Crédit photo : Tamara Kulumbegashvili/IJF
Elle fait partie des invariants de ces championnats du monde juniors. Sortant peu sur le circuit international, notamment pour des raisons financières, l’équipe japonaise classe peu de ses titulaires dans les huit premiers de la ranking-list mondiale. Résultat ? Des combattants nippons qui font turbuler le système, à se retrouver à affronter des têtes de série, très souvent européennes, dès les premiers tours. Un cadeau empoisonné au tirage que certains Français ont subi concrètement hier.
Ce fut le cas, d’abord, d’Emma Melis (Montpellier Judo Olympic). Vice-championne d’Europe il y a un mois à Bratislava en -57kg, la Montpelliéraine rencontrait d’entrée la Nipponne Asuka Ueno, de l’université de Tokai, qui l’immobilisait sur kuzure shiho gatame à mi-combat.
Ce fut le cas, ensuite, de Kelvin Ray (PSG Judo), médaillé de bronze en -60kg en Slovaquie. Après une victoire contre un combattant chilien, le Parisien retrouvait Yusei Adachi, de l’université de Tenri. Un combat engagé, mais que le Bleuet perdait là encore au sol après un travail en bras/tête du combattant japonais, finaliste du Grand Prix d’Autriche en mars.
Même configuration, mais autre nationalité dans le cas de Kylian Noël (Stade Bordelais Judo) en -66kg. Le Bordelais dominait un judoka canadien avant d’affronter un judoka russe. Une pépite, il faut le dire, Abdullakh Parchiev. Médaillé européen et mondial cadets en 2024, ce dernier ne sera sorti que deux fois cette saison avec le groupe russe junior. Pas tête de série, ce judoka au ko-uchi-gari merveilleux allait passer tout son quart de tableau en revue, dont le Tricolore sur un yuko minimaliste pour un contre en poussée.
Un dimanche où deux autres féminines perdent lors des éliminatoires : Sarah Bothy (JC Chilly-Mazarin Morangis) en — 52kg était dominée d’entrée par la Hongroise Reka Szabo deux yuko à un avec deux seoi-nage subis, le premier à droite, le second à gauche ; en -57kg, Clarisse Carillon (Sainte-Geneviève Sports Judo), se montrait impuissante face à la Brésilienne Bianca Reis, tête de série n° 2, médaillée de bronze sur les Mondes juniors et cinquième au Grand Chelem de Tokyo en 2024. Trois shidos subis en cinq minutes et vingt secondes de combat.
Chez les masculins, déception pour Alexis Renard (PSG Judo), vice-champion d’Europe à Bratislava, qui termine à la septième place en -66kg.
Excellent technicien, Renard s’incline contre le Japonais Shuntaro Fukuchi de l’université de Tsukuba après trois minutes de golden score sur un morote-seoi-nage. En repêchages, il retrouvait l’Azerbaidjanais Muhammad Musayev, son bourreau de la finale des championnats d’Europe. Une rencontre en forme de revanche qui allait tourner très court, puisque, sur la première séquence, Musayev lançait un sode-tsuri-komi-goshi debout qui envoyait le Français sur le dos. Cruel.
Restait donc Zacharie Dijol (Sucy Judo) en -60kg et Morgane Annis (Arts martiaux Asnières) en -48kg.
Le premier réalisait un parcours parfait jusqu’en demi-finale, battant l’Azerbaidjanais Farid Garayev sur un sode-tsuri-komi-goshi en trente secondes, le Tadjik Ikrom Shamsov sur un juji-gatame (la spécialité en ne-waza de ce judoka formé au Judo Atlantic Club). En quart de finale, Dijol infligeait la même punition à un invité surprise, le Dominicain Diego Garcia Ramirez.
Dans le dernier carré, le Sucycien était toutefois dominé par le Japonais Yusei Adachi, sur un ko-uchi-gari à gauche, puis sur un sode-tsuri-komi-goshi — deux yuko —, sans qu’il n’y ait grand chose à redire. Direction donc le combat pour le bronze face au jeune américain Jonathan Yang, le nouveau diamant venu des États-Unis. Champion du monde cadets 2024, cinquième l’année dernière lors des championnats du monde juniors de Douchanbé, ce spécialiste des mouvements d’épaule fait partie de cette nouvelle génération qui monte très vite très fort. Yang qui fait déjà figure de favori pour représenter dans cette catégorie les USA à Los Angeles dans trois ans.
Il y avait une médaille mondiale à aller chercher pour le double médaillé de bronze européen français (2024 et 2025). Une médaille qui compte dans un parcours à haut niveau. Un affrontement qui s’avérait plutôt cadenassé, même si le Français était celui qui alternait le plus, entre kumikata aux manches puis garde haute. Tout se jouait finalement au bout du temps réglementaire.
Sur une tentative de kata-guruma lointaine de l’Américain, le Français cherchait le contre tout en suivant au sol en sankaku-jime. Le triangle était mis en place, l’immobilisation au bout du chemin. L’arbitre dominicain donnait waza-ari, puis osae-komi à Dijol ! Sauf que les superviseurs, dirigés par Tina Trstenjak, voulaient revoir l’action… matte.
Finalement, le waza-ari était annulé. On venait donc de voler un osae-komi à Dijol et une possible médaille mondiale.
En effet, cinq minutes plus tard, Yang lançait un tai-otoshi à gauche qui déroulait le Bleuet. Énorme frustration après une journée très convaincante.
La seconde, elle, finit avec le sourire, une médaille de bronze autour du cou. Une journée en forme de revanche puisqu’Annis avait été battue sèchement, dès le premier tour, aux championnats d’Europe. Signe du destin, la tête de série n° 2 tricolore retrouvait d’entrée la Russe Anastasiia Barabash, celle-là même qu’il l’avait sortie à Bratislava ! Cette fois-ci, pas de mauvaise surprise sur le kata-guruma de la Russe, avec un yuko marqué au golden score sur sankaku-jime.
Suivait ensuite un yuko marqué à l’Espagnole Claudia Pla Monte sur sasae-tsuri-komi-ashi. Un yuko aberrant, mais conforme à la nouvelle règlementation : aucun impact du haut d’un corps clairement tourné vers le sol. Mais l’arbitre italienne donnait la valeur et se voyait confirmer par les superviseurs.
Direction donc les quarts de finale et un duel contre la Japonaise Sachiyo Yoshino de l’université de Teikyo. Une Japonaise avec un très fort morote-seoi-nage à droite qu’elle plaçait deux fois pour s’imposer. En repêchages, Annis battait la Turque Zilam Ertem aux pénalités. Pour le bronze, la Française se voyait d’abord menée par la Néerlandaise Vera Wandel, championne du monde cadette 2022 et septième aux Europes début septembre. Mais sur une belle inspiration, Annis lançait un o-soto-gari à une minute de la fin pour un waza-ari décisif.
Médaillée européenne cadette et junior, voilà la gauchère formée à l’Alliance Grésivaudan Judo désormais médaillée mondiale juniors.
Première médaille française ici à Lima.
Un dimanche que le Japon aura écrasé avec trois titres sur cinq, une finale 100 % nipponne en -60kg et déjà sept médailles ! Trois titres qui vont à Sachiyo Yoshino en -48kg, à Mio Shirakane en -57kg et à Retsu Matsunaga (université de Kokushikan) en -60kg. Yusei Adachi est en argent en -60kg après une finale décidée aux pénalités. En bronze, Hako Fukuynaga (université de Tsukuba) en -52kg, Asuka Ueno en -57kg et Shuntaro Fukushi en -66kg.
Les deux autres titres du jour vont à la Brésilienne Nicole Marques en -52kg, troisième des championnats du monde cadets à Sofia fin août ! Une cadette en or chez les juniors et qui n’est pas japonaise, voilà une statistique rare. En -66kg, le Géorgien Tornike Gigauri, cinquième des Europes en septembre, bat le jeune Russe Parchiev pour offrir le premier titre à l’équipe d’Irakli Tsikeridze.
Un dernier mot pour évoquer l’arbitrage. Si une discussion autour d’un réajustement des critères quant aux sorties de tapis et aux yuko semblent particulièrement nécessaires, la question même de la réalité d’une projection semble devoir être remise sur la table. Un questionnement qui paraît étonnant, voire décalé. Pourtant, après le ippon sans les mains, sans action et sans contrôle du Mongol Yondonperenlei contre le Japonais Tanaka en demi-finale du Grand Prix de Chine, la demi-finale entre le lutin malin azerbaidjanais Nizami Imranov des -66kg et le Géorgien Tornike Gigauri donne du grain à moudre à cette réflexion. En effet, ippon est donné au Géorgien sur une très légère poussée au sol Quelle est la technique de judo appliquée dans ce cas ?
Le judo aurait-il perdu ses repères à ce point pour qualifier cette action du nom de ippon ?