Le vendredi 12 avril dernier, le CNOSF a officiellement validé la sélection olympique de Madeleine Malonga dans la catégorie des -78kg. La judoka de l’Étoile Sportive Blanc-Mesnil Judo, en concurrence depuis des mois avec Audrey Tcheuméo, revient pour L’Esprit du Judo sur son émotion, son parcours de sélection et sa préparation pour les Jeux de Paris 2024.
Quelle a été ton émotion quand tu as appris que ta sélection était officielle ?
Mon émotion a été évidemment très positive. J’ai ressenti de la fierté, parce que l’olympiade, la dernière année, les dernières semaines ont été très difficiles mentalement. Et mes proches sont très heureux pour moi, et me font réaliser que j’ai déjà franchi une belle étape. Mais très rapidement, je me suis concentrée sur la suite, sur le 1er août. Tout le monde me félicite, mais en réalité il faut attendre cet été pour me féliciter. En tout cas j’ai hâte. Je me rappelle quand nous sommes rentrés des Jeux de Tokyo. Nous étions au Trocadéro, il y avait la patrouille de France et des milliers de gens, une ferveur de dingue. C’était incroyable. Je pense que ça m’a donné un avant-goût de ce que vont être les Jeux à Paris.
Il y a eu cette bataille à distance avec Audrey Tcheuméo ces deux dernières semaines, comment est-ce que tu as vécu cela ?
J’ai fait ce que je fais de mieux, me réfugier dans le travail. Je me suis énormément entraînée, en essayant de ne pas trop penser à la concurrence. Le jour de la compétition d’Audrey au Grand Chelem de Tbilissi, j’étais stressée. Je n’ai pas regardé ses combats, j’ai juste suivi les tableaux à distance. Quand sa compétition se termine, je ressens une sorte de soulagement face à sa cinquième place. Mais, en même temps, j’avais encore beaucoup de travail à faire de mon côté, je devais assurer au Grand Chelem d’Antalya. J’ai finalement décroché la médaille d’or et ça a mis un point final à notre duel à distance.
Est-ce que tu as vécu des temps forts dans ta préparation des Jeux de Paris 2024, depuis ta participation à ceux de Tokyo ?
En trois ans, il s’est passé beaucoup de choses, beaucoup d’étapes. Déjà, j’ai vécu trois changements d’entraîneurs. C’est assez difficile à gérer en tant que sportif de haut niveau. Tout le monde sait que la relation entre un athlète et son entraîneur est très importante pour l’équilibre. C’est certainement un facteur qui a joué dans certaines de mes performances. Un temps fort pour moi a été ma deuxième place au Masters de Budapest en août dernier. Je savais qu’Audrey Tcheuméo venait de terminer deuxième aux championnats du monde. Donc je combattais avec une sorte d’épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je savais que, pour pouvoir faire les championnats d’Europe et continuer à me battre pour participer aux Jeux olympiques, je devais performer.
Est-ce que cette pression a été difficile à gérer ?
Oui, et je la ressentais à chaque compétition en réalité. Je gardais toujours en tête l’idée que tout pouvait se terminer à tout moment. C’était une pression d’autant plus forte que l’on entend jour et nuit parler des Jeux à Paris, sur tous les médias, tous les réseaux sociaux. Impossible d’éviter d’en entendre parler ! Mais ce qui est drôle, c’est que maintenant que je suis sélectionnée, j’ai occulté tout ça. Ça a été dur, j’ai été au fond du seau à certains moments. Mais maintenant, je pense à la suite.
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Comment fait-on pour garder la motivation, année après année, pour aller chercher des médailles ?
Il faut beaucoup de mental, c’est certain. Mais au-delà de ça, la clé est de ne jamais perdre le sens de sa pratique. Pourquoi je suis là ? Qu’est-ce que je fais ? Ce sens a évolué au fil des ans. Il n’est pas le même aujourd’hui, et il était déjà différent à Tokyo. J’ai beaucoup travaillé sur cette notion de sens en préparation mentale, avec ma psy, et je suis certaine que ça m’a beaucoup aidée. Ça a été un vrai cheminement personnel. J’ai toujours réussi à prendre du plaisir sur le tatami. Compétition après compétition, il y avait toujours du mieux quelque part. Il ne faut bien sûr pas oublier le loupé des championnats d’Europe (Madeleine Malonga sort dès son entrée en lice, battue par l’Ukrainienne Yelyzaveta Lytvynenko, NDLR). Mais il ne faut pas non plus rester dans le passé. J’aime vraiment le judo, j’aime vraiment m’entraîner, et c’est cela qui me pousse à continuer.
Qu’est-ce que tu as amélioré depuis les Jeux de Tokyo ? En quoi es-tu meilleure aujourd’hui ?
Je suis meilleure justement grâce à cette quête de sens, à ce cheminement personnel que j’ai fait avec mes préparateurs mentaux et ma psychologue. Et ce que j’ai en plus, c’est cette expérience du long chemin de sélection, qui a été beaucoup plus dur que pour Tokyo. Ça rend la sélection encore plus belle, j’ai une force supplémentaire, une rage de vaincre énorme. Quand je me dis qu’il y a un an je n’étais même pas sélectionnée pour les championnats du monde, et que j’ai réussi à revenir pour me qualifier pour les Jeux de Paris, je me dis que je peux tout affronter, et que je peux aller chercher une médaille olympique avec ce petit supplément de mental que j’ai gagné.
Les championnats du monde auront lieu très peu de temps avant les Jeux olympiques. Comment est-ce que tu abordes cela ?
Lors de la précédente olympiade à Tokyo, j’avais fait les championnats du monde six semaines avant les Jeux. Donc j’ai déjà vécu ça, mais je ne suis pas encore certaine de participer à ces championnats du monde. Je vais prendre le temps de parler avec le staff, de voir où j’en suis au niveau des points, de mon classement, pour savoir si je pars plutôt sur un Grand Chelem ou sur les mondiaux. Mais rien n’est défini pour moi pour l’instant. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que je ne participerai pas aux championnats d’Europe. Je n’ai pas le temps de m’y préparer correctement.
Avec ce genre de sélections, il y a toujours des déçus. Penses-tu qu’il y a une bonne manière d’annoncer à un sportif qu’il n’est pas sélectionné pour les Jeux olympiques ?
S’il y a une bonne manière, personnellement, je ne la connais pas. Bien sûr, la communication est la clé de tout. Mais je crois sincèrement que quand tu es un athlète, que tu t’entraînes tous les jours avec un objectif en tête, peu importe la façon dont on te l’annonce, peu importe la langue dans laquelle on te l’annonce, tu le prendras toujours mal. Il y a tellement de sacrifices derrière, tellement d’enjeux, tellement de personnes qui nous soutiennent dans notre famille, dans nos clubs, que ça sera toujours dur à accepter. Nous pouvons toujours nous améliorer sur tel ou tel point, mais ça restera quoi qu’il arrive douloureux pour l’athlète qui se rend compte que son rêve olympique prend fin.