Notre analyse de la sélection française aux championnats du monde de Rio
Sofiane Milous n’ira pas au championnat du monde de Rio / Emmanuel Charlot – EDJ
On n’est guère surpris par la logique générale de la sélection française des championnats du monde. Désormais, chez les filles comme chez les garçons, chaque nation a droit à neuf combattants pour sept catégories. Chez les filles, on retrouve donc logiquement les deux -78 kg qui se battent au niveau du « top 5 » mondial, Audrey Tcheumeo et Lucie Louette. On retrouve aussi logiquement en -63 kg Clarisse Agbegnenou, qui domine largement la catégorie depuis quelques mois, et la championne du monde Gévrise Emane, qui a montré au Grand Prix de Turquie. Lucie Décosse en -70 kg, qui a assuré qu’elle relevait le défi et a montré des signes de sa force (presque) retrouvée, est bien là aussi. Pour le reste des catégories, la meilleure combattante est là, et personne ne s’est vraiment hissé à un niveau qui aurait dû obliger les sélectionneurs à faire des choix difficiles. Maelle Di Cintio (-63 kg), Fanny Estelle Posvite (-70 kg) n’ont pas pu, aux championnats d’Europe, donner des regrets à l’équipe d’encadrement…. On s’interroge d’ailleurs sur ce qui ce serait passé si elles avaient gagné les championnats d’Europe par exemple ? Aurait-on sélectionné la médaillée des Jeux Priscilla Gneto (-52 kg) , qui ne parvient plus depuis à s’imposer ? Aurait-on envoyer à la place trois -63 kg ? Il est déjà difficile de comparer les mérites de deux combattants de la même catégorie, cela va devenir très aléatoire quand on va commencer à comparer des combattants de deux catégories différentes…
La non sélection de Milous, une première
À cet égard, la non-sélection de Sofiane Milous en -60 kg est un précédent. Pour la première fois de l’histoire du judo, une sélection française privilégie la forme d’un combattant surnuméraire dans une autre catégorie à la logique traditionnelle : le meilleur de France dans chaque catégorie de poids. Clarifions : Sofiane Milous est sans conteste le meilleur combattant français en -60 kg. Il a d’ailleurs été cinquième des Jeux olympiques tout de même. Mais depuis, sans perdre sa place de leader français, il affiche des résultats très faibles, dont le dernier exemple est son échec au premier tour des championnats d’Europe devant le Suisse Chammartin. Du coup, les sélectionneurs ont préféré doubler en -73 kg – c’était l’évidence qu’il fallait amener à Rio et Ugo Legrand et Pierre Duprat – mais aussi en -66 kg, les deux médaillés européens David Larose et Dimitri Dragin… mais aussi les deux meilleurs -81 kg, Alain Schmitt, 2e du tournoi de Bakou, et Loic Pietri, vainqueur en Turquie et 3e des championnats d’Europe. Et ils ont décidé aussi d’amener un -90 kg, à choisir entre Alexandre Iddir qui fait 5e à Paris, Axel Clerget qui fait 5e en Allemagne, et Ludovic Gobert qui accumule des places d’honneurs en Open et qui est aujourd’hui le meilleur combattant français au classement mondial.
Ce choix est discutable, mais tout à fait justifiable sur le plan sportif. Il n’est pas anodin en terme de politique sportive. Il entérine ce que nous prévoyons dès que cette nouvelle règle a été décrétée : la mort du mode de sélection traditionnel – chaque combattant représente son pays dans une catégorie officielle – à un modèle plus mouvant, plus individualiste, avec lequel on peut prévoir quelques soucis à venir. On retire par exemple à Milous la possibilité de se refaire sur les championnats du monde… ce qui est un risque (encore limité, il reste trois ans), pour la sélection d’un français dans cette catégorie aux Jeux. On pourra discuter à l’infini des mérites comparés du meilleur -60 kg français du moment avec les -90 kg actuels, ou avec le second -66 kg français, par exemple. On pourra aussi interpréter cette non-sélection comme une sanction face à l’attitude de Sofiane Milous, dont la réputation d’ « athlète difficile à gérer » n’est plus à faire. Désormais, on peut préférer à un -60 kg qui ne gagne pas, un -90 kg qui ne gagne pas non plus, mais qui ne fait pas la gueule. Et cette « relativisation » assumée des catégories de poids n’ouvre-t-elle pas, à terme, la remise en question de leur nombre, qui n’est désormais plus gravé dans le marbre ? Le CIO en meurt d’envie.
pour découvrir la sélection française pour les championnats du monde de Rio 2013, c’est ici.