Alors que cinq judokas masculins ont d’ores et déjà été officialisés hier pour les championnats du monde (7-14 mai, Doha, Qatar), Baptiste Leroy, responsable de l’équipe masculine, explique les choix effectués.
Pourquoi avoir décidé d’annoncer cette sélection partielle juste après le Grand Chelem de Paris, à trois mois des championnats du monde ?
Pour laisser à ces cinq athlètes le temps de se préparer. Nous avons estimé qu’ils avaient donné suffisamment de garanties, en termes de performance, de résultats, de régularité pour être choisi dès maintenant.
Y aura-t-il forcément un judoka dans chaque catégorie pour les championnats du monde ?
Le comité de sélection a estimé que non.
Pour les -60kg, pourquoi avoir sélectionné Luka Mkheidze ?
Luka reste sur cinq médailles consécutives sur les cinq compétitions auxquelles il a participé : Grand Chelem de Tashkent, championnats d’Europe et Jeux olympiques en 2021, Grand Chelem de Paris en 2022, et là, après plusieurs mois d’absence dus à une blessure au genou, il revient et monte immédiatement sur le podium au Portugal la semaine dernière. Cette régularité au très haut niveau donne de solides garanties. Mais il y a plus : Luka s’engage, peut gagner autant debout qu’au sol, comme il l’a fait pour le bronze au Portugal.
Et Cédric Revol ? Ce dernier vient de gagner deux médailles consécutives au Portugal (bronze) mais aussi à Paris (argent)…
C’est vrai. Ses dix derniers jours ont été excellents. Mais il faut voir à plus grande échelle : Cédric s’incline au premier tour des championnats du monde 2022, du Grand Chelem de Tokyo et du Masters. Dont deux fois (à Tashkent contre l’Israélien Matan Kokolayev et à Tokyo face au Tchèque David Pulkabrek) contre des adversaires que l’on peut légitimement considérer comme moins forts que lui. Nous pensons qu’il doit se structurer encore plus pour gagner en régularité sur chacune de ses sorties. Mais soyons très clair : il est dans la short-list des noms qui pourraient compléter la sélection !
Daikii Bouba en -66kg ?
Là encore, il faut voir la grande image : Daikii restait sur trois cinquièmes places en début d’année 2022 : Grand Chelem de Paris, Grand Chelem de Tel Aviv et championnats d’Europe. Il se blesse longuement mais, dès qu’il revient, ce dernier glane une médaille à Perth (open océanien) mais surtout au Masters puis au Portugal. Il s’impose comme le n°1 de sa catégorie de par sa régularité. De plus, comme pour Luka, Daikii a une vraie propension à mettre des ippons, à avoir un panel technique large et à gagner avec panache. On sent que les meilleurs de la catégorie commencent à sérieusement se méfier de lui.
Quid de Walide Khyar ?
Walide ne passe pas si loin à Paris, mais perd une occasion avec cette demi-finale perdue samedi contre le Mongol. Un peu comme pour Cédric Revol, il y a du progrès, c’est indiscutable ! Mais nous pensons qu’il peut encore étoffer son judo, l’assurer, pour aller chercher encore mieux. Reste que lui aussi est bien sûr dans la short-list pour faire partie des quatre derniers sélectionnés. Je voudrais citer Maxime Gobert. Ce dernier est médaillé au Grand Chelem de Tokyo, ce qui est une vraie performance, mais il ne confirme pas au Masters et à Paris. D’un point de vue judo, il y a une différence entre ce qu’il produit à l’entraînement et en compétition. Il faut que cet écart disparaisse. Car Maxime, à l’entraînement, démontre un panel technique plus étoffé et a encore bien sûr un coup à jouer.
En -81kg, le nom d’Alpha Djalo semblait évident…
Tout comme Cédric, Walide et Alexis (Mathieu, NDLR), Alpha a participé aux championnats du monde 2022. Il perd au deuxième tour, mais contre le Géorgien Grigalashvili, qu’il avait battu au Grand Prix de Zagreb l’été dernier. Alpha incarne ce que l’on demande aux autres ! Après ces championnats du monde, c’est lui qui a su le mieux rebondir, gagnant à la fois en régularité (trois médailles au Grand Chelem de Tokyo, au Masters et au Grand Chelem de Paris) mais aussi en étant peu dans le calcul (même s’il l’a peut-être un peu trop été contre l’Allemand Cavelius en demi-finale le week-end dernier) et très souvent à la recherche du ippon, avec un bagage technique de plus en plus solide. Trois médailles d’affilée pour Alpha, c’est une régularité qu’il n’avait jamais atteint à ce niveau jusque-là. Cela prouve qu’il a passé un cap.
En -90kg, le nom Maxime N’Gayap en a, en revanche, surpris plus d’un…
La configuration pour Maxime est un peu différente. Ce dernier n’a pas fait de médaille ces derniers temps. C’est une statistique incontestable. Reste que, pour nous, plusieurs critères ont pris le pas sur ce dernier : d’abord, il fait tout de même une médaille au Grand Chelem de Tbilissi en juin dernier, en battant trois Géorgiens dans la journée. Ensuite, si on regarde très précisément contre qui Maxime perd en tournoi, on se rend compte qu’il s’est incliné deux fois contre le Japonais Sanshiro Murao : au Grand Chelem de Budapest, un combat qu’il perd d’ailleurs de manière discutable au niveau de l’arbitrage et au Masters (que Murao gagnera). À Tokyo, il perd contre Mashu Baker (qui finira cinquième, en perdant contre Lasha Bekauri pour le bronze). Ce week-end, il perd contre le Néerlandais Van T End, en or à la fin de la journée. En clair, Maxime ne perd uniquement que contre des judokas pour l’instant plus forts et mieux classés que lui. De plus, il réalise dimanche un combat référence en sortant Lasha Bekauri, champion olympique en titre, alors qu’il est mené deux shidos à rien. Ce qui dénote une vraie intelligence de combat.
Juste après cela, il bat le Brésilien Marcelo Gomes, contre qui Alexis Mathieu s’était incliné aux championnats du monde. Contre le Tchèque David Klammert en repêchages, il ne peut défendre ses chances car blessé aux cotes.
Enfin, dernier argument, il devait être titulaire aux championnats du monde 2022, mais a dû déclarer forfait à cause d’une blessure à la cheville. Nous avons besoin de le voir dans une configuration championnats du monde.
Axel Clerget, dans la même catégorie, est très bien revenu au Portugal avec une médaille de bronze. Nous connaissons sa valeur, il est motivé et il va avoir l’occasion de ressortir à Tel Aviv. Lui aussi est dans la short-list.
Pour Alexis Mathieu, ce dernier fait une très belle médaille au Masters, mais est un peu retombé dans ses travers de 2022 à Paris, le week-end dernier. Lui aussi doit gagner en régularité dans la performance, alors qu’il a déjà l’expérience d’un championnat du monde.
Et pour Teddy Riner ?
Il n’y a honnêtement pas besoin de développer tant la sélection allait de soi.
Et pour les -73kg et -100kg ?
En -73kg, on se cherche, très clairement. En -100kg, Aurélien Diesse monte en puissance avec une cinquième place à Tokyo, en battant notamment le vice champion du monde canadien. Mais il se blesse à l’épaule dimanche et sera absent trois à quatre mois. Kenny Liveze, quant à lui, va reprendre tranquillement. Nous ne voulons pas le « griller » et faire peut-être la même erreur qui avait consisté à l’envoyer aux championnats du monde seniors 2022 alors qu’il n’avait jamais participé à un tournoi du circuit dans cette catégorie d’âge.
Pour Alexandre Iddir, ce dernier n’a pas participé aux championnats de France, a refusé de participer à la poule de sélection pour le Grand Chelem de Paris et a perdu au premier tour au Portugal. Lui aussi va avoir la possibilité de sortir avec son club, notamment sur des Grands Chelems qui leur seront ouverts.
La sélection olympique débutera-t-elle avec ces championnats du monde ?
Nous tiendrons évidemment compte de cet événement. Reste que notre volonté est de continuer le brassage, afin de qualifier un maximum de combattants pour le Masters, début août. La question fondamentale que l’on doit se poser n’est pas la sélection olympique, mais la meilleure sélection olympique possible avec les meilleures performances aux JO 2024.