Veni, vidi, vici. Elles sont venues, elles ont vu, elles ont vaincu. Clarisse Agbegnenou d’un côté, Margaux Pinot de l’autre ont donc conservé leur couronne continentale, fidèles à leur style. Marie-Eve Gahié repart, elle, avec le bronze autour du cou. Les garçons, eux, passent à côté, au contraire des Géorgiens qui ont montré les muscles et du judo aujourd’hui. Mention spéciale à Tato Grigalashvili.

Agbegnenou, puissance cinq

Clarisse Agbegnenou, tout en sérénité ce vendredi.
Crédit photo : Gabi Juan (UEJ)

C’était sa première compétition depuis Paris, en février. Ayant eu à digérer le report des Jeux olympiques et un sacre pour laquelle elle travaille – d’ailleurs magnifiquement – depuis Rio, Clarisse Agbegnenou repartira de la capitale tchèque auréolée d’un cinquième titre européen après 2013, 2014, 2018 et 2019. Une compétition que l’immense championne des -63kg aura traversé avec son sérieux et son impact habituels. Patiente, sans fioriture, la judokate du RSC Champigny n’aura pas eu à se mettre dans le rouge pour glâner une nouvelle couronne : il ne lui faut que vingt-trois petites secondes pour lancer un ura-nage, magnifique illustration d’une attaque en « sen no sen », pour plaquer l’Autrichienne Krssakova lors de la finale la plus courte depuis hier. Petite sourire, les cinq doigts tendus vers les photographes et un check avec son entraîneur Larbi Benboudaoud en sortie du tapis. C’est une Reine Clarisse cool, sereine, sans aucun doute en manque de repères mais avec une marge toujours aussi explicite avec ses adversaires européennes qu’il nous a été donné de voir ce jeudi. D’autant que sa grande rivale, la Slovène Tina Trstenjak, championne olympique à Rio, a connu un jour sans puisque battues sèchement par deux fois.

Pinot, une mécanique parfaitement huilée

Margaux Pinot est désormais double championne d’Europe.
Crédit photo : Gabi Juan (UEJ)

Configuration différente pour Margaux Pinot. Numéro deux de la catégorie au début de l’année, suite au titre mondial de Marie-Eve Gahié, le report des JO a relancé la concurrence dans cette catégorie entre ces deux très fortes combattantes. En argent à Budapest (Gahié y avait fini cinquième), la Bisontine se montre à nouveau la meilleure, remontant à nouveau sur la plus haute marche du podium. Pourtant, la médaillée mondiale 2019 avait été tout de suite dans le dur avec la Grecque Elisavet Teltsidou (20e mondiale, 7e à Paris), un profil de « bastonneuse » qui ne lui sied guère. Une judokate hellène qui l’avait d’ailleurs battu au premier tour à l’AccorHôtels Arena en février mais aussi au Grand Chelem d’Abou Dhabi fin 2019. Soit les deux dernières fois où la Française n’avait pas été classée (sur ses neuf dernières sorties mondiales). Une victoire aux forceps pour ensuite battre respectivement l’Allemande Butkereit et l’Italienne Bellandi et retrouver la Néerlandaise Van Dijke en finale, pour la revanche de Minsk. De revanche, il n’a pas eu puisqu’après une minute, Pinot lançait un morote-seoi-nage supersonique : timing parfait et gros impact pour l’un des ippons du jour ! Vainqueur des championnats de France par équipes où elle se sera montrée très forte, en argent en Hongrie et désormais double reine d’Europe. Pinot peut être satisfaite en terminant cette année 2020 de la meilleure des manières.

Second titre consécutif pour la -70kg qui relance pour l’instant et plus que jamais la concurrence avec Marie-Eve Gahié. Beaucoup plus en jambes qu’à Budapest, la championne du monde, si elle perd contre Van Dijke en demi-finale sur un sode-tsuri-komi-goshi où elle fait sans doute l’erreur de rester à cheval, rentrera de Prague avec la satisfaction d’avoir sans doute trouvé la solution tactique face à sa bête noire, la Croate Barbara Matic. Pour le bronze, la pauvre Allemande Miriam Butkereit ne pourra rien face à la puissance du o-soto-gari de la Française.

Pinot, Gahié ? Gahié, Pinot ? Il reste encore plusieurs mois et plusieurs compétitions majeures pour départager les deux -70kg tricolores. Une course au ticket olympique qu’il ne faudra sans doute pas étirer trop dans le temps afin de ne pas les épuiser. Mais quel privilège tout de même d’avoir à choisir entre deux championnes de cette trempe.

Terne journée pour Chaine et Chilard

Après le bronze du travail et de la volonté de Kilian Le Blouch hier, on espérait un nouveau podium masculin ce vendredi. Il n’en fut malheureusement rien avec les éliminations précoces de Guillaume Chaine et Nicolas Chilard. Le premier, solide vainqueur de son premier combat contre un combattant roumain, ne trouvera jamais la solution face au Suisse Nils Stump, un jeune (23 ans, 21e mondial) qui se montre de plus en plus. En argent à Budapest, l’Helvète bat le Français à trois secondes de la fin. Une issue assez logique, tant les alertes avaient été multiples côté français. Nicolas Chilard, lui, n’aura pas réussi à confirmer sa belle prestation hongroise. Retrouvant le Bulgare Ivaylo Ivanov (qu’il avait battu à Budapest), le judoka breton solide et finalement peu en danger sur ce premier tour, n’a pas su retrouver l’enthousiasme et l’envie de faire tomber qui l’avait caractérisé il y a quelques semaines. Focalisé sur le kumikata, le Tricolore en aura presque oublié d’attaquer, se faisant pénaliser par trois fois. Une non-confirmation en forme de déception, sans doute atténuée – mais c’est bien maigre – par le fait de voir la formidable journée du Bulgare, qui finira finalement vice champion d’Europe.

Les Géorgiens reviennent dans le jeu

Tato Grigalashvili, le -81kg géorgien clôt une année 2020 exceptionnelle.
Crédit photo : Gabi Juan (UEJ)

Si la journée fut française chez les féminines, elle fut géorgienne chez les masculins. Il y a bien sûr le sacre de Tato Grigalshvili en -81kg. Passé par la France (et le JC Grand-Quevilly) en cadets, ce jeune combattant de 21 ans, continue donc à faire descendre sa côte sur ses chances d’aller à Tokyo l’été prochain. En concurrence directe avec Luka Maisuradze (22 ans), troisième des derniers championnats du monde, «Tato » clôt une année 2020 époustouflante : vainqueur à Düsseldorf (où il bat le Japonais Nagase au premier tour) en février, cet exubérant gaucher s’offre les titres de champion d’Europe -23 ans et seniors à une semaine d’intervalle ! Dans la dernière finale du jour, il écoeure Ivanov, d’abord sur un okuri-ashi-barai en sortie de morote-seoi-nage avant de placer un ko-uchi-gari d’école. Un judoka, surfant toujours plus intelligemment sur la vague de ses années juniors (champion d’Europe et 3e aux championnats du monde 2019). Un résultat qui sans doute le fait passer dans la hiérarchie devant Maisuradze, 3e cet après-midi, seulement battu par… Grigalashvili en 1/4 de finale. Ce dernier, tellement heureux, ira d’ailleurs serrer la main de son adversaire bulgare contrairement aux injonctions de l’arbitre.
Un règlement à la fois flou et totalement absurde. Flou car selon les journées et les tapis (on l’a vu sur Budapest et à Porec), les serrages de main sont autorisés. Absurde car la contradiction est évidente entre le fait de voir deux adversaires s’empoigner pendant quatre minutes au minimum mais n’ayant pas le droit, pour des raisons sanitaires, de se serrer la main.
Une journée qui aura pu être presque parfaite si Lasha Shavdatuashvili n’avait fait l’erreur d’aller chercher en finale le corps-à-corps avec le grizzly moldave, Victor Sterpu. Le champion olympique de Londres en -66kg qui avait jusque-là réalisé un sans faute, battant tour à tour Rustam Orujov et Fabio Basile. Quoi qu’il en soit la Géorgie retrouve des couleurs et fait voir qu’elle est bien là, en attendant demain et l’entrée en lice de son capitaine Varlam Liparteliani et de son champion du monde 2018, Guram Tushishvili.
Sterpu, lui, s’offre tout comme Grigalashvili, le doublé -23 ans/seniors. Moldave comme le classieux Denis Vieru, Sterpu fait lui plus -voir uniquement – dans l’arraché. Une force brute qui pour l’instant n’a toujours pas remporté de médaille sur un Grand Chelem mais qui s’affirme de plus en plus comme un challenger dangereux pour les cadors de la catégorie.

Ce soir la France prend donc la tête du classement avec déjà trois titres – féminins – pour six médailles. La Géorgie revient dans le jeu, étant à égalité avec une Russie qui n’avait aucun engagé masculin ce vendredi, gardant ses meilleures cartouches pour demain avec les cinq médaillés (dont trois vainqueurs) du Grand Chelem de Budapest. Un samedi qui promet beaucoup !

Retrouvez les résultats complets des deux premières journées ci-dessous :
https://lespritdujudo.com/championnats-europe-seniors-2020-resultats-tableaux-complets/