Alors que Takeshi Ojitani vient de remporter samedi son quatrième Zen Nihon, Shozo Fujii, l’immense champion japonais des années 1970 au morote-seoi-nage magnifique – il a été quatre fois champion du monde en 1971, 1973, 1975 et 1979 en -80kg et -78kg – a souhaité prendre la parole suite à ce qui est l’événement masculin de la saison au Pays du Soleil-Levant. Ancien étudiant de l’université de Tenri – où il fut responsable de l’équipe féminine – mais également ancien arbitre mondial, Shozo Fujii et son célèbre franc-parler critique les règles d’arbitrage actuelles, défavorisant objectivement les « légers » contre les « lourds ». Le message qui suit nous a été transmis par Nobuhisa Hagiwara, à la demande de Shozo Fujii.
« Ayant été dans ma carrière autant “athlète”, “entraîneur” qu’ “arbitre” de haut niveau, je me permets d’exposer modestement mes remarques sur le dernier Zen Nihon, et en particulier sur la problématique du golden score :
– Comme la plupart des combats se terminent au golden score, les combattants sont épuisés et ne disposent donc plus de leur énergie maximale pour exprimer au mieux leurs qualités physiques et mentales.
Dans cette circonstance et condition, il est dommage de voir que le vainqueur ne l’est pas sur son niveau réel. Cette règle a été mise en place pour améliorer le niveau du judo. Mais vu ce qu’il se passe actuellement, au contraire, j’ai l’impression que cela va dans le mauvais sens. Je propose donc de revenir à ce qui se faisait avant : un temps de combat défini de dix minutes en finale, et de six à huit minutes pour les éliminatoires, les quarts et les demi-finales. Sans golden score, afin de laisser le temps aux combattants de s’exprimer sans toutefois dépasser leurs limites, et avec le retour d’une décision des arbitres aux drapeaux, qui tiendrait compte de l’ensemble des éléments suivants pour déterminer le bon vainqueur : technique, physique, mental et attitude.
Même sans différence du poids, il y a une large différence de fraîcheur physique entre un judoka qui a combattu quinze minutes au tour précédent – avec dix minutes de golden score – et se trouve épuisé, et son adversaire qui aura combattu quinze secondes et gagné par ippon.
Avec un temps de combat égal pour tous, on limite ainsi cette différence de fraîcheur physique.
Lorsque je participais aux compétitions toutes catégories, face aux combattants plus lourds que moi, je me disais : “comme plus le temps passe, plus il sera dangereux, je dois prendre des risques dès le début de combat, quitte à perdre”. Ainsi, j’ai réussi à remporter, entre autres, le titre de champion d’Asie toutes catégories et à terminer troisième du Zen Nihon en 1973. Avec l’arbitrage actuel, je suis convaincu que je n’aurais jamais pu obtenir ces résultats !
Il est temps aussi pour le judo mondial de se poser la question suivante : le judo va-t-il dans le bon sens?
Les règles d’arbitrage doivent être avant tout pensées pour permettre aux combattants d’exprimer leur plein potentiel, pas pour se plier à de supposées contraintes audiovisuelles.
Je serai ravi de recevoir tout commentaire des lecteurs.»