Nous l’avions écrit ainsi dans notre magazine de présentation des Jeux, L’Esprit du Judo n°93, actuellement en vente : « Il n’a jamais rencontré certains cadors de la catégorie (Takato, Smetov) et a perdu contre les autres (Mshvidobadze, Chkhvimiani), mais ce combattant naturel au style audacieux et ouvert a encore passé un cap, et sait forcer la chance ». Il n’aura finalement pas eu besoin de rencontrer les uns, ni de battre les autres, pour réaliser un formidable exploit, pour forcer sa chance, comme nous le pressentions, au moment où il fallait le faire, au jour dit. Il est tout simplement devenu — en battant tout de même, entre autres, le champion d’Europe et médaillé mondial espagnol Garrigos et le dernier vainqueur du Master, le Coréen Kim Won Jin — le premier médaillé olympique français de la catégorie des super-légers depuis Thierry Rey en 1980. Géorgien d’origine passé par Le Havre où il obtient le statut de réfugié politique – joli symbole ­— grâce à son club de l’époque le JC Perrey-Guerrier et au Maire de la ville Edouard Philippe, licencié, comme le fut Teddy Riner, au club de Bolivar à Paris, puis au JC Grand Rouen, avant de rejoindre le groupe de haut niveau de Sucy, Luka Mkheidze aura fait plaisir à beaucoup de monde aujourd’hui, à commencer par les supporters français qui ne donnaient pas beaucoup de potentiel de médailles à cette équipe de France masculine, sinon par le géant Teddy Riner.

Malgré l’échec de Shirine Boukli ce matin, cette première journée, au-delà même du parcours personnel formidable de notre -60kg, ouvre une toute nouvelle perspective, au bon moment, à ce groupe trop souvent humilié. C’est un renouveau global qui se dessine avec cette médaille de bronze, la cinquantième du judo français (si on ne compte pas celles des filles en démonstration à Séoul), qu’il fallait aller chercher au moment où la déception d’une finale évanouie semblait menacer tous nos espoirs. Nous verrons de quoi demain sera fait, mais il est peu probable que cette réussite consistante, significative de la qualité du travail accompli, ne soit pas annonciatrice d’autre chose. En attendant, on peut savourer. Pour aller plus loin, retrouvez ici le débrief de son coach Daniel Fernandes.

Le Japon tourne rond

Nous annoncions aussi une première journée décisive pour lever une inconnue : le Japon était-il parvenu à maintenir le cap de sa préparation pendant cette période troublée et troublante ? Quelques signes semblaient montrer l’inverse, notamment le flottement de son équipe « bis » engagée à Budapest. Il faut croire qu’elle n’avait pas eu la priorité dans la préparation : si il faut en croire l’autorité déployée par les deux légers du jour, Naohisa Takato et Funa Tonaki, malgré l’échec de cette dernière en finale, le Japon est plus que près pour son rendez-vous. Les deux combattants de la journée se sont montrés ultra performants sur le plan physique, lucides et forts malgré l’adversité à laquelle ils ont été confrontés tous les deux. Sans vendre la peau de l’ours, la réussite du judo japonais sur ses Jeux olympiques est très bien engagée. La famille Abe peut quasiment conclure dès demain la question.
Il aura fallu beaucoup de force mentale et physique à une combattante venue du lointain Kosovo pour être la seule à enrayer cette puissance asiatique globale, et surtout la machine japonaise en marche. Distria Krasniqi apporte le second titre olympique de l’histoire kosovare, le second venu par le judo. Demain Majlinda Kelmendi pourra s’appuyer sur la performance de sa cadette pour tenter de rééditer son exploit de 2016, l’année où elle avait amené le premier. La Japonaise Uta Abe, la Française Amandine Buchard feront en sorte que ce ne soit pas le cas, et que la dynamique engagée par le Japon, par la France, se renforce encore.