Premier titre mondial pour la -78kg

Avant-dernière journée de la compétition individuelle aujourd’hui et troisième titre en trois jours pour l’équipe de France féminine avec le sacre ce vendredi de Madeleine Malonga. Inarrêtable toute la journée comme ses copines Agbegnenou et Gahié, la -78kg offre donc une troisième médaille d’or à la France, un résultat inédit depuis Paris 2011. Les masculins du jour, Cyrille Maret et Alexandre Iddir eux, sont éliminés en tableau avec plus ou moins de regrets dans une catégorie où c’est le feu follet portugais, Jorge Fonseca qui tire les marrons du feu. Une équipe lusitanienne qui, mine de rien, est troisième nation ce vendredi soir.

Malonga, évidente supériorité

Ses deux dernières prestations contre Shori Hamada, à Zagreb en 2018, mais surtout à Bakou début mai, avaient de quoi rendre optimiste avant cette première finale mondiale pour Madeleine Malonga. Deux victoires nettes et rapides. Alors, certes, la Japonaise était à domicile et avait jusque-là connu une journée sereine, sans fausse note, grâce à un ne-waza qui lui permettait de ne rester qu’une minute en demi-finale sur le tatami central contre la Slovène Apotekar. Certes, aussi, un titre planétaire se jouait cette fois-ci. Un moment particulier, unique, bien loin de ce que peut-être, ne serait-ce qu’en terme de pression, un Grand Prix ou Grand Chelem.
Mais de duel il n’y eut point, tant Malonga fit montre de supériorité. Une domination nette, claire, qui sauta aux yeux dès les premières secondes. Une évidence immédiate. Avec son kumikata très envahissant, ses attaques de jambe et son terrible impact, la Française catapultait une première fois la Nippone sur la tranche grâce à son o-soto-otoshi. Dans la continuité, Hamada cherchait la solution en ne-waza, planche de salut que la championne du monde espérait salvatrice tant la domination debout de la Française la laissait sans solution. Mais la championne d’Europe 2018 défendait bien et ne se laissait pas déplier le bras. Sur la séquence qui suivait, Hamada lançait un o-soto-gari sans conviction, une attaque un peu désespérée, pis-aller que Malonga bloquait puis contrait à la manière du Go No Sen pour plaquer au ralenti mais nettement, la Japonaise sur le dos, pliée aux niveaux des genoux ! Laissant l’émotion l’envahir sans la retenir, Madeleine Malonga se prenait alors sa tête à deux mains alors que de fines larmes commençaient à perler sur ses joues. La Tricolore jetait des regards visiblement reconnaissants dans les tribunes du Budokan, cherchant son entraîneur de club : Alain Schmitt.
Voilà donc Madeleine Malonga championne du monde à 25 ans. Une consécration logique tant la Française s’est montrée souveraine ce vendredi. Sûre d’elle-même, elle a tout simplement plané au-dessus de la catégorie. « Agressant » ses adversaires avec efficacité et détermination, Malonga a dominé et maîtrisé son sujet de bout en bout. Y compris en demi-finale face à la dangereuse et expérimentée Brésilienne Aguiar, double championne du monde et médaillée olympique, la contrant très malignement sur une tentative de tai-otoshi, le spécial de la Sud-américaine. Pleinement installée comme une leader nationale de la catégorie depuis fin 2017, la judokate de Blanc-Mesnil trouve dans ce titre la juste récompense d’une progression régulière et d’une dynamique qui pouvaient (peuvent) lui laisser espérer le meilleur, comme ce fut le cas aujourd’hui : championne d’Europe et en bronze à Bakou l’année dernière, la Tricolore sort d’une saison où elle remporte son premier Tournoi de Paris et une médaille de bronze aux Jeux Européens. Dans le sillage de la reine Clarisse, elle a su, elle aussi, comme Marie-Eve Gahié hier, sortir la meilleure prestation possible au bon moment. Comme les deux autres, elle a éclipsé totalement l’opposition. Bravo Mado !

Féminines, les jalons pour Tokyo sont posés

Un troisième titre significatif à plusieurs égards puisqu’il s’inscrit dans une dynamique de victoire planétaire pour l’équipe France féminine. Il faut remonter à Paris 2011 pour trouver tracer de trois titres féminins (ou plus) lors des championnats du monde. Significatif, surtout, parce qu’à un an des Jeux, la France présente avec Agbegnenou, Gahié et Malonga, trois combattantes qui posent des jalons clairs pour le titre olympique. Impressionnantes patronnes de leur catégorie, leurs prestations respectives ont marqué les esprits. À un an de Tokyo 2020, c’était le moment idéal pour montrer ses muscles, pour atteindre la pleine maturité de leur talent. Une configuration très favorable, renforcée par le fait qu’hormis Hélène Receveaux (par ailleurs rentrée en France pour des examents suite à sa blessure au coude), toutes les combattantes de l’équipe de France se sont battues pour accéder, au minimum, au podium. Et il reste Anne-Fatoumata M’Bairo demain !

Pas mieux qu’à Bakou pour les masculins

Les -100kg français, Cyrille Maret et Alexandre Iddir connaissent tous les deux une élimination en huitième de finale. Mais si le premier, autoritaire face au Polonais Lysenko et admirable de ressources pour finalement battre l’Egyptien Darwish, n’aura finalement pas beaucoup de regrets à nourrir suite à sa défaite face au Russe Ilyasov, futur finaliste, il n’en ira sans doute pas de même pour le second. Toujours très judo, Iddir passe consécutivement le Hongrois Cirjenics et le puissant Croate Kumric, lequel l’obligera à puiser dans ses ressources. Le Marseillais retrouve alors le n°1 mondial, son vieux rival, le Géorgien Liparteliani. Très vite, on sent que Lipo, capitaine de l’équipe masculine à la Croix de Saint-George, n’est pas dans un grand jour. Il s’avérera qu’il est venu ici avec une blessure à une jambe. L’occasion est là pour Iddir, mais le Français se faisait contrer à trente secondes de la fin un uchi-mata guère pertinent et sur lequel il ne défendait pas assez, alors qu’il connaît le terrible talent de son adversaire dans ce registre. Dommage. Et même trois fois dommage puisque Jorge Fonseca, au tour suivant, révélera la fragilité du Géorgien, trouvant rapidement la solution face à un Liparteliani qui portait sur le visage la résignation dictée par ses capacités du jour (il finira finalement septième).
Les garçons restent donc à une médaille de bronze (merci Axel) pour un bilan similaire à 2018, soit un plancher historique.

Fonseca met le feu au Budokan

À l’image des -81kg mercredi et des -90kg hier, les -100kg se présentent comme une catégorie dense mais ouverte, où des leaders très forts, incontestables, à la manière d’un Joshiro Maruyama ou Shohei Ono, ne se dégagent pas. Un flou qui a son charme, à condition toutefois que l’arbitrage ne s’en mêle pas, comme ce fut malheureusement le cas ce vendredi. Incertaine, cette catégorie sacre aujourd’hui le Portugais Jorge Fonseca. Souvent placé mais jamais gagnant -3e à Zagreb, 5e à Bakou, 5e également au Masters, 3e à Osaka-, le Lusitanien, originaire de Sao Tome et Principe aura certes profité de la blessure à la jambe d’un Liparteliani diminué pour accéder au dernier carré et de la fatigue du Russe, rincé en finale. Mais ce ne serait pas rendre justice à ce formidable attaquant que de mettre en avant ces circonstances favorables pour analyser sa victoire finale. Pêchant souvent physiquement à mi-combat, Fonseca a fait montre d’une condition physique impressionnante ce vendredi – sur laquelle il avait travaillé tout l’été comme nous l’a confié son entourage – ajouté à une précision plus grande de ses morote et eri-seoi-nage. Plus petit que ses adversaires, mais très puissant, Fonseca aura eu le mérite de ne pas s’être laissé prendre au jeu global de cette catégorie, à savoir une bataille de kumikata perpétuelle. Posant ses mains rapidement, toujours très bon dans le timing, il trouve la faille en finale dès la première minute contre le Russe Ilyasov épuisé par son combat à la Pyrrhus contre le Coréen Cho en demi, impuissant à imposer son kumikata de bûcheron pendant tout le combat. Très actif, toujours sur l’initiative, Fonseca, feu follet majuscule et expansif est donc couronné roi à 26 ans, pour l’une de ses toutes premières victoires internationales, et au bonheur d’un Budokan appréciant visiblement son état d’esprit perpétuellement offensif. Médaille d’argent pour Niyaz Ilyasov, très impressionnant en éliminatoires (il place un okuri-ashi-barai génial au Suédois Dvarby), 3e l’année dernière à Bakou.

Un arbitrage au bon plaisir

Les judokas et leurs coaches en ont pris leur parti. Ils doivent « faire avec », même si parfois l’agacement, voire la colère, ne se contiennent pas. Ce fut le cas cet après-midi avec l’entraîneur sud-coréen, se levant les bras écartés, geste spontané exprimant un sentiment d’injustice évident face à la troisième pénalité donné à son combattant, le champion du monde des 100kg, Cho Gunham, face au Russe Ilyasov en demi-finale. Si la lassitude ou le fatalisme tendent à devenir la règle devant les incohérences arbitrales du judo mondial, la situation de ce combat dépasse le cadre normal d’acceptation d’une simple erreur. Explication de texte : alors que les deux combattants sont à deux shidos partout au golden score, que le Coréen champion en titre vient de produire des attaques nettes, claires sur ses mouvements d’épaule contrôlant globalement, qu’Ilyasov cherche lui à contrer et à poser ses mains pour une attaque très forte depuis le début du combat sans beaucoup produire, les superviseurs dictent à l’arbitre central de sanctionner Cho pour sortie de tapis alors que ce dernier fait l’effort de revenir immédiatement dans le carré bleu. Une décision qui évacue totalement la prise en compte du déroulé du combat dans sa globalité puisque c’est le judoka le plus actif et le plus dangereux qui se voit sanctionné.
Un oukase injuste et disons-le, scandaleux, car ce type de situation n’est pas systématiquement sanctionné, ce qui confirme cette impression d’un arbitrage « au bon plaisir » des superviseurs, justifiant, légitimant des décisions aux conséquences lourdes par une interprétation tantôt à la lettre, tantôt à l’esprit du règlement, avec une subjectivité donnant la détestable impression d’être devenue totalement arbitraire et parfois politique.

La France finira deuxième nation

Avec ce troisième titre, nous voilà avec autant de médailles d’or que le Japon. Mais ce dernier, avec l’argent de Hamada et le bronze de Wolf – peu inspiré et qui, selon nos informations, a du faire face à une descente au poids difficile – continue à dominer nettement le classement avec douze médailles (trois or, cinq argent et quatre bronze). Le surprenant Portugal monte sur le podium avec le titre de Fonseca et l’argent de Barbara Timo. Avec les lourds demain, on peut parier que la France n’a pratiquement aucune chance de se faire rejoindre à la deuxième place.