Du 17 au 19 octobre prochains, les représentants de chaque club affilié à France Judo vont être appelés à voter, par voie électronique, pour le nouveau conseil d’administration fédéral lors de l’assemblée générale élective. Deux listes sont candidates : le Collectif « Pour le Judo » mené par l’actuel président Stéphane Nomis, qui brigue un second mandat, et « Unis pour le Judo » à la tête de laquelle figure Frank Opitz, à qui nous donnons la parole dans cette interview pour vous permettre de mieux connaître les motivations et les ambitions de son équipe. Sur le même modèle, une interview de Stéphane Nomis sera publiée sur notre site le jeudi 10 octobre.
Pouvez-vous nous rappeler, dans un premier temps, le parcours qui vous amène à vous porter candidat à la présidence de la fédération ?
J’ai commencé le judo assez jeune à Châteauroux, dans ce qui est aujourd’hui la région Centre-Val de Loire, en accompagnant mes deux grands frères aux cours de Daniel Beaufrère, président du comité départemental de l’Indre jusqu’en fin de saison dernière. Pour des raisons de mutation professionnelle de mes parents, j’ai atterri sur Toulouse, et notamment dans le club de Colomiers où je suis toujours licencié. J’ai fait de la compétition, atteint la première division, passé mon BE1, mon BE2 et atteint mon sixième dan, pour devenir tour à tour enseignant, directeur du club, puis président du club. En 2008, je me suis engagé comme dirigeant au sein de la ligue Midi-Pyrénées, pour deux mandats dont le second comme vice président en charge du sportif, avant de devenir président de la ligue Occitanie à partir de 2016. À ce titre, j’ai été membre du conseil d’administration fédéral durant ces huit dernières années. Sur le plan personnel, j’ai monté un cabinet de médiation et de formation en 2011, pour lequel je travaille encore au quotidien aujourd’hui.
Quelle est votre vision du judo ?
À mes yeux, ce qui compte véritablement est ce que peuvent apporter nos disciplines, de manière générale, pour l’épanouissement individuel. Nous sommes sur une méthode éducative et il me semble important que l’on garde cette démarche de transmission et que l’on s’appuie sur les valeurs qui sont universelles. Chacun doit être capable de trouver dans le dojo de quoi s’épanouir individuellement, que l’on soit branché « compétition » ou « loisir ». On doit permettre à nos clubs d’offrir cette possibilité-là, et tout ce qui peut contribuer à aider l’individu. Le projet de Jigoro Kano en somme : éduquer l’individu pour qu’il puisse servir la société.
Sur le fond comme sur la forme, comment avez-vous construit votre projet ? Qu’y a-t-il de significatif dedans, et qu’est-ce que nos lecteurs doivent lire d’important ?
Notre méthode a été de se rapprocher de ceux qui font le judo, à savoir les acteurs de terrain dans les clubs, par la mise en place de visios thématiques sur la formation, la culture, la gouvernance des territoires. Nous nous sommes ensuite réunis en faisant appel à des personnes possédant de l’expertise dans des domaines variés comme les grades, pour mener un travail de recueil. Enfin, nous avons mis en place des groupes de travail et de réflexion, en brassant tous les éléments que nous avions à notre disposition. Je suis très fier de l’équipe que nous avons pu constituer depuis un an : ce sont des gens qui ne se sont pas découvert une âme de dirigeant un mois avant l’élection, mais qui sont investis et engagés dans les clubs, dans les comités, dans les ligues, ou qui ont une expérience fédérale. Toutes les strates de la fédération y sont représentées. Donc ça veut dire que le 20 octobre, et même le 19 au soir, nous serons prêts à démarrer, parce que nous connaissons le système avec ses qualités et les points à améliorer. Ce programme résulte donc d’une construction collective, avec comme axe de base d’être au service des clubs. Que peut-on mettre en place pour que les structures fédérales soient au service de ce qui est la base et l’essence même de notre fédération ? Évidemment, il y a toujours une part d’engagement pour le haut niveau, puisqu’il s’agit d’une délégation ministérielle là-dessus et que c’est important, mais n’oublions pas que chaque athlète de haut niveau a démarré dans un club, quelquefois un tout petit club. Notre projet, pour le résumer, consiste à remettre le club au centre du dispositif.
Avez-vous le sentiment que ce n’est plus le cas ?
C’est parce que nous avons une vision différente de ce qui se fait aujourd’hui que nous apportons une solution différente. Aujourd’hui, nous assistons à une ponction des acteurs du judo vers le siège fédéral, alors que cela devrait être l’inverse : des formations qui sont très largement payantes, la coopérative qui n’existe plus et donc aujourd’hui une boutique où il faut acheter… Il y a des services au club qui n’existent plus et, quand j’ai des échanges avec leurs dirigeants, beaucoup sont outrés de dire qu’avec la licence aujourd’hui, c’est un droit à payer encore plus. Prenons l’exemple de l’Itinéraire des champions, qui est un super projet, une superbe action qu’il faut continuer, mais en la remaniant certainement. C’est encore une opération rentable pour le siège fédéral, qui est financée par nos comités. Moi, dans le territoire d’Occitanie, j’ai des comités qui sont en déficit parce qu’ils n’ont pas réussi à financer un Itinéraire des champions. Quand on voit qu’il y a une opération qui est rentable pour le siège fédéral, ça questionne. Est-ce qu’on est dans le même bateau ou est-ce que c’est simplement qu’on se sert des clubs, de nos structures, de nos OTD pour alimenter le navire amiral ? Je ne suis pas dans cette conception-là. Pour moi, je pense que lorsque l’on paie une licence, on adhère à des principes, à des valeurs et, à ce titre, si en tant que fédérés, c’est pour être plus forts et pour que ça serve l’intérêt commun et pas que l’on se serve de nos clubs. Je trouve que la fédération prend un virage entrepreneurial, mercantile, où il faut tout rentabiliser. Je trouve que l’argent a du sens et de l’importance, car on ne peut évidemment mettre en place des projets que si on a les moyens de pouvoir les réaliser. Ce qui ne me convient pas, c’est le fait qu’on ponctionne nos adhérents pour pouvoir faire ces projets-là. On est sur ce qui brille et on délaisse les fondations de notre fédération, que ce soit la culture, les clubs, nos disciplines associées…
Comment comptez-vous y remédier ?
C’est donner de la gratuité, mais c’est aussi mettre en place des structures qui accompagnent les bénévoles dans leurs actions du quotidien. On a comme projet une cellule d’accompagnement, c’est-à-dire avoir une capacité d’accompagner nos clubs ou nos OTD quand ils font leur réunion, et pas uniquement jusqu’à 17 heures. C’est une hot-line qui pourrait être le dispositif opérationnel, afin que les gens dans les clubs puissent se dire qu’ils sont entourés de professionnels qui vont les aider. Je veux dire qu’aujourd’hui, beaucoup de dossiers ne sont pas remplis, notamment de subventions, parce que les gens n’ont pas ou la compétence ou le temps pour pouvoir les faire. Donc qu’est-ce que l’on met en place derrière pour pouvoir justement répondre à cette demande des OTD ou des clubs ? On a un corps qui est performant, celui des responsables administratifs et financiers (RAF), et qu’il faut encore développer pour être au plus près des acteurs parce que ce sont les enjeux de demain. Je n’ai pas la lecture aujourd’hui de ce que sera le niveau de subventionnement du sport français après 2024. Il semble que 2025 reste dans la même veine que cette année, mais comment sera l’engagement de l’État sur le sport ensuite ? Je crois aussi que le profil des cadres techniques fédéraux (CTF) doit évoluer, en gardant le lien avec le tatami, avec le tapis, mais en se dotant de professionnels qui soient aussi sur le montage de dossiers. L’expert d’uchi-mata ou de juji-gatame est certainement important, mais je ne suis pas certain que ce soit le profil du futur CTF qu’il faudra embaucher. Au contraire, il faut des chargés de développement. Et puis il y a aussi des principes éthiques qui me semblent aussi importants dans ce que nous allons proposer, avec des garde-fous pour nous prémunir de potentiels conflits d’intérêts, pour entendre aussi ce qu’a à dire l’opposition en instaurant la proportionnalité au conseil d’administration fédéral, pour ne pas se couper du territoire.
La profession de foi de la liste « Unis pour le Judo »