Et le Japon fait un carton !
Des Français ce samedi ? Maelle Di Cintio en -63kg était contrée d’entrée par la Chinoise Junxia Yang (35e), classée juste un cran derrière elle au niveau mondial, mais une combattante dangereuse qui s’était hissée à la cinquième place du championnat du monde 2017 et qui vient de gagner dans la foulée le Grand Prix des Pays-Bas en novembre et l’Open de Hong-Kong en décembre. La victoire de la numéro deux française à l’Open de Bulgarie début février n’a finalement pas débouché sur des performances en Grand Chelem à Paris ou à Dusseldorf.
Chez les garçons, on pouvait espérer que les bonnes vibrations initiées par la septième place de Guillaume Chaine à Paris en -73kg allaient se changer en tremblement de terre. Ce ne fut pas le cas. Pour son deuxième combat du jour, acharné à fixer l’Allemand Anthony Zingg, dix-neuvième mondial (pour avoir eu une excellente période au printemps 2018), c’est lui qui finissait par prendre la troisième pénalité, victime du rythme et du sens tactique de son adversaire. Personne en -70kg chez les féminines, ni en -81kg chez les masculins, les spectateurs français pouvaient donc se concentrer rapidement sans arrière-pensée sur ce qui intéressait tous les amateurs aujourd’hui : la performance de Shohei Ono en -73kg, et la perspective de le voir opposé en finale à son rival Masashi Ebinuma, triple champion du monde et double médaillé olympique dans la catégorie inférieure.
Ono – Ebinuma, acte II
Son départ un peu « en dedans », voir poussif, donnait à craindre qu’il ne soit pas à son meilleur niveau ce week-end, voir qu’il puisse s’incliner sur une pénalité fatidique. Le Géorgien Phridon Gigani (80e) et l’Israélien Tohar Butbul (13e) luttaient de toutes leurs forces pour le désorganiser et tenait jusqu’au golden score, pour finir par prendre un sutemi pour le premier, un o-soto / nidan-ko-soto-gari pour le second. Mais le double champion du monde et champion olympique semblait chauffer la machine à son rythme, sans jamais paraître bousculé et les choses se précisaient ensuite. Uchi-mata et de-ashi-barai en moins de deux minutes sur l’Emirati Victor Scvortov (22e), deux uchi-mata faciles sur l’Azerbaidjanais Rustam Orujov (4e) – finaliste des Jeux 2016 contre lui (mais aussi des championnats du monde 2017 et vainqueur du dernier Master), uchi-mata et énorme de-ashi-barai sur le jeune Tadjik Somon Makhmadbekov (72e) et le « monstre » Ono était en finale. Il y retrouvait le magnifique Ebinuma, désormais tout juste vingt-neuf ans. Médaillé olympique en 2016 en -66kg… et dernier homme à avoir vaincu Ono, au championnat national du Japon 2018. En quête d’une sélection olympique, Ebinuma s’était déjà retrouvé en finale du Grand Chelem du Japon en novembre dernier face à Shohei Ono et et il avait été battu dans les dernières secondes d’un affrontement serré. Le triple champion du monde et ancien sempai de Ono en « high school » allait se retrouver à nouveau fidèle au rendez-vous, passant à travers ce tournoi de Dusseldorf avec son élégance coutumière et une grande virtuosité technique. Mais en finale, le sens du judo de Shohei Ono allait s’exprimer dans un sumi-gaeshi opportuniste et parfaitement exécuté qui amenait Ebinuma sur le dos.
Bien sûr il reste le championnat du Japon, qui sera très excitant à suivre, mais en gagnant le Grand Chelem du Japon et celui d’Allemagne, Ono s’est replacé en tête de cette fantastique catégorie au Japon, devant le vice-champion du monde 2018 Shoichi Hashimoto, vainqueur à Paris. Deuxième à Tokyo et en Allemagne, Ebinuma est désormais en retrait, et à voir sa mine sur le podium, bien conscient d’être distancé pour la sélection au championnat du monde 2019. Même si il a perdu ce fameux duel au championnat du Japon, même si il a laissé les deux derniers championnats du monde à Hashimoto (qui a gagné celui de 2017), Shohei Ono n’a plus perdu un combat international… depuis 2014. Il a vingt-sept ans depuis le 3 février. Il est prêt pour la dernière ligne droite de sa carrière.
Le Japon puissance sept
Manifestement, l’équipe japonaise aussi. Ce tir groupé est frappant, surtout après la prestation moyenne de Paris. C’est le sans faute aujourd’hui, ce qui porte la performance de l’équipe nipponne a un très impressionnant score de sept titres et dix médailles pour les dix engagés déjà passés. Les cinq combattants masculins engagés ont tous gagnés, sauf bien sûr Ebinuma qui cède en finale devant Ono et se contente donc de l’argent. C’est la rivale n°1 de Clarisse Agbegnenou, Miku Tashiro, qui emporte la catégorie des -63kg – tandis que la Slovène Trstenjak tombe avant les quarts devant l’Anglaise Piovesana. En -81kg, le vice-champion du monde Sotaro Fujiwara réussit une très belle rentrée pour sa première compétition après le championnat du monde. Seule la catégorie des -70kg va ce samedi à une nation étrangère, mais c’est bien parce qu’aucune combattante nippone n’était engagée. Et c’est une autre Anglaise, la médaillée olympique Sally Conway, qui tire les marrons du feu.
Trois finales russes
Malgré la complète domination japonaise, une autre équipe nationale fait une belle impression collective : la Russie. Cela faisait longtemps qu’une sélection russe n’avait pas donné le sentiment d’une forte cohésion collective et d’arriver ensemble concentrée et préparée. Le -73kg Musa Mogushkov sera le seul à marquer waza-ari au Japonais Ebinuma comme à l’Azerbaidjanais Orujov, avant de perdre ces deux combats. Le -81kg Aslan Lappinagov parvient en finale comme Robert Mshvidobadze hier et fait oublier le champion olympique Khazan Khalmurzaev, pour l’instant loin de son niveau. Trois finales, dont une féminine, quatre médailles déjà pour la Russie, avant d’aborder des catégories où elles se sent bien. Là encore, le signe que les meilleurs sont passés à une nouvelle étape dans l’approche du grand championnat mondial à venir.