Sept, ce n’est pas le nombre de médailles françaises. Nous en avons récolté huit, comme l’année dernière et comme il y a deux ans. C’est le nombre d’années pendant lesquelles nos féminines ont terminé devant toutes leurs rivales, et largement au classement des nations au niveau continental. Depuis 2016, les féminines françaises n’ont, collectivement, pas de rivales. Les plus proches ont été les féminines russes pendant deux ans, mais, avant même leur forfait cette année, la pandémie semblait avoir essoufflé leur montée en puissance. Cette période a commencé par la transition harmonieuse au meilleur niveau de la génération Décosse – Emane avec la génération actuelle. Tout va bien pour nos féminines, dont les plus anciennes à Sofia étaient Margaux Pinot et Madeleine Malonga, vingt-huit ans, et dont les plus jeunes, Romane Dicko (vingt-deux ans), Shirine Boukli (vingt-trois ans), ramènent deux de nos trois titres – avec celui de Marie-Eve Gahié (25 ans) – et sont tout à fait capable de se projeter jusqu’aux Jeux de Los Angeles dans six ans, et même au-delà.

Revol, une aventure personnelle

Sept, c’est aussi le nombre d’années qui sépare l’équipe masculine française de son dernier résultat vraiment probant aux championnats d’Europe, deux titres en 2016, tandis que 2015 est la dernière année où nos masculins ont atteint les trois médailles, sur sept catégories et neuf engagés potentiels.
Alors que l’année dernière, l’expérience d’Alexandre Iddir et la vista du rayon de soleil français de Tokyo, Luka Mkheidze, avait récolté deux médailles, comme en 2017 avec Clerget et Maret, nous voici revenu en mode survie, prisonnier d’une transition qui n’en finit pas entre les derniers feux de la génération Legrand – Maret – Riner, et une nouvelle, toujours introuvable.

Ce n’est pas en effet faire injure au « sauveur » de cette année – les masculins français ne sont encore jamais revenus bredouille d’un championnat d’Europe depuis leur création en 1951 et c’est toujours le cas en 2022 grâce à lui – Cédric Revol, vingt-sept ans, remplaçant au pied levé de Luka Mkheidze et peu « calculé » jusque là par l’encadrement, de dire qu’il incarne surtout son propre destin, son aventure personnelle, comme il l’exprimait au micro après cette médaille de bronze. Ironie de la situation, il rendait longuement hommage à l’entraîneur auquel il doit selon lui sa réussite, Alain Schmitt, ancien patron de l’ES Blanc-Mesnil, et parti depuis peu jusqu’en Bulgarie, dans les conditions que l’on sait.

Le championnat des médailles à prendre

La nouvelle génération, il faut bien sûr lui donner le temps dont elle a besoin. Celui qui la représentait le mieux, était sans doute le combattant d’Asnières en -90kg, Maxime-Gael Ngayap Hambou, avec ses vingt ans et sa médaille mondiale juniors 2021. Il fit d’ailleurs l’une des meilleures performances de nos représentants masculins. Neuf engagés, neuf combats gagnés, dont quatre pour Cédric Revol et deux pour lui. Il faut donc surveiller la prise d’autorité en seniors de ces jeunes médaillés juniors dont Romain Valadier-Picard et Maxime Gobert sont les leaders officieux, représentés dès cette année par ce nouveau venu en équipe de France seniors. Néanmoins… on peut tout de même s’avouer un peu frustré, déçu, que ce groupe de neuf combattants entraîné selon les modalités du système français ne se mêle pas un peu plus à la fête. Ces championnats d’Europe étaient en effet ceux de la médaille à prendre, en l’absence, non seulement de l’équipe russe – une base de sept médailles masculines depuis plusieurs années – mais aussi de nombreux leaders, certains réellement absents, d’autres présents physiquement, mais manifestement mal remis de cet été de tous les dangers, avec des championnats du monde et des Jeux à la clé. Dans ces conditions inhabituelles, on a vu l’Ukraine arracher un titre en -60kg par Bogdan Iadov, vingt-cinq ans, médaillé européen juniors il y a quelques années. On a vu la Suisse placer sur le podium des -100kg un intéressant judoka médaillé européen juniors en 2020, Daniel Eich, vainqueur, excusez du peu, du vice-champion du monde serbe Aleksandr Kukolj et de la légende géorgienne Varlam Liparteliani. On a vu un mercenaire russe devenu grec il y a quelques années, Théodore Tselidis, s’emparer d’une médaille en -90kg. On a vu le jeune Roumain Adrian Sulca, champion d’Europe et du monde juniors 2021, échouer au pied du podium en disputant le bout de gras au médaillé olympique et mondial azerbaidjanais Rustam Orujov. On a vu l’Espagne et la Belgique ramasser trois médailles masculines, l’Italie deux. Symbole de ce que la France a manqué sans doute, le combat entre Benjamin Axus, vingt-sept ans et ancien champion d’Europe juniors, contre le Bulgare Mark Hristov, vingt-deux ans, ancien finaliste d’un championnat du monde cadets. C’est lui qui trouvait la solution sur le Français, avant de battre le favori Orujov et de finir par se hisser sur le podium, apportant sa deuxième médaille masculine à la Bulgarie. Effet « à domicile » et/ou de la prise en main du nouveau responsable français ? Preuve en tout cas que, sur la base d’un réel potentiel (et cette fois, tout le monde était éligible à la médaille quasiment) c’est la motivation, la préparation, qui fait basculer les choses du bon ou du mauvais côté.
Quoi qu’il en soit, sur le plan des résultats d’ensemble, avec ses huit médailles et ses trois titres, devant une Angleterre de retour par les filles avec deux titres, les Pays-Bas remarquables avec deux titres aujourd’hui en -100kg et en +100kg, la Géorgie au petit trot, mais trois fois médaillé chez les hommes tout de même et pour la première fois médaillée chez les féminines grâce à Eteri Liparteliani en -57kg, la France fait un bon championnat d’Europe 2022 et peut voir venir pour le championnat du monde de cet été et les Jeux qui se profilent. Les médailles seront là. Pour les médailles masculines, il va falloir être attentif aux frémissements positifs dans les mois à venir.