Sereine. Saki Niizoe, 26 ans, victorieuse du Grand Chelem de Paris en octobre et en argent en février (elle est battue par Margaux Pinot), titulaire lors des prochains championnats du monde en octobre en -70kg, n’a jamais été inquiété ce samedi pour aller chercher son deuxième Grand Chelem de la saison. En finale, son esquive de tai-otoshi pour lancer sa jambe gauche entre celles de Miriam Butkereit est un modèle du genre. Même bilan pour Megumi Horikawa en -63kg. En or déjà à Tel-Aviv, celle qu’on connaissait au début des années 2010 sous le nom de Tsugane (elle s’est mariée depuis) a fait admirer ses qualités en ne-waza jusqu’à la finale où un o-soto-otoshi met la Polonaise Angelika Szymanska sur la tranche. Pour les amateurs, son dégagement de jambes face à la Britannique Gemma Howell en demi-finale, avec un contrôle effectué uniquement avec son sternum est un plaisir de fin gourmet.
Deux nouveaux titres pour les judokates de Katsuyuki Masuchi aujourd’hui. Avec les deux d’hier (Funa Tonaki en -48kg, Haruka Funakubo en -57kg), l’équipe féminine du Japon est pour l’instant sur un sans-faute. Raison de plus de regretter l’absence de dernière minute des féminines tricolores. Le test, trois mois avant les championnats du monde, aurait été fort instructif.
Un doublé que les masculins azerbaidjanais ont bien failli également réalisé. Cela a commencé idéalement. En -73kg, Hidayat Heydarov domine très logiquement le treuil géorgien Lasha Shavdatuashvili sur un sumi-otoshi minimaliste mais clair. Une victoire méritée tant l’Azerbaidjanais aura piloté cette finale, le vice champion olympique se montrant constamment en retard et maintenu en vie par un arbitrage qui aurait pu le sanctionner plus tôt pour passivité ou passage de tête. Heydarov qu’on arrête plus puisqu’il reste sur trois victoires de rang : Grand Chelem de Tel-Aviv, championnats d’Europe et donc Grand Chelem de Budapest. Un client très sérieux au titre mondial dans trois mois. En -81kg, Saeid Mollaei avait l’occasion de clore une journée parfaite pour sa nouvelle équipe, désormais dirigée par Richard Trautmann (l’ancien responsable de l’équipe masculine allemande). Mais Guilherme Schimidt, le jeune Brésilien de 21 ans en a décidé autrement. Dans un combat sans grande intensité ni spectacle, le Carioca, vainqueur à Antalya et lors des championnats panaméricains en avril, fait ce qu’il faut pour montrer à l’arbitre hongrois qu’il est le plus sur l’initiative. Des tentatives bien timides de o-uchi-gari et de tai-otoshi qui permettent tout de même aux pénalités de monter jusqu’au carton rouge. Après le Coréen Lee Joonhwan, voilà donc un nouveau nom à cocher dans cette catégorie des -81kg à la densité toujours plus exceptionnelle. Car il faut reconnaître cela à Schimidt : une capacité bluffante à absorber le puissance adverse pour l’annihiler. Cette saison le Brésilien a battu deux fois le Turc Albayrak, une fois le champion du monde belge Casse.
Pour Saeid Mollaei, l’essentiel était peut-être ailleurs : ce huitième de finale contre son ami Sagi Muki sans doute. Première rencontre officielle entre le premier, né iranien et le second, israélien. Un moment fort, chargé d’émotion, symbolique. L’image du jour.
Ça coince pour les Français
Et les Français dans tout cela ? Ils étaient quatre ce samedi, coaché par Christophe Gagliano, unique encadrant puisque Daniel Fernandès, covidé, a dû rester en France. Si tous passent leur premier tour, Joan-Benjamin Gaba, Nicolas Chilard et Loic Pietri s’arrêteront au tour suivant. Des défaites contre des judokas solides et référencés : Fabio Basile pour Gaba, Sagi Muki pour Chilard, Sotaro Fujiwara pour Pietri. Le premier s’incline aux pénalités, battu sur le rythme par le Transalpin. Le second ne peut rien contre le mouvement d’épaule du champion du monde 2019. Reste Loic Pietri. S’il est battu par Fujiwara, impressionnant vainqueur à l’AccorArena début février mais forfait pour cause de blessure après la rencontre contre le Tricolore, son combat restera comme le plus accroché mais aussi le plus symboliquement caricatural de l’arbitrage actuel.
Nouvellement promu au sein de l’IJF World Tour, l’arbitre européenne de ce duel franco/japonais n’aura décidé de rien, tout en étant la principale protagoniste – avec les superviseurs – de ce combat indécis. Ce qui est généralement mauvais signe.
Le ippon donné par elle-même à Fujiwara sur un contre en uchi-mata gaeshi ? Annulé par la table. La valeur donnée sur le o-soto-gari de Pietri à vingt secondes de la fin ? Donnée par les superviseurs. Le troisième shido contre le champion du monde 2013 pour sortie de tapis ? Encore et toujours les superviseurs. Hormis les trois pénalités données en début de combat, cette arbitre n’aura donc annoncé aucune des décisions majeurs du combat, sans doute échaudée d’avoir été retoquée sur le ippon donné au Japonais, mais aussi contrainte par une des nouvelles règles arbitrales de la FIJ qui intiment aux arbitres d’arrêter le combat au moindre doute de leur part sur une action, pour s’en référer aux tous puissants superviseurs. À moins que celle-ci ait entendue un « wait ! » dans son oreillette…
Un téléguidage d’un degré rarement atteint, où l’interventionnisme de personnes extérieures à la surface de compétition n’a, à notre connaissance, aucun équivalent dans les sports les plus populaires à l’échelle mondiale. Quid de la responsabilité des arbitres de tapis dans cette configuration où ils n’ont jamais le dernier mot ? Le judo et son image sortent-ils victorieux de ces combats sans cesse hâchés par des interruptions qui cassent, nettes, toute dynamique de fluidité de la rencontre ?
Dernier Français en lice, Benjamin Axus passait lui deux tours, dont un de belle facture contre le Suisse Nils Stump, médaillé européen en 2021. Mais l’Israélien Tohar Butbul mettra fin au parcours du Parisien.
Demain, événement pour le judo français et mondial puisque Teddy Riner sera de retour sur le circuit. Un come back à ne pas rater.