C’est toujours la même chose… Aux Jeux, juste avant la compétition, il est toujours question du plâtre mal essuyé, des sujets qui fâchent et de la cérémonie d’ouverture. Et puis tout le monde s’installe, à Paris comme à Tokyo, Rio ou Londres. Et dès les premières secondes, c’est l’intensité qui prend le pas sur tout le reste. Ce n’est pas tant le sport qui devient alors prépondérant que la radicalité des affrontements entre les athlètes, des jeunes hommes et femmes qui ont su gagner leur place et qui comprennent que ce n’est pas seulement leur carrière, mais littéralement, leur vie qui se joue dans la journée.

D’observation, il n’y en eut guère sur ce premier round qui vit Shirine Boukli et Luka Mkheidze tracer leur route jusqu’au podium, de même que les étonnants Yeldos Smetov et Tara Babulfath, parmi les héros de ce samedi 27 juillet qui promet une splendide huitaine de judo olympique à l’Arena Champ-de-Mars. Au cœur de Paris 2024, épisode 1, c’est maintenant dans le podcast Hajime de L’Esprit du Judo.

Au cœur de Paris 2024, épisode 1

C’est toujours la même chose… Aux Jeux, juste avant la compétition, il est toujours question du plâtre mal essuyé, des sujets qui fâchent et de la cérémonie d’ouverture. Et puis tout le monde s’installe, à Paris comme à Tokyo, Rio ou Londres et, dès les premières secondes, c’est l’intensité qui prend le pas sur tout le reste. Ce n’est pas tant le sport qui devient alors prépondérant que la radicalité des affrontements entre les athlètes, des jeunes hommes et femmes qui ont su gagner leur place et qui comprennent que ce n’est pas seulement leur carrière mais, littéralement, leur vie qui se joue dans la journée. Il est clair que, quoi qu’il se passe ensuite, être médaillé olympique ou, mieux, champion olympique modifie à jamais votre destin.

Aux Jeux, pas de tour de chauffe, malgré quelques wild-cards. Si la journée est décisive pour leur vie d’après, le combat qui vient est la première étape de ce futur aléatoire. Tout se joue au présent. Paradoxalement, c’est le judo qui en sort gagnant. Les stratégies, les arbitres, deviennent timides face à la détermination, renforcée par la pression d’une salle acquise.

Tokyo était muette, Paris est incroyablement bruyante. Renforcé par le fan club d’élite « Allez les bleus », qui vient donner de la voix sur chaque grand événement, le public connaisseur des judokas français et étrangers présents, vibre dans ce petit Palais éphémère comme il ne vibre nulle part ailleurs sur la planète. On pouvait s’y attendre et même continuer à déplorer de ne pas avoir un espace à la mesure de l’énorme potentiel du judo pour rassembler les foules sur ces Jeux, mais même les acteurs en sont surpris, comme nous l’explique l’entraîneur Séverine Vandenhende.

« À un moment, je ne peux même pas lui parler tellement ça bout derrière, c’est impressionnant cette énergie qui se dégage du public. On a la chance de faire à l’Accor Arena un Grand Slam tous les ans, où il y a beaucoup plus de monde, et je n’ai jamais eu l’énergie qui se dégage aujourd’hui… Je n’ai jamais vu ça. Voilà, c’est tout simplement énorme. Il y en a de partout. »

Bien sûr, ce sont les noms des représentants français qui font monter les décibels, mais pas seulement. On le verra tout au long de la journée, le public a tout compris de cette compétition des super-légers et a eu ses favoris et favorites. Shirine Boukli, notre représentante en -48kg, était l’une des benjamines de l’équipe trois ans plus tôt, elle l’est toujours, mais cette fois dans un rôle leader. La France attend beaucoup de ce premier jour, et notamment de son côté, elle qui n’a qu’une seule adversaire à sa mesure, et même un peu plus, la Japonaise Natsumi Tsunoda. Pour les spécialistes, son premier tour contre la Turque Tugce Beder était un peu piégeux. Elle s’applique à ne pas donner à sa rivale la possibilité d’accumuler les attaques sans préparation, mais ce n’est pas gagné face à une adversaire tout en vivacité, qui la prive efficacement de son bras dominant. C’est finalement en passant en garde croisée que Shirine trouve la solution pour amener la Turque au sol et l’y immobiliser. Le public, déjà chaud en ce début de journée, fait vibrer les échafaudages vertigineux du Palais.

Le tour suivant, contre l’accrocheuse Tunisienne Oumaima Bedioui, la vice championne du monde 2023 fait briller son ko-uchi-gari. Et voilà la première partie achevée. Les Jeux ont un rythme singulier : intense à chaque tour, mais chaque tour est un étage de plus à l’édifice. En trois ou quatre combats parfois, nous voici au sommet. En finale de son quart, comme c’était prévu, c’est l’invincible pieuvre japonaise Tsunoda qui l’attend. Elle n’est restée que quelques secondes sur le tapis, écartant toutes ses adversaires, comme à chaque fois, sur son tomoe-nage enchaîné en juji-gatame. Redescendue en 2019 en -48kg après, tout de même, une finale mondiale en -52kg, elle n’a perdu que trois combats depuis, le dernier en 2022. Réussir une grande partie contre elle, ce serait déjà une sorte de triomphe, un acte décisif. Mais il n’y aura pas de suspense. Habile à feinter son approche en simulant l’attaque de jambe, Tsunoda, dans son style de tueuse japonaise à sang froid, obtient un nouvel ippon sur son mouvement favori. Shirine Boukli s’envole et retombe sur le dos. La journée est pliée.

Il reste à notre représentante à aller chercher la victoire dans deux combats difficiles, d’abord la numéro une mondiale, l’Italienne Scutto, qu’elle projette sur un joli o-soto-otoshi, puis, pour le bronze, l’Espagnole Martinez Abelenda, qui la dominait du temps de leur années juniors, mais qu’elle a battu cinq fois de rang depuis 2020. Cette gauchère habile à repasser la jambe devant, jouant toute sa partition, tiendra deux minutes au golden score, avant de se faire surprendre, épuisée, par un o-osoto-gari en contre d’un pseudo sutemi. La France tenait sa première médaille olympique parisienne, et c’était pour Shirine Boukli, capable de la belle journée qu’on attendait d’elle.

L’entraîneur Séverine Vandenhende soulignait la façon dont elle avait su assumer la défaite contre la Japonaise pour mieux repartir.

« À la sortie du match, forcément, il y a de la déception parce qu’elle sait qu’elle ne sera pas championne olympique. Par contre, je lui disais qu’il y a une belle médaille à aller chercher et que là, du coup, je lui ai laissé dix minutes, un quart d’heure. Elle pouvait sortir, crier, taper dans les murs si elle voulait. Mais quand je l’ai retrouvée, on passait à une nouvelle compétition et on oubliait ce qui s’était passé. Donc ça, elle a été capable de le faire. On est allé manger, elle a fait une sieste, on a fait vidéo, elle a rebougé et puis voilà c’était la nouvelle Shirine, version 2. Sur le matin, elle avait l’appréhension de l’échec de Tokyo, beaucoup de pression, elle passe le premier tour, et après, sur le second, peur de mal faire, donc voilà…

Là, je l’ai trouvée beaucoup plus libérée sur la finale de repêchages et la place de trois. Il ne faut pas avoir de regrets parce que derrière elle fait une belle place de trois et c’est peut-être ça aussi qui fait qu’à un moment elle est capable de switcher, d’aller avoir les crocs, d’être encore plus déterminée à se remobiliser. Ça reste exceptionnel, une médaille olympique, il n’y en a pas beaucoup, en plus à Paris, c’est une première médaille […] Au début, on disait « oui, Shirine elle est forte, voilà, elle est trois fois championne d’Europe, elle n’a pas de médaille mondiale mais, cette saison, elle a montré qu’elle était capable d’être vice championne du monde et, quelques mois plus tard, elle est médaillée olympique. Elle est jeune donc j’espère que, derrière, ça présage une superbe carrière parce que, voilà, elle a encore du temps pour elle, elle peut faire une, deux olympiades. »

Quant à Shirine Boukli, il était manifeste que cette première grande médaille olympique, après sa médaille d’argent des championnats du monde 2023, la satisfaisait pleinement.

« C’est fou, c’est incroyable même je dirais donc je suis trop fière. C’est la première médaille pour l’équipe de France tous sports confondus et c’est ma première médaille olympique à moi aussi. J’ai senti que, sur mes deux premiers combats, j’ai fait ce qu’il fallait, une attaque ça marque, ça enchaîne et ça suffisait amplement. Après Tsunoda était peut-être plus prête que moi aujourd’hui, c’est respectable, elle est super forte, c’est une machine aujourd’hui, elle n’est pas trois fois championne du monde pour rien. C’est comme ça, c’est le jeu. Et puis, derrière, il n’y avait plus qu’à. Si je perdais, c’était fini. Donc j’ai su me remobiliser, j’ai me souviens avoir vu Kilian (Le Blouch), ça m’a marqué parce qu’il m’a dit « Écoute Shirine, on est venu, on a travaillé dur, aujourd’hui tu as perdu, elle était meilleure. Mais en fait, on va aller chercher cette put*** de médaille, c’est notre première médaille à nous deux, même à moi. Donc on va aller le faire. » Et en fait, ça m’a marquée, j’ai repensé à ma famille aussi. Je me suis dit « mais what Shirine ? Tu l’as déjà prise, fais ton boulot, ton taf sur les mains et tu verras et en fait, au fur et à mesure, le repêchage hop et la place de trois je me suis relâchée complet j’ai l’impression, et je n’ai pas réfléchi. Je voulais marquer l’histoire de mon sport, peu importe là la médaille, je me suis accrochée jusqu’au bout et je suis trop fière. Je ne pouvais pas m’arrêter là, ce n’était pas possible ! Tu as déjà battu ces filles-là, donc c’est impossible, j’ai ma fierté en fait qui me parlait et qui me disait « là t’es un bulldog, tu vas manger, on est à Paris, il y a ton os au milieu, t’es chez toi, c’est ton terrain. Donc bon, on se motive comme on peut, on a des sources de motivation profonde qui sont là, mais ouais, c’était cool. »

C’était réglé donc, l’or appartenait à Tsunoda la pieuvre au sang froid. C’était sans compter avec l’imprévu, toujours réjouissant, que les Jeux savent susciter. Le public de Paris l’a immédiatement repérée et adoptée, avec ses dix-huit ans, son visage encore enfantin, ses attaques debout encore désordonnées, mais pleine de feu et de force, son esprit de combattante inlassable et son formidable ne-waza. Avec la Franco-Britannique Jane Bridge sur la chaise, elle avait déjà réussi l’exploit de se qualifier pour l’événement alors qu’elle entame ses années juniors, mais aussi d’attraper une médaille de bronze mondiale à Abou Dhabi. Formidable d’envie et bien drivée depuis la boîte par Jane, laquelle est bien connue du public français, elle enchaînait les exploits, sortant la combattante sud-coréenne, l’Italienne Scutto, ou encore l’Ouzbèke Kurbonnova, tandis que le public scandait son prénom. Et celle qui se dressait en demi face à l’héroïne de manga Tsunoda, c’était elle, Tara Babulfath, combattante suédoise, avec sa fraîcheur, sa candeur, son indomptable fierté. Surprise, le game plan était bien en place et les tomoe-nage bien contrées. Enlacé au sol par l’étreinte de mort de son aînée qui tentait de lui déplier le bras à chaque fois, elle ne concédait rien, patientant, sachant proche son heure. Déjà amenée à près de trois minutes au golden score, le visage impénétrable mais sillonné de sueur de la trentenaire trahissait son problème. Elle n’y arrivait pas, cherchant des solutions ailleurs, et ouvrant dans le même temps des options pour la jeune rivale encore pleine de feu, qui poussait irrésistiblement la porte d’une impensable finale olympique… avant de prendre soudain, non pas contre la règle, mais contre l’esprit du combat, une troisième pénalité fatidique. Que s’était-il passé ? Alors qu’elle prenait le dessus, secouant de plus en plus fort le cocotier Tsunoda, la jeune Suédoise avait chassé d’une main une saisie trop faible sur sa manche pour se jeter sur la Japonaise et la menacer sur un fort uchi-mata. L’arbitre arrêtait finalement le combat, et la plupart pensait que Tsunoda venait de céder, que l’impensable avait eu lieu, qu’elle prenait une troisième pénalité et perdait ce combat formidable… mais c’est la jeune Babulfath qui était sanctionnée, à contretemps, pour ce dégagement de saisie sans garder le contrôle, ce que le règlement interdit. La scène était saisissante : marchant vers un arbitre deux fois plus grand qu’elle, la jeune guerrière suédoise le toisait sous le nez, voulait des explications, en cherchait sur le visage mal à l’aise de l’homme en noir. La leçon était limpide : ce combat était la démonstration, non pas d’une erreur d’arbitrage, mais de l’invalidité de toute une conception. Le judo mondial venait de se priver, par l’application absurde d’un élément de règlement et contre l’esprit d’un combat exemplaire et mémorable, d’une formidable histoire, d’une victoire magnifique en train de se dérouler sous ses yeux. La terreur japonaise vacillait, laissait la jeune Suédoise s’élancer vers son rêve, méritant ce qui était en train de lui arriver par la magnifique pression qu’elle mettait à son aîné. Mais l’arbitre l’en a empêché. Nous continuerons à le répéter tant que ce sera nécessaire. Ce règlement, capable de disqualifier de tels combattants à ce moment-là d’un combat, ne fonctionne pas. Un arbitre en charge de l’esprit du combat plutôt que de sa lettre, l’aurait su.

L’épilogue à l’histoire reste beau. Grâce à la diplomatie du coach respecté Jane Bridge, le sentiment légitime d’injustice exprimé avec trop de fougue ne se retourne pas contre la jeune Suédoise, qui sera autorisée tout de même à continuer d’écrire l’histoire du judo de son pays et du continent. Si elle arrache en effet la médaille de bronze à la n°3 mondiale, la Kazakhstanaise Abuzhakynova, elle sera à jamais la première médaille olympique du judo suédois et, pour longtemps sans doute, la plus jeune Européenne couronnée des lauriers, à 18 ans et 206 jours. Malmenée dans les premières minutes par l’expérience d’Abuzhakynova, qui cherche à lui faire baisser la tête et à la faire pénaliser, elle s’adapte et finit par l’écraser au sol, son point fort. Heureusement, ça finit bien.

Le destin d’un jour, il semble lisible dès le matin, on le devine qui se dessine, de victoires nettes en manifestation d’autorité. Aujourd’hui, chez les masculins, on le sentait venir, c’était pour Luka Mkheidze, le médaillé de Tokyo. Il avait en effet marqué les trois coups sur un incroyable ko-uchi-gari contre le Mongol Enkhtaivan, qui tentait de le relever de force selon le modèle tactique en vigueur… avant de se faire transpercer par le Français. Vibrant de détermination et de jus, efficace, Luka était l’homme du jour. Son second combat contre le Sud-Coréen Kim Won Jin, qu’il n’avait pas rencontré depuis qu’il lui avait pris la médaille de bronze olympique à Tokyo était du même niveau. Le Coréen cherchant à l’intimider dès la première prise de garde se voyait pris de vitesse et enclenché en ura-nage d’entrée pour un waza-ari que le Français allait garder jusqu’au bout. Successivement, les meilleurs tombaient autour de lui, notamment le jeune Géorgien Sardalashvili, champion du monde en titre, qu’il devait retrouver en demi-finale, et l’autre tableau voyait la chute du Japonais Nagayama, éternel favori déçu, pris au piège cette fois de la roublardise de l’Espagnol Garrigos, qui mettait quatre secondes à relâcher un étranglement que l’arbitre annonçait matte, et envoyait le Japonais dans les limbes l’espace d’un instant, suffisant pour que la même arbitre décide d’un ippon contesté par tout le clan japonais.

Mais parfois, le destin joue des tours. La demi-finale était plus difficile contre un Turc inattendu et récalcitrant à la chute, qu’il fallait allait chercher loin avant de placer un kata-guruma salvateur. Ultra-dominateur en début de journée, soulevé par l’enthousiasme des spectateurs, Luka Mkheidze semblait progressivement rattrapé par l’enjeu, la tentation du calcul. Quelque chose qu’il faut éviter contre Yeldos Smetov, venu le retrouver avec décontraction en finale. Yeldos Smetov ? un Kazakhstanais glorieux de trente-et-un ans, une gloire un peu passée, champion du monde neuf ans plus tôt et déjà deux fois médaillé olympique. À Stéphane Traineau, exilé comme responsable du haut-niveau dans ce lointain pays des steppes, il avait dit qu’il ne reviendrait à son meilleur niveau que pour obtenir enfin l’or olympique après l’argent de Rio et le bronze de Tokyo. L’ancien entraîneur des équipes de France l’avait d’abord ramené à sa catégorie de poids des -60kg, l’obligeant à cravacher pour reprendre un leadership perdu face à deux rivaux redoutables. Et le voici en finale de ce Paris 2024 face à l’homme du jour, le Français, chez lui. Mais Yeldos Smetov a aussi une histoire, et il a aussi un judo formidable, qui le rend très dangereux à la moindre faiblesse. C’est d’ailleurs en s’appuyant sur ses sensations qu’il est arrivé là, en finale, se permettant même d’être un étonnant instrument de justice en étranglant l’étrangleur Garrigos avec une formidable vista.

Dans ce dernier combat du jour, sous les yeux de Zidane, Macron, Estanguet, Oudéa-Castera et tous les autres, Luka Mkheidze commence avec beaucoup de justesse, par des attaques nettes qui finissent par faire pénaliser, une fois, puis deux le Kazakhastanais. Mais à mesure que le graal brille plus fort, le Français accélère les attaques, les précipite un peu, insiste sur des sutemis qui ne sont là que pour lui faire gagner quelques secondes de plus. Une erreur, incontestablement une erreur, contre un talent comme celui de Smetov, qui contre une nouvelle tentative de sutemi du Français en marquant le contrôle puis la poussée sur le dos. Un waza-ari agaçant, mais objectif. L’entraîneur Daniel Fernandes n’épiloguait pas, voulant retenir le positif.

« C’était une journée très difficile parce qu’il était très attendu. On a eu une préparation dure, difficile comme toutes les préparations olympiques. Il y avait un tirage pas simple du tout. Du coup, je n’ai pas envie de retenir de choses négatives. Pour l’instant, ce que je lui dis à lui, et je me l’impose à moi, c’est de retenir le meilleur et de savourer, même si, forcément, il y a des choses imparfaites. Mais on verra ça plus tard. Quand on perd une finale, on est toujours forcément déçu, mais je lui dis ce que je vous ai dit là, le plus vite possible de basculer, de profiter, d’apprécier ce qu’il a fait avant d’être déçu de ce qu’il n’a pas fait. Luka, en ayant réalisé une magnifique performance à Tokyo, avait aussi la lourde tâche d’ouvrir le bal notamment pour les garçons, et tout ça, ce sont des paramètres à gérer. »

Peut-on être triste d’être médaille d’argent aux Jeux olympiques ? Bien sûr, quand on passe si près de son rêve, quand on est à deux doigts d’être le premier champion olympique de Paris 2024 et de cette équipe de France de judo, et que le destin malin semble faire miroiter toute la journée la plus belle des fins. Mais on ne peut se raconter trop d’histoires. Les faits sont là : Luka Mkheidze est médaillé d’argent des Jeux de Paris après le bronze de Tokyo, sixième combattant masculin français à obtenir plus d’une médaille olympique dans sa carrière. De quoi relativiser rapidement.

« Je me suis un peu précipité peut-être, c’était une attaque de trop, comme souvent quand ma générosité prend le dessus. Ça m’a encore coûté une finale, mais c’est tout de même une médaille d’argent après la médaille de bronze de 2021. Donc il faut voir quand même le bon côté des choses. J’aimerais revenir bien sûr, parce qu’il me manque maintenant cette médaille d’or, donc j’espère en tout cas que je serai encore en lice. Et il n’y a pas raison que je n’y sois pas, je me sens bien, physiquement ça va aussi. Il y a toujours des petits bobos comme tout le monde, à haut niveau, il y a toujours des blessures, mais je suis bien entouré par le staff et je pense qu’il me reste encore des belles années à vivre dans mon sport. Je suis toujours le même Luka, je garde les pieds sur terre, je pense, en tout cas j’essaie. Car quand on fait des résultats, c’est bien, mais les jours où on ne fait plus les résultats, on peut retomber très bas et on peut se faire mal. Donc j’essaie, quand ça marche, d’être content. Et puis, quand ça ne marche pas des fois, c’est comme ça, il y a aussi des fois et il faut accepter aussi. Aujourd’hui, ça a marché, je suis très content et puis, dans les années à venir, je ne sais pas comment ça va se passer mais, en tout cas, je vais tout faire pour que je puisse revivre des émotions comme ça. En sortant du combat, j’avais ce regret d’avoir perdu mais, après, quand j’ai vu le public, quand j’ai vu mes proches, j’ai vu qu’ils étaient quand même fiers de moi, donc j’ai un peu oublié cette déception. Maintenant que vous m’en parlez, du coup je repense un peu au fait que je suis passé quand même à côté d’une belle médaille d’or. Après, c’est comme ça, ça reste du sport et puis il me reste encore quelques années donc pourquoi pas dans le futur il y aura une belle médaille d’or. »

Et il lui reste aussi le plaisir de partager, la déception passée, la joie d’être médaillé en même temps que Shirine Boukli, une vraie complice, lançant à deux la campagne d’une équipe de France de judo qui a désormais deux beaux repères pour se hisser.

« Avec Luka, on est le binôme, on dit qu’on est même un couple des fois, parce qu’on est tout le temps ensemble, Lucas : « tu manges à quelle heure ? Luka, tu vas te peser à quelle heure ? On fait les contrôles de kim, et après il me met ses affaires dans mon sac, moi je porte… Oui, avec Luka, on est ensemble, on se parle, moi je lui dis « j’ai un tour d’avance sur toi »… Après je chante souvent, il en a marre parce que je ne fais que de chanter pour me déstresser, et il n’en peut plus de m’entendre. Maintenant, il a même acheté un nouveau casque pour enlever l’effet sonore autour, comme ça il ne m’entend plus (rires). Avec Luka, c’est l’ambiance ! »

Ce dimanche, il fera beau et chaud, et ce sera le tour de Walide Khyar en -66kg et d’Amandine Buchard en -52kg de nous faire vibrer.