Un dénouement qu’on hésite à qualifier : décevant ? Désolant ? Difficile de choisir le qualificatif le plus approprié suite à la finale des -73kg et à un arbitrage, il faut le dire, toujours plus flottant. Un combat pour un titre mondial entre Tommy Macias (Suède) et Lasha Shavdatuashvili (Géorgie) en -73kg qui se joue aux pénalités, achevant et symbolisant ainsi une journée bien morose sur le plan du judo. Un peu à l’image d’ailleurs de l’ambiance régnant au sein de la Laszlo Papp Sports Arena. Un mardi où Jessica Klimkait fait coup double : qualification olympique et titre mondial ; où le Japon est une nouvelle fois présent mais pas tout à fait à la hauteur des attentes. Et lors de laquelle l’absence de la France, pays majeur de la discipline, n’est pas la moindre des choses à noter.
La règle avait été officialisée par le staff canadien il y a quelques semaines. La meilleure performance lors de ces championnats du monde envoyait celle qui la réalisait au Budokan dans un mois. Et voilà donc Jessica Klimkait (n°2 mondiale) et Christa Deguchi (n°1 mondiale) jouer un ticket olympique ce mardi. Une transparence que l’équipe de Nicolas Gill a fait sienne depuis le début de l’olympiade quant aux conditions de sélection des athlètes pour Tokyo. Les deux athlètes savaient connaissaient donc parfaitement les règles du jeu.
Le sort bascule en demi-finale avec d’un côté la victoire de Klimkait contre la Kosovare Nora Gjakova. Au même moment, Deguchi subit les assauts de Momo Tamaoki, agressive, ultra motivée, qui finit par lui marquer un waza-ari quasiment à plat ventre. Alea Jacta Est ! Derrière, Jessica Klimkait devient championne du monde, succédant à Christa Deguchi, battant une Tamaoki bien moins incisive que contre sa concurrente en juniors (Tamaoki est championne du monde en 2014 devant… Deguchi). Deguchi, elle, n’y est plus du tout. Elle est battue par l’Allemande Theresa Stoll lors d’un combat que la Nippo-Canadienne aura laissé filer. Un dénouement qui laisse tout de même un peu dubitatif : la fédération canadienne aurait voulu absolument Jessica Klimkait aux JO qu’elle n’aurait, sans doute, pas fait autrement. En effet, sur l’olympiade, tout prédisposait Deguchi à être la titulaire (et quelle titulaire !) pour Tokyo : double médaillée mondiale (bronze en 2018, or en 2019), cinq victoires en Grand Chelem, une écrasante supériorité dans les confrontations directes avec Klimkait (l’ancienne étudiante de l’université japonaise de Yamanishi Gakuin mène six à zéro). Sur les onze ocmpétitions auxquelles ont participé les deux jeunes femmes depuis 2018, Deguchi a fini neuf fois mieux classé que Klimkait. Avant aujourd’hui, celle-ci n’était jamais monté sur un podium mondial et ne comptait « que » trois victoires en Grand Chelem. Ces championnats donnèrent donc l’impression d’être l’ultime chance laisser à celle-ci de faire, pour la première fois, une meilleure performance que sa rivale et ainsi justifier sa sélection. Pari réussi. Reste que la nouvelle championne sera l’une des favorites au titre olympique, réalisant une saison post-Covid impressionnante (vainqueur du Grand Chelem de Budapest, troisième au Masters, deuxième à Antalya – battue par Deguchi -). Elle sera la tête de série n°1 dans un mois à Tokyo. Tsukasa Yoshida (et Sarah-Léonie Cysique) sont plus que jamais prévenues.
Shavdatuashvili, l’homme des années olympiques
Premier titre mondial, également, pour le Géorgien Lasha Shavdatuashvili. Habitué du circuit depuis maintenant neuf ans, le n°12 mondial, 29 ans étoffe son palmarès déjà magnifique (un titre olympique en 2012 en -66kg, une médaille de bronze en 2016 en -73kg, champion d’Europe en 2013) par cette couronne planétaire, lui qui n’avait jamais fait mieux que cinquième (2017). Profitant pleinement de l’absence des « monstres» de la catégorie (Shohei Ono, Rustam Orujov, An Changrim), le Géorgien a désormais glané toutes les médailles d’or possible au niveau international, devenant le premier Géorgien de l’Histoire à être champion olympique, mondial et continental. Chapeau bas ! Un garçon qui a la remarquable faculté à monter en puissance les années olympiques (en 2016, il est vice champion d’Europe et se classe sur deux Grands Chelems). Attention à lui fin juillet. L’homme n’est jamais aussi fort que lors des JO !
Une triste journée de judo
Deux titres pour une journée bien fade et triste avec l’impression, assez désagréable, que le « mauvais » judo est en train de prendre le pouvoir, guidé en partie en cela par un arbitrage indécis, confondant fausse attaque et attaque raté (le premier shido de Tommy Macias en finale), sanctionnant pour des saisies illicites sans vraie cohérence (deuxième shido de Tommy Macias, alors que Lasha Shavdatuashvili aurait tenu la manche suédoise de manière identique au moins six fois dans le combat), des judokas revendiquant de plus en plus explicitement l’activité (pour faire tomber les pénalités) au détriment de la recherche du mouvement fort.
Une stratégie adoptée depuis un certain temps par Soichi Hashimoto (les plus férus se souviendront de son combat aux championnats du Japon 2019 contre Shohei Ono) et qui l’aura – finalement – perdue en demi-finale ce mardi contre Tommy Macias. Loin, très loin du judoka aux sode-tsuri-komi-goshi aériens et aux tai o-toshi dévastateurs du début d’olympiade, le Japonais, finalement en bronze, n’aura presque rien montrer (hormis un tai-otoshi placé à l’excellent Suisse Nils Stump), cherchant à montrer sa supériorité au kumikata, bloquant dans les bordures et jouant sur sa posture très droite. De même, Momo Tamaoki aura, elle aussi, joué cette carte en demi-finale, face à Christa Deguchi. Voir certains Japonais aller dans cette direction, voilà qui devrait interpeller.
Une journée sans Français
Reste, enfin, le fait que le France ne présentait aucun judoka. Une première dont il ne faut pas minimiser la portée. Grand pays de judo, la France a, c’est vrai, dû faire face aux forfaits conjugués de Hélène Receveaux et Guillaume Chaine. Nonobstant le cas Fanny-Estelle Posvite, l’absence de judokate dans cette catégorie des -57kg, au sein sans doute de l’équipe de France féminine la plus dense de l’histoire, interroge tout de même. Il y a en effet un côté paradoxal à ne vouloir remplir tous les quotas possibles, sur l’une des plus grandes et prestigieuses compétitions de la discipline (une marque des grands nations et marqueur de l’influence d’un pays au sein du judo mondial) et évoquer d’un autre côté les « problèmes de riche » (bien réels) que rencontre l’équipe féminine. Une absence qui rend moins claire la stratégie du staff, puisque finalement préjudiciable au prestige de l’équipe de France. Les options sont, elles, bien moindres chez les garçons.
Statu quo ce soir au classement des médailles. Le Japon garde la tête, ajoutant à sa besace une médaille d’argent et de bronze. Le Canada, avec son titre prend la troisième place. La France est actuellement dix-septième. Mais demain, entrera en lice la Reine Clarisse, venue chercher un cinquième titre mondial. Chez les garçons, Alpha Djalo devra impérativement réaliser une grande performance si il veut avoir le privilège de fouler le tatami du Budokan dans un peu plus d’un mois.