De l’or et et de la confiance pour le champion français
L’effet championnats du monde se fait aussi sentir sur les rivaux des titulaires, selon les résultats de ces derniers. Ainsi, en -78kg, le titre de Malonga a semble-t-il largement entamé les énergies mentales et physiques de combattantes qui faisaient mal à l’opposition il y a encore quelques semaines. La grande Audrey Tcheumeo n’est plus à l’aise dans son judo et, malgré une troisième place dans ce Grand Chelem brésilien, se fait battre pour la troisième fois consécutivement par l’Allemande Anna-Maria Wagner, 23 ans et membre du top 10 mondial. Quant à Fanny-Estelle Posvite, qui alignait depuis mars les finales de grands tournois, elle se fait sortir d’entrée sans trop de résistance par la Russe Babintseva. Seule Julia Tolofua en +78kg, avec la belle perspective d’un « hold up » possible sur la sélection aux Jeux, profite d’un tableau sans grande densité pour s’emparer de sa première médaille (de bronze) en Grand Chelem au Brésil, après avoir gagné en mars son premier Grand Prix en Géorgie.
Pour les étrangers, même impression : Si Hashimoto bloqué par Ono n’a pas brillé en -73kg, on avait vu Nagase la veille montrer sa force et, sur ce dernier jour, le -100kg Iida s’emparait avec panache d’une médaille d’or qui en fait un titulaire crédible pour les Jeux dans la catégorie (mal) représentée à Tokyo par Aaron Wolf.
Le grand reprend la main
Mais bien sûr, tous ces enjeux importants passaient malgré tout au second plan : Teddy Riner faisait son second tournoi de retour et occupait tous les esprits, accaparaient toutes les attentes. Victorieux au Canada en juillet face notamment aux deux futurs finalistes des championnats du monde de Tokyo, il avait à la fois montré sa force, mais aussi pu mesurer que ses adversaires s’étaient rapprochés. Qu’allait-il se passer à Brasilia ? On a vu, et la leçon est claire : en quelques mois, le champion du monde 2017 (sa dernière grande sortie internationale avant son come-back 2019) a progressé plus vite que l’opposition occupée par les championnats du monde. Il a presque totalement retrouvé la plénitude de ses moyens et a repris la main psychologiquement sur ses rivaux. Le grand est plus que jamais de retour.
Kageura, une arme « anti-Riner »
C’est finalement le premier combat qui fut le plus riche d’enseignements. Le petit gaucher japonais Kokoro Kageura est en effet une sorte de prototype du combattant apte à contrer les forces du le champion français. Habile à gérer sa main droite, adroit comme un chat pour ne pas donner de score sur ses grandes attaques en harai-goshi et en sumi-gaeshi, il tenait la dragée haute à Riner en se glissant par en dessous dans des seoi-nage tactiques et faisait même se lever « coach » Chambily de sa chaise sur un ko-uchi-gari qui obligeait le champion à une réchappe en urgence. mais alors qu’on pouvait craindre que le lourd léger monte en rythme, c’est au contraire le colosse qui arrivait progressivement en chauffe et décourageait finalement son adversaire, de plus en plus impuissant sous le poids d’un kumikata toujours aussi dur et face à l’impression qu’il ne céderait jamais même après dix minutes de combat. Le Japonais finissait par toucher le sol sur un harai-goshi à près de six minutes de golden score, mais c’est mentalement que la victoire s’était jouée.
Tasoev marque waza-ari… mais en fait non
Le deuxième combat était intéressant aussi car il opposait Teddy Riner à un jeune Russe, Inal Tasoev, champion brillant de la nouvelle génération et assez judo pour être imprévisible et peut-être même surprendre un adversaire comme Riner. Mais il apparut rapidement qu’il ne serait pas de taille face à la qualité de concentration, la science tactique et le kumikata du double champion olympique. Pénalisé, obligé de prendre des risques, il subissait un premier waza-ari qui l’incitait à aller au corps-à-corps dans la dernière minute. Une phase sur laquelle il se montrait cependant dangereux, parvenant même, dans l’esprit de l’arbitre, à marquer un waza-ari en contre en mettant une jambe à l’intérieur pour o-uchi-gari dans un sutemi adverse. Le waza-ari était assez justement retiré par la table, mais il n’aurait pas été scandaleux non plus de le garder, ce qui aurait rendu le final de ce combat excitant ! La supériorité du Français fut cependant manifeste sur tout le combat. Curieusement, c’est Teddy lui-même qui s’occupait de lui expliquer la situation dans un étrange conciliabule sur le tapis après le salut.
Krpalek n’a rien pu faire
Tout le monde l’attendait, Krpalek le champion du monde en titre et plus rude adversaire de Riner au Canada était au rendez-vous de la demi-finale. La leçon fut encore une fois riche. Alors que le Tchèque avait su faire douter le clan Riner et pousser le champion dans ses retranchements à Montréal, il fut cette fois étouffé par les ajustements de kumikata opérés par le combattant français, qui s’appuyait sur une garde « à la coréenne », main gauche au revers, main droite derrière la nuque, pour empêcher les grands coups d’épaule et les décalages qui l’avaient gêné au Canada. Le résultat fut édifiant : trois pénalités et un combat sans perspective pour le champion du monde en titre qui a dû ruminer cet échec cuisant dans l’avion du retour. Teddy Riner n’avait plus qu’à conclure en finale par un o-soto-makikomi en moins de vingt secondes sur le Brésilien David Moura, le finaliste des championnats du monde 2017 à Budapest, neuvième des dix levées de Riner.
Le triplé olympique en ligne de mire
Le bilan pour le staff Riner, mais aussi pour tous les observateurs attentifs, est impressionnant. Le Français a passé encore des paliers vers son objectif mythique du triplé olympique. Puissant, en excellente condition physique, stable et concentré, il a monté le curseur de plusieurs crans et, en mettant la barre a ce niveau, a probablement déjà découragé du monde. On verra ce que Krpalek, ou même le petit Kageura ont encore en réserve, notamment au sol, où personne n’a insisté, mais le doute est dans leur camp. Quant à Riner, on ne voit pas bien ce qui pourrait l’empêcher de réussir son incroyable pari, sinon que le ciel lui tombe sur la tête.