Avec quatre médailles dont deux en or, la France part bille en tête !

Pavia, double championne d’Europe 2013 et 2014 ! Une démonstration taille patron / Photo Patrick Urvoy –  http://www.patrickurvoy.fr/

On l’avait dit, à Montpellier, la France ne pouvait être que sublime ou décevante, lors de ce championnat d’Europe 2014 de judo chez elle. La première journée allait livrer une indication déjà décisive : elle semble bien partie pour être sublime.

Pourtant la compétition montait doucement en mayonnaise, les travées clairsemées de ce jeudi peinant à s’animer, le judo produit n’offrant pas non plus d’énormes occasions de monter dans les tours. Vincent Limare (-60 kg) encore trop tendre, Pénélope Bonna (-52 kg) sans éclat aujourd’hui, la délégation française lâchait un peu de lest chez les masculins comme chez les féminines. Un peu seulement car pour le reste, les prétendants français du jour étaient plutôt consistants. On attendait les féminines, les deux combattantes restantes, Amandine Buchard (-48 kg) et Automne Pavia (-57 kg) montent en finale. On attendait quelque chose du côté des -66 kg, ils réussissent un doublé historique.

Buchard, de l’argent et des larmes
Pour Amandine Buchard (-48 kg), avec ses 18 ans, soon statut de junior, l’accession en finale est déjà un exploit. Il lui a fallu pour y parvenir battre deux filles du top 15 mondial, la Belge Rosseneu et l’Ukrainienne Chernyak. En finale, elle commençait par marquer un waza-ari à la Hongroise Csernoviczki, 8e mondiale, qui aurait pu lui valoir la couronne européenne. Mais elle se faisait alors reprendre par un ko-uchi-makikomi en réaction, tout proche de marquer ippon. Et elle cédait peu à peu au kumi-kata très rude de son aînée à laquelle elle finissait par abandonner la pénalité fatale. Buchard apporte donc la première médaille française, sa première dans une grande sélection seniors… en pleurant toutes les larmes de son corps. L’argent ne lui suffit pas. Et on a envie de dire qu’elle a raison : Le paradoxe de la journée de la benjamine française, c’est qu’elle n’était pas très en forme aujourd’hui. Elle a semblé manquer de « jus », avec tous les symptomes d’une combattante fatiguée par sa descente au poids. Du coup cette médaille d’argent qui pourrait augurer d’une très longue domination à venir chez les super-légères, est peut-être déjà le signe que la junior Buchard devra bientôt abandonner cette catégorie pour une autre. Du coup, c’est une occasion manquée de ramener à la maison cette médaille d’or espérée.

La Patronne, c’est « Pavlof »
Automne Pavia (-57 kg) était sortie frustrée d’un championnat du monde de Rio qui lui était « promis » par la série de victoires qu’elle avait accumulées avant ce rendez-vous. Elle était la reine Pavia des tournois, mais la Brésilienne Rafaela Silva l’avait d’abord écartée du titre et, lèse-majesté, l’Allemande Roper l’avait giclée du podium. Plus discrète dans ses tournois de préparation, la Française était là pour remettre la pendule au milieu du salon, avec de l’or obligatoire et si possible une victoire finale face à l’Allemande sur une « bonne grosse tôle »… Elle l’avait rêvé, elle l’a fait. Elle a traversé ce championnat comme elle aurait traversé un tournoi de quartier. Expédiant en quelques secondes des adversaires manifestement difficiles à gérer pour toutes les autres, surclassant la Roumaine Caprioriu, médaillée mondiale, finaliste des Jeux. Et la finale fut ce qu’elle avait souhaité : Roper avance sur elle, tente de l’envahir, elle tourne le dos en pleine spontanéité et envole l’Allemande dans un grand style ! Une compétition intimidante de la championne d’Europe en titre qui semble bien loin, et bien au-dessus, de cette année olympique 2012 où elle avait atteint pour la première fois le podium européen, avant de prendre le bronze aux Jeux. L’Europe, c’est fait. Pavia est vraiment la meilleure, en plus d’être encore l’une des plus jeunes. Même si Telma Monteiro pouvait sauter comme un cabri après avoir joliment planté en seoi-nage pour le bronze la Roumaine Croitoriu désabusée – emportant ainsi sa dixième médaille européenne -la patronne désormais c’est Pavia – ou Pavlof, son surnom. Il faut juste désormais en convaincre Silva et Matsumoto à Chelyabinsk. Sur ce registre, cela paraît tout à fait possible.

-66 kg : un doublé historique et tricolore
Si la Russie y était parvenue, c’est bien la première fois que la France réussit chez les garçons un truc pareil : le doublé or et argent (elle avait fait l’exploit en 2011 chez les filles avec la victoire de Tcheumeo sur Louette). On espérait bien quelque chose de ce côté-là, mais Larose n’avait atteint le podium européen pour la première fois que l’année dernière et Korval revenait de nulle part, passant par une victoire au championnat de France pour en arriver-là. Ajoutons que la blessure sévère de Larose à l’échauffement n’était pas de nature à rassurer. Son forfait semblant longtemps l’option la plus probable. Sur le parcours, l’un comme l’autre furent parfois sur le fil du rasoir, l’un comme l’autre surent trouver dans leurs ressources, dans leur modèle spécifique, les moyens de passer. Au rayon exploit, Korval, mené waza-ari, finit par faire exploser l’Anglais Oates, 16e mondial, et par faire baisser la tête de frustration à l’explosif Ukrainien Zantaraia, 7e mondial, incapable de se mettre en position de lancer ses très fortes attaques. Toujours avant l’autre, souvent en bout de manche, diabolique sur l’art de doser le curseur entre fortes attaques à la volée et fausses attaques juste assez dynamiques, Korval ne commet ce jeudi aucune faute et se hisse en finale. Larose est encore au-dessus, puisque blessé au genou, il se montre plus précis, plus impérieux que d’habitude pour ne pas se laisser manoeuvrer tactiquement. Féroce sur la manche, tout en puissance et en posture, il sort quelques très beaux gestes et balaye l’homme fort du moment, le Russe Pulyaev, 8e mondial, vainqueur du tournoi de Paris, et un costaud du jour, le Biélorusse Shershan, les deux futurs troisièmes. En finale, c’est lui qui paraît avoir la solution d’entrée en attrapant la manche de Korval et en l’obligeant à fuir le corps à corps pour une première pénalité très rapide. Mais la machine Korval repart et c’est son schéma tactique qui finira par avoir raison aux pénalités de celui de son adversaire. Korval, Larose, Larose, Korval, le bras de fer est engagé, mais la France, en attendant, accroche l’or et l’argent en -66 kg. Champagne.

La dynamique collective est engagée… pour aller jusqu’où ?
La leçon du jour du côté français est positive. On attendait Pavia en or, elle est encore au-dessus. Et le triomphe français en -66 kg, personne n’aurait osé en faire le pari. Bref, l’équipe de France est en forme, et sur des rails pour exploser tous les compteurs, comme elle se l’était promis. Demain Legrand, Pietri, Schmitt, Agbegnenou et autres Posvite auront la responsabilité de faire tomber d’autres récompenses pour flirter avec les records. Mais le bon exemple leur a été donné aujourd’hui. La dynamique collective est enclenchée.

Et les autres ?
On attend chez les garçons un défi des Géorgiens, l’équipe masculine leader l’année dernière avec six finales pour trois titres. Il va leur falloir cravacher pour revenir sur la France. Le champion d’Europe 2013 Papinashvili est battu en finale et c’est la seule médaille géorgienne du jour. C’est plutôt la Russie qui paraît cette année l’adversaire à craindre. Si le champion olympique Galstyan (-60 kg), très brillant, doit s’arrêter sur blessure, il est parfaitement supléé par Beslan Mudranov, vraiment impressionnant toute la journée et médaillé d’or. Et le -66 kg Pulyaev, battu par Larose, atteint le bronze. Les filles russes sont plutôt bonnes elles aussi avec la finale de Kuzyutina (-52 kg), championne en titre coachée par Jean-Pierre Gibert, mais battue logiquement sur un beau o-uchi-gari de la championne du monde Kosovar Kelmendi, et la place de trois de Kristina Rumyantsieva, la n°4 russe dans la catégorie des -48 kg, coachée par Patrick Roux. Avec quatre médailles, la Russie fait le même score que la France, mais n’en attrappe qu’une seule en or et deux en bronze.
Le décor est planté, la pièce est commencée, le deuxième acte est à venir.

Découvrez le bilan du deuxième jour et celui du troisième jour.