Un masculin français sur le podium !
Pour le grand public du judo, ce samedi était bien sûr celui du retour de Shohei Ono au pemier plan. Retour réussi par le Mozart des -73kg, qui eut six combats pour faire ses gammes. On le retrouve, égal à lui-même. L’homme à la tête de choux (ses oreilles bien sûr) a dû tirer beaucoup d’enseignements de ce tournoi sur lequel il a pu marquer quatre ippons et deux waza-ari, avec, comme têtes d’affiche, deux de ses plus féroces adversaires, les Azerbaidjanais Heydarov, le jeune champion d’Europe senior et champion du monde junior en 2017, et Orujov qu’il retrouvait en finale, comme aux Jeux olympiques 2016. C’est l’agressivité du plus jeune qui fut apparement la plus difficile à gérer pour lui. Il se contenta d’un waza-ari sur o-soto-gari contre lui, subissant sans trop de pression les incessantes montées de bras du fougueux, tandis qu’en finale, le vice-champion olympique et vice-champion du monde Orujov se faisait propulser assez rapidement sur un uchi-mata efficace. L’Allemand Anthony Zingg se montra lui aussi un adversaire pugnace, ne prenant finalement qu’un waza-ari peu clair en fin de combat sur un uchi-mata sur lequel il faisait un tour complet. Signe, quoi qu’il en soit, de la montée en puissance, déjà entraperçue à Paris, de l’équipe masculine allemande (avec aussi le -81kg Dominic Ressel, troisième, en battant au passage le Français Allardon, mais aussi le très fort Russe Lappinagov). Soixantième mondial au matin de la compétition Shohei Ono a remis les pendules à l’heure. Pour ceux qui en doutaient, le patron est de retour. Et si on excepte son forfait au second tour du tournoi de Tokyo en 2017, il est toujours invaincu depuis décembre 2014.
Deux Ono pour le prix d’un
La transition est trop facile à faire : Il n’y a pas eu qu’un seul Ono victorieux ce samedi ! C’est en effet Yoko qui l’emporte en -70kg. Yoko Ono ? Vingt-huit ans désormais, championne d’Asie, victorieuse à Tokyo en décembre et invaincue depuis la fin de l’année 2016. Dans la catégorie de la championne olympique 2016 Haruka Tachimoto et de la championne du monde 2017 Chizuru Arai battue en finale à Tokyo, cette gauchère vigoureuse qui enchaîne systématiquement au sol est la fille qui prend le dessus en ce moment.
En -63kg, la Japonaise Megumi Tsugane était en finale, mais se faisait battre par une Slovène. Tina Trstenjak ? Non. La championne olympique en petite forme cédait devant la Cubaine Maylin Del Toro Carjaval en début de journée. C’était Andreja Leski, une Trstenjak en devenir de 21 ans, qui signait sa compétition de référence en l’emportant de façon tout à fait inattendue.
Djalo « from nowhere »
Mais comme hier, le public français avait la tête ailleurs, se réjouissant surtout pour une « modeste » médaille d’argent, qui vaut toutes les médailles d’or pour le clan français et les amateurs dans la situation actuelle. La médaille d’argent en -81kg d’Alpha Oumar Djalo.
La compétition masculine avait commencé pour nos espoirs sur le même registre que la veille. Les -73kg avait été écarté rapidement, Benjamin Axus par le Mexicain Eduardo Araujo et Pierre Duprat par son vieux rival, le Russe Iartcev, sur une belle technique de jambe. En -81kg, l’élégant Jonathan Allardon, avait encore semé qulques belles promesses en battant la vielle gloire brésilienne Leandro Guilheiro, et un vice champion du monde junior japonais de la catégorie inférieur, Yuji Yamamoto, pris aux pénalités, mais c’était pour se faire stopper ensuite par l’Allemand qui monte, Dominic Ressel, finaliste du Grand Prix des Pays-Bas en novembre. Même les féminines ne brillaient pas avec l’éviction rapide de Cloé Yvin et de la médaille d’or de Tunis, Maelle Di Cintio, en -63kg. Il restait donc l’outsider Alpha Oumar Djalo, combattant venu de nulle part, comme l’annonçait la voix du JudoTV de la fédération internationale. Pas tout à fait de nulle part, mais presque ! Champion de France junior 2016, troisième du championnat de France senior 2017, 21 ans, le protégé de Waldek Legien au Racing Club de France avait jusque là une médaille de bronze en Open continental à faire valoir, une 120e place mondiale à défendre, une défaite au premier tour à Paris à effacer, et la réputation d’un diamant brut, effrayant à l’entraînement, mais souvent bien maladroit en compétition sur certaines séquences où son enthousiasme se retournait trop souvent contre lui.
Une bataille de chaque tour
On pourra ajouter au tableau désormais une maturité nouvelle sur le plan technico-tactique dont les effets, ici à Düsseldorf, sont pour le moins spectaculaires. C’est en effet un parcours magnifique, une véritable bataille de chaque tour face à des références que réussit Djalo et en appliquant avec pertinence et lucidité un plan clair qui révèle son potentiel. Jusque là, ce petit combattant ultra puissant et tonique avait donc souvent commis l’erreur d’aller chercher aux corps à corps des adversaires qui en profitaient pour le contrer ou le projeter. Cette fois, il a su globalement installer une belle garde de gaucher, main gauche au revers et bras tendu, pour de dangereuses attaques en ko-uchi-gari / o-uchi-gari / ashi-guruma, et surtout un seoi-nage à droite à genoux très efficace. Il battait successivement un jeune Tadjik de 17 ans, puis aux pénalités le dangereux Argentin Lucenti 10e mondial, un premier exploit. La suite allait être encore bien meilleur : le grand Canadien Valois-Fortier, médaillé olympique et mondial, se faisait surprendre par l’adresse naturelle d’Alpha quand il n’est pas au corps au corps, et concédait un waza-ari sur uchi-mata sukashi. Exploit peut-être encore supérieur au tour suivant : le quatorzième mondial, le Bulgare Ivaylo Ivanov, contre lequel il faisait l’erreur d’aller parfois au corps à corps, manquant à chaque fois de se faire « punir » en contre ou sur les sumi-gaeshi usants du Bulgare, et finissant au golden score par le plaquer au sol sur son seoi-nage. Plus dur encore en demi-finale : le Portugais Egutidze, l’un des hommes forts du jour, qui finissait par s’enferrer sur ce bras gauche bien placé et se faisait joliment contrer au golden score. En finale, le jeune Français faisait encore l’erreur d’accepter le corps à corps. Il ne la fit qu’une fois, contre le lutteur Iranien Saied Mollaei, troisième mondial et en pleine bourre, qui le propulsait sur le dos. Pour alpha Oumar Djalo la journée reste triomphale, la compétition de référence et la leçon particulièrement claire : son avenir est devant lui tant que son bras gauche est au revers !