Deux nouvelles médailles d’or pour la France à Jeju

La Corée a marqué des points chez elle la nuit dernière, en emportant les deux catégories masculines en jeu, en -73 kg avec son champion du monde juniors 2014, le brillant An Changrim, qui déblaye du beau monde : le Mongol Tsaganbaatar, le Belge Van Tichelt et le redoutable Israélien Sagi Muki en finale. En -81 kg avec l’éternel Kim Jae-Bum, le « Tigre Souriant » de retour au premier plan, et flanqué de l’autre immense champion coréen de la décennie précédente, Wang Ki-Chun. Sans être mainfestement très affûtés, plus lents qu’il y a quelques années, les deux héros coréens ont nénamoins écarté leurs rivaux avec de très beaux mouvements de judo, des morote-seoi-nage de grande facture pour Kim, des sutemi formidables et des tai-otoshi précis pour Wang. Entre eux, la bataille se réglait d’une pénalité en défaveur de Wang, l’ancien -73 kg. Aux Jeux de Rio, en 2016, Kim visera probablement une troisième finale olympique d’affilée, et un second titre. 

Deux championnes du monde française en or

Mais la France ne lâche pas l’affaire, ni la première place des nations, grâce à son équipe de championnes du monde. Deux nouvelles médailles d’or aujourd’hui pour les tricolores, ce qui porte la performance française à quatre médailles d’or et une d’argent, devant la Corée, trois médailles d’or, une d’argent, trois de bronze. Avec Audrey Tcheumeo, Emilie Andeol… et Teddy Riner à suivre, on devrait pouvoir tenir le choc.
Aujourd’hui, Clarisse Agbegnenou en -63 kg, étrennait son nouveau dossard tout rouge et tout neuf de championne du monde. Au ralenti au début de la journée, et même victorieuse aux pénalités seulement de la Coréenne Bak Jiyun, 102e mondiale, au deuxième tour, Clarisse se rappelait progressivement sa façon irrésistible de faire du judo en lançant dès la première saisie des attaques rapides et puissantes, et elle terminait sans problème sa journée en massacrant en finale l’Espagnole Puche, 29e mondiale. Somme toute une bonne journée d’entraînement et 300 points qui confortent sa première place mondiale, devant la vice championne du monde israélienne Yarden Gerbi, qui vient de rafler trois Grand Prix en un mois. 

Gévrise des grands jours

Gévrise Emane jouait une assez forte partie ce jour-là, deuxième manche de sa « remise de pendules à l’heure » après sa victoire toute récente au championnat de France, pendant lequel elle avait repoussée personnellement les assauts de deux de ses plus dangereuses rivales pour la bataille olympique, Margaux Pinot et, en finale, Marie-Eve Gahié. Laquelle était là en Corée, prête à faire la différence avec son aînée. Mais finalement, c’est Gévrise Emane qui marque tous les points à Jeju, non seulement en gagnant la compétition tandis que Marie-Eve Gahié s’arrête rapidement, mais aussi, et peut-être surtout, en se montrant très percutante, très autoritaire, vive de gestes autant que d’esprit (de combat). Une Gévrise Émane des grands jours qui ne mettra que 94 secondes, exactement, à rejoindre la finale. On retiendra son fameux juji-gatame debout, exécuté sur la Belge Taeymans au premier tour en quatorze secondes, et un o-uchi-gari jubilatoire, d’une netteté de démonstration, contre la Russe Irina Gazieva. L’Anglaise Conway, septième mondiale, n’a tenu que 21 secondes.
En finale, ce fut le seule duel difficile, mais contrôlé par la Française aux pénalités face à la n°2 actuelle, l’Allemande Laura Vargas-Koch, vice championne du monde 2013 et vice championne d’Europe 2014. C’est ce qu’on appelle un retour en force.

Gahié, le coup de frein

Et cela d’autant que Marie-Eve Gahié, généralement très agressive à la garde, s’emmêlait un peu à ce niveau contre l’Israélienne Lior Wildikan, une gauchère solide et 23e mondiale, qui gardait tout son calme sous les attaques de la fougueuse jeune Française et la contrait proprement avec un premier sumi-gaeshi surprise pour waza-ari, puis un uchi-mata gaeshi pour yuko, avant de reprendre un ko-soto pour yuko et un dégagement de jambe pour finir. Une mauvaise journée.

Le mystère Tsang Sam Moi

On attendait aussi avec curiosité la encore peu connue Linsay Tsang Sam Moi, vice championne de France en -63 kg, une judokate longiligne avec des faux airs de Lucie Décosse, qui faisait vraiment ses toutes premières armes puisqu’elle était l’année dernière encore la meilleure junior de la catégorie, mais considérée comme pas assez forte pour être sélectionnée aux championnats du monde en individuel. En senior, elle n’a même jamais eu l’occasion de s’aligner en Open continental.
Son début de tournoi allait être significatif de son potentiel manifestement remarquable : Elle se jouait de la Mongole Tsend-Ayush Tserennadmid, 30e mondiale tout de même, en la lançant dans les coins avec un sumi-gaeshi qui part avec beaucoup de naturel, puis avec la même facilité avec une Coréenne. Elle était déjà en demi-finale, et on ne voyait pas ce qui pouvait empêcher cet « engin » de se faire sa première finale de top niveau international pour sa première sortie, et de s’afficher en rivale de Clarisse Agbegnenou pour les années à venir. D’autant que dès les premières secondes de son combat contre l’Espagnole Puche, 29e mondiale, son sumi-gaeshi partait avec la même nonchalance et la même efficacité. Mais la fin de son tournoi allait aussi montrer des limites. Peut-être trop confiante, Tsang Sam Moi ne poussait pas son avantage, laissait l’Espagnole se refaire une santé et se laissait déborder en rythme, ratrapper au score, puis perdre, sans se battre avec la détermination qu’aurait demandé un tel enjeu, un tel moment de sa carrière juste naissante. En place de trois, elle lâchait la médaille contre la Coréenne Bak Jiyun, 102e mondiale.
Elle n’a que 21 ans et c’est sa toute première expérience internationale en seniors. On est curieux de voir comment elle va tirer la leçon – ou pas – d’un tournoi si contrasté.