonctionne plutôt bien. Reste que tout n’est pas parfait.

C’est à dire ?
D’abord, je trouve qu’on est laissé un peu dans le flou par les instances internationales. Ainsi, on a appris il n’y a pas si longtemps que les championnats d’Europe étaient déplacés d’une semaine. En soi, ce n’est pas grand-chose mais je trouve qu’en tant que participant, on pourrait nous annoncer cela plus tôt. L’autre souci c’est que le report des JO fait que je vais perdre une majorité de mes sponsors à la fin de l’année. En clair, mes finances pour 2021 sont très maigres. Comme je gère ma bulle comme un business, j’ai anticipé cela en essayant de mettre ce que je pouvais de côté. Mais j’ai des gens avec qui je travaille en vue de Tokyo à payer. Je vais donc devoir faire des choix, d’autant qu’il est très difficile de trouver de nouveaux sponsors dans ce contexte économique. Mais je suis judokate. Alors, forcément, je m’adapterai (sourire).