Premier rendez-vous de cette saison qui conduira le monde du judo vers Paris et ses Jeux olympiques fin juillet 2024, ce Grand Chelem de Croatie, à Zagreb avait la singularité de se dérouler seulement deux semaines seulement après le Masters de Budapest. Une nouvelle année de compétitions qui débute donc sans trêve officielle, comme on peut le voir dans les autres grands sports.
Un tournoi boudé par les stars du circuit qui pour beaucoup ont coupé après le grand rendez-vous hongrois, synonyme d’ultime événement  d’une saison 2022-2023 harassante (surchargée ?) – avec deux championnats du monde, deux Masters, onze Grands Chelems et trois Grands Prix !
Mais un Grand Prix qui, du coup, a attiré beaucoup de judokas venus tenter de marquer de précieux points dans des catégories chargées mais à la densité plus disparate : 530 inscrits venus de 83 pays ! Sur l’année 2023, seul le Grand Prix du Portugal et le Grand Chelem d’Antalya en Turquie font mieux en termes de combattants avec 544 pour le premier et 600 pour le second ! Côté nationalités représentées, cette compétition est la plus internationale depuis janvier, à égalité avec Antalya, et se place juste devant le Grand Chelem de Paris (82) et le Portugal (81). Au niveau des judokas présents, une seule n°1 mondiale : Lucy Renshall, la Britannique. Au-delà seulemeny cinq judokas classés dans les cins premiers mondiaux.
En clair, un Grand Prix totalement conforme au rôle qui leur est assigné dans la configuration du circuit mondial, lors duquel vingt-trois Français via une sélection « clubs » étaient présents.

1) Raoul-Hebrard sur la bonne trajectoire

Théo Raoul-Hebrard, seul médaillé français.
Crédit photo : Emanuele Di Feliciantonio/IJF

Une seule médaille pour les Tricolores, pourtant la plus importante délégation de la compétition. Elle est l’oeuvre de Théo Raoul-Hebrard. Le judoka du JC Maisons-Alfort signe ici sa première médaille sur le circuit FIJ pour sa troisième participation à un événement de ce genre, après le Grand Prix du Portugal et le Grand Chelem de Paris en début d’année. Un judoka de vingt-cinq ans, formé à l’Olympique Judo Varois de Thierry Malossane et champion de France des -60kg, dans son département du Var à Toulon, début novembre dernier. Cent-trente-deuxième mondial avant cette compétition, le vice champion de France 2021 montre donc les signes d’une vraie dynamique de progression. La preuve ? Pour le bronze il bat l’Israélien Yam Wolczak, vingt-septième mondial, sur un dégagement de jambe impeccable.
Une médaille qui ouvrait le compteur français mais qui ne sera pas suivie d’autres. Pourtant, deux occasions se présentaient ce dimanche avec Hawa Camara (US Orléans Loiret JJJ) et Amadou Méité (Sainte Geneviève Sports). Mais la +78kg et le +100kg, tous deux médaillés de bronze aux championnats de France 1re division 2022, s’inclinaient : la première contre la Néo-Zélandaise Sydnee Andrews, vingt-ans et trentième mondiale. Une judoka que Romane Dicko avait battu sèchement il y a deux semaines à Budapest au deuxième tour.
Plus puissante mais moins dangereuse que son adversaire kiwi, Camara, menée de deux shidos, se faisait pousser sur le dos sur une action de corps-à-corps. Le second, battu par le double champion olympique tchèque Lukas Krpalek en quart de finale, piquait facilement le Vénézuélien Luis Amezquita en repêchages avant de retrouver l’Azerbaidjanais Ushangi Kokauri pour le podium. Sur une action en bordure, Kokauri gardait la manche gauche du Génovéfain, arrivait à le dérouler sur le dos pour l’immobiliser.
Un troisième, deux cinquièmes et un septième avec Cédric Olivar (Sainte Geneviève Sports Judo) en -100kg. Une occasion manquée de se mettre en valeur pour la suite de la saison, même si certains n’ont pas eu de chance au tirage. On pense à Marine Gilly (JC Maisons-Alfort), Maxime Merlin (AJA Paris XX) ou Perrine Saint-Etienne (Eure Judo) qui perdaient contre Mireia Lapuerta Comas, Dilshot Khalmatov et Lucy Renshall, futurs vainqueurs en -48kg, -60kg et -63kg. Un bilan somme toute décevant.

2) Gimenes, la très grosse côte du jour

Karol Gimenes, le phénix brésilien.
Crédit photo : Emanuele Di Feliciantonio/IJF


Bien malin le parieur qui aurait mis ce matin sa mise sur la Brésilienne Karol Gimenes. Une combattante qui avait disparu des radars du judo depuis 2015 (!) et une participation au tournoi juniors de Graz, en Autriche. Depuis ? Rien jusqu’au 12 juin 2022 et une troisième place aux championnats du Brésil. Plus d’un an après, la voilà sélectionnée pour son premier tournoi international senior de sa carrière, ici, à Zagreb, en -78kg. Une parfaite inconnue qui mit ce dimanche tout le monde au diapason ! Droitière puissante, capable de varier sur l’arrière en tani-otoshi ou vers l’avant avec un harai-goshi ou un makikomi, la judoka carioca réalise une journée parfaite, disposant de Britannique Emma Reid – vingtième mondiale -, de la junior Néerlandaise Lieke Derks – cinquième au Masters au début du mois – et l’Ukranienne Yulliia Kurchenko, elle aussi junior, et déjà médaillée en Grand Chelem. Une finale de bastonneuse lors de laquelle Gimenes masque son makikomi jusqu’au moment opportun. Une victoire à l’histoire singulière, belle et rarissime quant à la situation de départ. Pas encore de quoi inquiéter Mayra Aguiar, la n°1 brésilienne, triple médaillée olympique et championne du monde 2022, plus apparue sur le circuit depuis le Masters 2022 d’ailleurs. Mais une combattante qu’il va falloir prendre au sérieux dès sa prochaine sortie.
Un titre brésilien qui permet à l’équipe sud-américaine de chiper le leadership du classement des médailles à la Serbie, sur le fil. Avec trois titres pour Willian Lima en -66kg, Jessica Perreira en -52kg et Gimenes, le Brésil, avec cinq médailles au total, tire les marrons du feu devant la Serbie et ses deux titres pour Marica Perisic en -57kg et Aleksandar Kukolj en -100kg et ses deux médailles d’argent – Milica Nikolic en -48kg et Milica Zabic en +78kg.

3) Un Grand Chelem qui alterne surprises et assurances
Si le cas Karol Gimenes est à mettre en lumière, celui de Jorge Cano Garcia devrait l’être presque tout autant. Vingt-sept ans, cent-trente-sixième mondial, le judoka espagnol profite d’une catégorie particulièrement ouverte pour aller chercher son premier titre sur le circuit.
Une victoire qui donne encore plus de consistance à l’excellent travail effectué par le judo ibérique depuis plusieurs mois avec David Garcia Torne en -66kg (victoire au Grand Chelem du Kazakhstan et au Grand Prix d’Autriche), Tristani Mosakhlishvili en -90 (lui aussi vainqueur au Kazakhstan) et, bien sûr, le titre mondial de Francisco Garrigos au mois de mai.
En finale Cano Garcia, bat une autre petite surprise à ce niveau, l’Algérien Messaoud Dris, licencié au PSG Judo. Septième aux championnats du monde à Doha, l’Africain remporte également sa première médaille à ce niveau. Un o-soto-gari avec les deux manches permet à l’Espagnol de prendre 700 points, quand l’Algérien, vingt-quatrième continue à son bonhomme de chemin dans la catégorie.
En -81kg, c’est le Dominicain Medickson Del Orbe Cortorreal qui signe la meilleure performance de sa carrière avec de l’argent. Habitué du circuit (douze Grands Chelems, six championnats du monde, huit Grands Prix), ce judoka de vingt-sept ans s’il ne bat pas de cador, mais son bonhomme de chemin jusqu’en finale où il ne sera battu que par l’Israélien Sagi Muki.
Tout de même quelques favoris au rendez-vous : Lukas Krpalek en +100kg, la Turque Kayra Ozdemir (ex-Sayit ex- Ketty Mathé) en +78kg, la Britannique Lucy Renshall en -63kg ou le Hongrois Krisztian Toth en -90kg.
En -70kg, finale 100% croate dans une ambiance de folie entre Lara Cvjetko et Barbara Matic. Une finale déjà vue lors des championnats du monde Tashkent. Mais cette fois-ci, c’est la cadette qui l’emporte sur un o-uchi-gari en garde croisée parfait. Si Matic possède un peu de marge (troisième à la ranking-list et de meilleurs résultats globaux), Cvejtko marque de très près son aînée, avec une cinquième place au classement mondial. Un duel pour la titullarisation olympique qui s’ajoute au duel canadien entre Jessica Klimkait et Christa Deguchi, entre les Géorgiens Luka Maisuradze et Lasha Bekauri, entre les Japonais Ryuju Nagayama et Naohisa Takato, etc.
Alors que la nouvelle saison est donc lancée, chaque compétition comptera encore plus pour ces judokas. De quoi suivre avec encore plus d’attente les futurs événements.