À quelques jours du vote des deux-cent-cinquante-quatre délégués pour le futur président de la FFJDA et son équipe, dimanche 22 novembre (dénouement connu vers 16 heures), L’Esprit du Judo a interrogé les deux candidats pour une dernière prise de parole.

À quelques heures de la fin de la campagne et de l’élection, quel est votre état d’esprit ?
Excité ! Je retrouve un peu l’état d’esprit des compétitions. Je le vis un peu comme ça. Nous avons fait ensemble le meilleur entraînement possible, j’ai la satisfaction d’avoir vraiment fait tout ce que je pouvais pour être à la hauteur de l’enjeu. Désormais, gagner ou perdre, cela ne m’appartient plus. Je me sens aussi porté par les émotions de cette campagne. Même si le dernier mois a été plus dur à supporter, de notre côté, cela a vraiment été un voyage heureux. On a rencontré tout le monde, on a beaucoup travaillé, mais aussi bien rigolé ensemble. Cette campagne de terrain que je voulais faire a vraiment été magique et, je dois le dire, m’a beaucoup appris.

Quelle a été votre motivation pour vous présenter ?
Je l’ai dit, j’ai senti que je ne pouvais plus faire partie des mécontents sans prendre mes responsabilités. J’ai l’habitude de faire face à des challenges ambitieux, mais celui-là est celui d’une vie. Et je suis heureux de voir à quel point je ne me trompais pas. Nous suscitons l’espoir, j’ai vu beaucoup de joie dans les yeux des gens, et c’est galvanisant. La fédération est bloquée depuis trop longtemps, nous allons devoir tout faire pour la modifier, pour l’amener aux normes. Nous le ferons dans la bienveillance, le respect de tous les acteurs et de nos fondamentaux. Nous le ferons aussi vite et aussi bien que possible. L’idée n’est pas de repartir pour un long bail, mais de donner le maximum sur quatre ou huit ans.

La situation actuelle est inquiétante pour les clubs. Que leur dites-vous ?
Nous sommes à l’écoute, attentifs aux enjeux actuels. Il est très important que la pratique puisse reprendre le plus rapidement possible. Si nous remportons cette élection, dès lundi, nous nous adresserons à tout le monde, nous répondrons aux attentes en donnant le plus de gages pour récréer de l’optimisme et de la confiance, ce que nous devons incarner nous-mêmes dans nos fonctions. À moyen terme, tant que nous sommes dans la crise, nous nous efforcerons de donner le maximum de moyens, de formations pour, par exemple, utiliser les outils modernes de la vidéo, suggérer des stratégies de communication autour du chanbara par exemple, ou du jujutsu, proposer des modalités d’entraînement pour convaincre le public, les municipalités… Ce sera notre devoir d’aider à passer le cap et rendre le club le plus efficace possible dans son lien à ses adhérents. Il faudra surtout que nous parlions plus de ce que représente le judo, un moyen d’expression, de formation physique, de construction psychique. Les enfants vont à l’école parce que c’est essentiel, c’est aussi le cas de ce que nous leur apportons, à eux comme aux adultes d’ailleurs. Il ne faudra pas le dire seulement dans L’Équipe, ni au ministre qui est au courant, mais à toute la société, à travers une campagne peut-être, et sans doute en s’unissant à d’autres fédérations. Il n’y a pas de rivalité à avoir quand le sport se meurt.

Les médias ont révélé ces dernières semaines de nombreux cas de violence et d’abus sexuels dans le judo. Comment réagissez-vous ?
Si je suis élu dimanche, ce sera une urgence éthique, le plan d’action n°1. Il faudra être à la fois sur l’identification, l’information, la prévention. Proposer, par exemple, des interventions en e-learning d’une heure qui fassent réfléchir, instituer des QCM pour les responsables de club et les enseignants avec réponse obligatoire pour créer une prise de conscience collective. Bien sûr, il faudra beaucoup travailler dans le secteur de la formation, en élaborant des contenus forts dans le domaine de la psychologie avec ceux qui connaissent le sujet. Il faudra mettre la fédération au diapason pour que nos fichiers soient recoupés avec le fichier FIJAIS (fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, NDLR). Il faudra agir pour le recueil et la gestion des signalements, la création d’une commission de discipline indépendante, d’une plateforme des bonnes pratiques. Aller vite et bien. Tout ceci est intolérable. Nous parlons de jeunesse massacrée, de vies ruinées, car il est bien difficile de se remettre de tout ça. Je pense beaucoup aux victimes en ce moment. L’atmosphère actuelle doit faire remonter tous ces terribles souvenirs à la surface.

Qu’aimeriez-vous ajouter ?
Il y a beaucoup d’urgences. Gouvernance, économie, les aides possibles à mettre en place… Je suis heureusement entouré d’une équipe incroyable, des gens compétents, bienveillants, qui ont réussi leur vie professionnelle, avec une fibre sociale, le sens du collectif. Nous allons changer les schémas pour que cette discipline retrouve toute sa dignité, se hisse à la hauteur de ce qu’elle mérite d’être. Et ce changement ne doit inquiéter personne, car il se fera avec les acteurs, dans la douceur, dans le respect de ce que nous sommes.