Traditionnement dévolues à une période de repos ou de stage pour le judo mondial, les vacances de Noël et de fin d’année ont en cette année 2020, offert aux amateurs l’un des grands évènements du calendrier japonais, le Zen Nihon. Normalement organisé tous les 29 avril au Budokan, celui-ci se tenait exceptionnellement hier au Kodokan, à huis-clos, deux semaines après le désormais légendaire combat pour la sélection olympique en -66kg entre Hifumi Abe et Joshiro Maruyama.

Un Zen Nihon sorti de sa configuration habituelle qui en fait un évènement si singulier. D’autant plus que de nombreux forfaits étaient à déplorer : Hisayoshi Harasawa, le titulaire olympique en +100kg, Aaron Wolf, sélectionné lui en -100kg et tenant du titre, finalement absent de dernière minute, le champion du monde 2017 ayant finalementy encore quatre semaines d’arrêt suite à son opération du genou qui a eu lieu après le Masters 2019. Mais aussi Masashi Ebinuma, Kenta Nagasawa et Yusei Ogawa, tous trois membres de l’équipe de judo de l’entreprise Park 24, retirés au dernier moment car un cas de Covid-19 a été détecté au sein de cette dernière (sans qu’on sache si l’un des trois étaient positifs). Tatsuru Saito désormais 1re année à l’université de Kokushikan, lui, est aux abonnés absents depuis plusieurs mois, n’ayant par exemple pas participer à la Coupe du Kodokan début novembre.
Et si on ajoute à cela un temps de combat ramené aux quatre minutes habituelles de l’international (longtemps le temps de combat a été de six minutes au Zen Nihon), des combattants qui pour la plupart retrouvaient la compétition officielle après, au minimum, dix mois, bien des indices laissaient penser que cette édition ne resterait pas dans les mémoires.

Si le manque de rythme fut parfois assez évident, ce Zen Nihon 2020 restera tout de même un (très) bon cru.

Ryunosuke Haga et son arme fatale, un uchi-mata qui lui permet de battre Hyuga Ôta.
Crédit photo : Kodokan Judo Institute

D’abord parce que Ryunosuke Haga, -100kg champion du monde 2015 et médaillé olympique de bronze 2016, fut un beau vainqueur. Une première pour ce gaucher de 29 ans issu de l’université de Tokai, dont le uchi-mata reste l’un des plus forts et beaux « tokui-waza » du judo mondial des années 2010. Initié à la discipline au sein du célèbre Asahi Dojo, Haga rajoute ainsi une ligne qui compte dans son palmarès. En finale, le judoka de la compagnie AsahiKasei bat son « kohai » (cadet) Hyuga Ôta, lui aussi formé à Tokai et membre de la même entreprise, au golden score, grâce à son formidable spécial. En demi-finale, c’est en ne-waza que Haga trouve la solution, plaçant un juji-gatame à Yuki Ishiuchi (ancien capitaine de Tenri en 2016) , lui aussi à AsahiKasei et lui aussi en -100kg.

Ensuite, parce que Ryuju Nagayama et Takeshi Sasaki auront marqué cette édition avec leur prestation remarquable et totalement décomplexée. Le premier, double médaillé mondial en -60kg, domine de manière bluffante et du haut de son mètre cinquante-six un -90kg, Yuki Kosaka, au premier tour. Serein mais concentré, le remplaçant olympique des super-légers aura tenté de trouver la solution sur uchi-mata (!) avant de finalement placer un ko-soto-gari au golden score pour dérouler son adversaire qui n’aura pas vu la balle pendant tout le combat. Au deuxième tour, Nagayama retrouvait le racé Kentaro Iida. Remplaçant olympique lui aussi (en -100kg), ce dernier voyait le lutin malin de Tokai, vainqueur de Paris en février, lui causer deux belles frayeurs sur une tentative d’ura-nage puis une autre sur un uchi-mata sukashi. Finalement, c’est au golden score qu’Iida, vainqueur des Grands Chelems d’Allemagne et du Brésil en 2019, battra Nagayama, le contrant au golden score sur un ko-soto-gake.
Le second réalise quant à lui, sans aucun conteste, la plus belle journée parmi les cinquante combattants présents ! Capitaine de l’université de Tsukuba en 2018, ce -81kg vainqueur coup sur coup du Grand Chelem d’Osaka et du Masters cette même année 2018 – mais qui depuis a connu l’échec à Paris, Budapest et Osaka en 2019 – arrive en effet jusqu’en demi-finale, battu par Ôta sur abandon suite à une blessure au cou.
Au premier tour, Sasaki bat un -100kg, ancien de l’université de Tenri, au sol, un domaine où il se sent extrêmement à l’aise. Rebelote au 2e tour, où il s’offre le scalp d’un autre -100kg, Kyohei Kakita, avant de sortir l’un des grands animateurs des derniers Zen Nihon, le -90kg Hirotaka Kato, vainqueur en 2012 et finaliste l’année dernière ! En quart de finale, Takeshi Sasaki, judoka très instinctif, qui aime autant arracher que projeter avec des mouvements d’épaule debout, éparpille façon puzzle Takeshi Ojitani, triple vainqueur de l’épreuve ! Un combat où on comptait 64 kilos d’écart entre les deux combattants mais pendant lequel Sasaki a fait vivre un supplice au +100kg à coup de ko-uchi-makikomi ou d’ippon-seoi-nage à gauche.
En demi-finale, le judoka de la compagnie Alsok retrouvait donc Hyuga Ôta. Une affiche alléchante, revanche du combat décisif de la finale du championnat universitaire par équipes toutes catégories de 2018 (pour l’anecdote, chaque équipe choisit le combattant de son choix pour ce combat décisif. L’équipe de Tsukuba, celle de Sasaki, avait joué cela au…shifumi, ce dernier l’emportant de manière sans doute préparée. Mais le mode de sélection du combattant avait alors totalement destabilisé le public du Budokan, provoquant une réaction mi-amusée mi-outrée, tant cela paraissait un peu « politiquement incorrect »). Un duel qui n’aura malheureusement pas pu donner sa pleine mesure donc, puisque sur un sode-tsuri-komi-goshi d’Ôta,  Sasaki se blessait au cou, devant abandonner. Il sera évacué sur civière. Quelques heures plus tard, il donnera toutefois des nouvelles rassurantes sur Twitter.

Un Zen Nihon dont on retiendra aussi et enfin, l’échec des +100kg présents. Certes Ôta arrive en finale, mais Kokoro Kageura, le vainqueur de Teddy Riner à Paris au début de l’année, perd en 1/8e contre Haga (trois shidos) alors qu’Ojitani et Shichinohe ne se seront pas montrés convaincants du tout. Des judokas qui auront toutefois l’occasion de montrer un autre visage assez rapidement puisque le prochain Zen Nihon est prévu le 29 avril à Chiba.

Pour retrouver tous les résultats des combats de ce Zen Nihon 2020,  voici le lien vers ces derniers, recensés de manière exhaustive par notre confrère japonais, le site E-Judo : https://lite.ejudo.info/english/8785/

Pour revoir l’intégralité de ce Zen Nihon c’est ici !