Juste à ce moment-là, son regard est resté étrangement clair, même pas interrogatif ou troublé. Uta Abe est assise sur le tapis devant un arbitre qui lève le bras pour indiquer le ippon. Rien d’inhabituel… sauf que le ippon, c’est elle qui l’a subi… Un cataclysme pour la tenante du titre, et assurément l’une des images à retenir de ces Jeux. Un deuxième jour qui partit donc sur les chapeaux de roue, avec nos Français Amandine Buchard (-52kg) et Walide Khyar (-66kg) dans le rôle des chauffeurs de salle jusqu’à leur place de trois respective, étape que ne sut valider que la finaliste de Tokyo. Dans le clan des vainqueurs, on retrouvait l’implacable Hifumi Abe, désormais double champion olympique, ainsi que la fossoyeuse de stars Diyora Keldiyorova, qui ramène à l’Ouzbékistan rien de moins que sa première médaille d’or lors de Jeux d’été! Tout ça, et bien plus encore dans ce deuxième épisode d’Au coeur de Paris 2024, la dernière série du podcast Hajime de L’Esprit du Judo.
Au cœur de Paris 2024, épisode 2
Juste à ce moment-là, son regard est resté étrangement clair, même pas interrogatif ou troublé. Uta Abe est assise sur le tapis, devant un arbitre qui lève le bras pour indiquer le ippon. Rien d’inhabituel… sauf que le ippon, c’est elle qui l’a subi. L’information est tellement improbable, infirme tant de rêves, entâche tant d’immenses succès déjà enregistrés qu’elle n’a pas encore commencé les ravages qu’elle se prépare à faire dans l’esprit d’une jeune fille de 24 ans, à qui tout a réussi jusque-là. Ce n’est qu’une question de seconde… Tandis que le colossal coach Marko Spittka, en charge de l’entraînement pour l’Ouzbékistan, hurle sa joie et que l’actuelle n°1 mondiale de la catégorie, Diyora Keldiyorova, se montre sobre et digne dans cette incroyable victoire matinale, la Japonaise se défait, sous les yeux d’un public médusé et bientôt en totale empathie avec elle. Elle salue son adversaire dans un état second, titube en tentant de rejoindre le coach, Yukihide Hirano, de l’équipe de la police de la préfecture de Hyogo, un solide qui lui fait signe au loin là-bas, en bas de la plateforme. Elle ne parvient pas à descendre, il la serre contre lui, l’incite à mettre un pied devant l’autre. Ils sont adossés à la cloison, elle se presse contre lui pour cacher son visage déformé par les sanglots, sillonné par les larmes irrépressibles. Dévasté lui-même par des émotions qui resteront pour toujours indicibles, culture japonaise oblige, il cherche à la maintenir debout, à l’amener à l’abri des regards, mais les jambes lui manquent, elle s’affaisse à genoux, les bras ballants. Il la rejoint, protecteur maladroit et émouvant, lui tapote le dos. Alors le public, magnifique, pour lui rendre un peu de courage, pour lui dire que rien n’est fini, qu’elle a toujours l’amour et le respect de tous, scande son prénom et l’applaudit en cadence. Dans le tumulte des photographes et des officiels qui lui ouvrent le passage, Uta Abe vacillante, cachée dans le giron du molosse Hirano, finit par rejoindre l’ombre apaisante des coulisses, accompagnée par les regard émus des gens debout, dans ce Palais, éphémère paraît-il, mais éternel, sans aucun doute, par les souvenirs qui s’y construisent. Cet échec non programmé, dès le premier tour, de l’étincelante Uta, quadruple championne du monde et championne olympique en titre, son effondrement poignant, est l’émotion la plus puissante, la plus spectaculaire de cette journée de dimanche, deuxième jour du tournoi olympique de judo 2024, mais ce n’est que la première. On vous l’avait dit. Les Jeux, ce n’est pas une compétition sportive, mais une succession de combats vitaux où le psychisme est porté à sa limite. Peur de perdre, et de tout perdre en perdant, énergie de l’espoir et du désespoir et, finalement, souvent, étreinte finale très humaine où le vainqueur, qui sait bien ce qu’il en est pour avoir tant craint d’être à cette place du mort, console le perdant sous les yeux intimidés des arbitres qui n’osent pas intervenir. Au bout de cette deuxième journée, nous voici déjà lessivés, et ravis aussi, pas tant par la qualité du judo pratiqué, qui reste aléatoire dans une telle atmosphère, mais par la simplicité et la sincérité de ce qui se passe ici. Il n’y a qu’un projet valable : tout donner, et regretter tout de même pour tous les présents, sauf un par catégorie, de n’avoir pas encore eu assez à donner.
C’est sans doute ce que ressentait dimanche soir Walide Khyar. Il avait clairement tout donné, il avait su se hisser à la hauteur exigée, mais il était resté finalement au pied du podium. C’est rageant pour lui, qui ne rêve que de ça depuis des années, c’est rageant pour nous, qui ne pouvons que le regarder faire. Les regrets, il en aura bien sûr, quand il repensera à cette journée, non pas de n’avoir pas tout donné, mais d’en avoir donné peut-être un peu trop, et au mauvais moment. On se souviendra en tout cas, lui qui abordait cette compétition sans être tête de série, qu’il a étouffé d’entrée un médaillé mondial et deuxième du classement de la catégorie, le géorgien Vazha Margvelashvili, finaliste trois ans plus tôt à Tokyo. Ce combat là nous dit déjà la hauteur de l’enjeu. Avec le vent dans le dos certes, celui du soutien inlassable de la salle, mais c’est un exploit obligatoire à fournir à chaque tour. Les regrets viennent ensuite, avec le combat suivant. Contre un Kazakhstanais encore – c’est décidément une tendance après la victoire hier en finale de Yeldos Smetov sur Luka Mkheidze – un certain Gusman Kyrgyzbayev, qui avait débarrassé ce quart difficile de deux poisons, l’Espagnol Garcia Torne et le Coréen An Baul, médaillé olympique en 2016 et 2021.
Walide Khyar le connaît bien puisqu’il l’a rencontré cinq fois en cinq ans, pour trois défaites par waza-ari ou ippon – exploit obligatoire encore. Les deux seules fois où il l’avait emporté contre ce dangereux spécialiste du corps-à-corps, c’était par pénalités. C’est pourquoi, oui, bien sûr, il va regretter son attaque un peu kamikaze à quelques secondes de la fin du temps réglementaire, alors que son rythme et ses intentions lui avait permis, sans prendre de risque, d’avoir deux pénalités d’avance et déjà, dans la tête du public, une demi-finale dans la poche. Mais pourquoi s’est-il lancé à l’abordage à ce moment-là ? Une question de tempérament.
« Je suis passé à côté, vraiment à côté, et sur un combat où j’étais largement au-dessus, où j’avais l’impression, en tout cas de l’extérieur, vraiment de marcher sur l’eau, d’être très à l’aise, d’être tranquille en fait tout simplement. Et voilà, j’ai raté le coche sur ce quart de finale parce que c’est ce qui m’a coûté ma finale. »
Après un combat perdu, voire gâché, dans une si grande occasion, il faut savoir se reprendre, et que Walide ait pu le faire était la satisfaction du stoïque Daniel Fernandes, l’homme sur la chaise.
« Je pense que je l’ai rarement vu aussi fort qu’aujourd’hui, sur le plan physique, sur le plan d’engagement, même sur le plan mental, parce que c’était dur de repartir sur le repêchage. C’est un exercice très difficile. Le discours à la pause, c’est assez basique. Il y a une deuxième compétition qui commence, il y a deux combats à faire pour une médaille. C’est assez basique d’essayer de faire le plus rapidement possible abstraction de ce qui s’est passé le matin, en gardant les points positifs, et puis bien récupérer, bien manger et se remobiliser au maximum. Mon rôle, moi, c’est parfois de canaliser, parfois de l’empêcher de tomber trop bas parce que quand il perd son combat en quart de finale, c’était vraiment un moment difficile pour lui… Donc faire en sorte de le remobiliser le plus vite possible, et puis de l’accompagner au mieux. Là, je ne peux pas vous dire qu’il n’y a pas de mauvais mot, qu’il n’y a pas de mauvais côté pour lui aujourd’hui. Malheureusement je crois qu’il y pensera souvent à cette journée. Sur les deux combats qu’il perd, il domine, il a le dessus, et les issues sont un peu similaires. Une prise de risque inutile pour le coup, puisqu’il mène des combats. C’était un Walide super conquérant. La dernière fois qu’il avait été comme ça, c’était aux championnats du monde où il avait rapporté la médaille. Après, les Jeux olympiques, ça reste une compétition évidemment à part. Mais bon, oui, encore une fois, l’exceptionnel engagement, c’est ce qui fait sa force et parfois ce qui fait aussi sa faiblesse. Mais en tout cas, aujourd’hui, je le répète, j’étais très fier l’accompagner dans sa journée ici. »
Les défaites, quand elles ne sont pas définitives, obligent à aller chercher son salut en repêchages, ce que Walide faisait, encore une fois en passant par l’exploit, car le Mongol Yondonperenlei, qu’il rencontrait ensuite, était quand même double médaillé mondial et membre du top 5. Le Français l’enroulait brillamment en seoi-nage et se retrouvait à nouveau en position décisive, cette fois pour la médaille de bronze.
Pendant cette bataille à l’Est, à l’Ouest rien de nouveau. Bien que sans doute secoué par la chute de sa sœur en début de journée, l’invincible Hifumi Abe faisait ce qu’il sait sans doute faire de mieux : projeter des adversaires avec une saisie double en bout de manche. Le Hongrois Pongracz, le Tadjik Emomali – qui y laissait son bras pour avoir tenté une réchappe périlleuse, et il était en demi-finale contre le numéro un mondial, le grand technicien moldave Denis Vieru. Celui-ci lui offrait une très belle réplique, mais ne parvenait pas à mettre la main dessus et se faisait finalement inscruster sur un o-soto-gari en bout de manche tourbillonnant, très Abe. Avec lui, on a la tentation de donner des noms spectaculaires aux techniques, comme le font les super-héros de manga. Super-héros, il l’est sûrement avec ce style inimitable et pour l’instant toujours incontrable, et désormais un statut de double champion olympique, à vingt-six ans, avec le triplé olympique de Tadahiro Nomura dans le viseur. Hifumi Abe allait en effet sur sa lancée gagner facilement sa finale, avec un autre super tourbillon contre le Brésilien Willian Lima, un jusqu’au-boutiste du judo tactique qui se jette dès la saisie dans une attaque à plat ventre, sans permettre à l’adversaire de s’exprimer d’aucune façon. Sa radicalité lui valait l’accession en finale des Jeux olympiques. Pourtant, quand on le voit passer son temps à plat ventre, outre le manque de dignité de la posture, on a un peu envie d’interroger les arbitres qui ne le sanctionnent pas : de quelle technique s’agit-il ? Mais ce Brésilien intenable est aussi malin : quand il a bien exaspéré ses adversaires qui se découvrent de plus en plus pour mettre la main sur lui, il finit sur un joli geste judo qui marque pour de vrai. C’est ce scénario qui lui avait permis de battre notre Kazakhstanais Gusman Kyrgyzbayev en demi-finale – ce qui a dû enfoncer un peu plus l’épine dans le cœur de Walide Khyar, qui se serait sans doute bien vu à sa place. Le système Lima ne marche pas sur lui en effet, il l’a toujours battu ! Une finale était à portée.
Gusman Kyrgyzbayev s’empare finalement du bronze contre un outsider serbe, tandis que notre Français se retrouvait face à un tout autre morceau, le redoutable Moldave, qui restait sur trois victoires contre lui. Des exploits, mais pas de miracle. Dans ce combat serré, c’est Denis Vieru qui trouvait finalement la faille par un bel o-uchi-gari au corps-à-corps. Il y avait un chemin vers la médaille, mais il ne passait pas par-là. C’est dommage, comme il en convenait lui-même…
« Je pense que j’étais vraiment à ça d’aller en finale. On sait tous que sur une finale tout est jouable et, aujourd’hui, moi en tout cas c’était dans cet état d’esprit que j’étais là. Je savais que je n’allais pas avoir Abe à un autre moment que sur la finale. Voilà, ça m’a permis d’élever mon niveau. J’étais persuadé d’être au niveau aujourd’hui, j’étais prêt, j’ai rarement été aussi fort et au niveau qu’aujourd’hui… Il y a ces journées là où l’on a l’impression d’être intouchable mais aujourd’hui, mon adversaire, ça a été moi-même, et j’ai perdu contre moi-même. J’espère garder de très bons souvenirs, je vais essayer de ne penser que à ça, qu’au positif, les émotions que ça m’a procuré aujourd’hui, le bon côté de cette journée incroyable. Quand je dis incroyable, c’est avec un public incroyable, des gens qui étaient à fond, à fond, à fond. Je n’ai pas touché mon téléphone de la journée, mais je pense que pareil, il y a des gens qui ont dû me soutenir de loin. Donc voilà, fier quand même, fier du chemin parcouru, fier de tout ce que j’ai fait pour en arriver là, ça a été des heures, des heures, des heures d’entraînement, des semaines, des mois, des années, avec un rêve en tête. Voilà, c’est mes deuxièmes Jeux olympiques. L’avenir nous dira s’il y en aura des troisièmes, en tout cas je l’espère. »
Amandine Buchard était-elle dans un bon jour ? Ce n’était pas l’impression qu’elle donnait, mais face aussi à des adversaires dangereuses, dont notamment au deuxième tour la Brésilienne Larissa Pimenta, qui l’était, elle, puisqu’elle allait déjouer les pronostics et se hisser sur le podium à la fin de la journée. Ce n’est plus non plus tellement une question que l’on se pose, on est désormais un peu habitué à ce faux rythme de notre quintuple médaillée mondiale et finaliste olympique, qui parvient tout de même à chaque fois, ou presque, à battre la mesure et à mener la fanfare. Tout le monde s’était donc dit que s’était tout de même son jour, bon ou mauvais, puisqu’elle était à Paris, et puisque Uta Abe, son unique véritable rivale, était tombée d’entrée. Mais l’entraîneur Christophe Massina en faisait une lecture inverse.
« Le fait de voir Abe sortir, forcément, comme Giuffrida battue par Pimenta, juste avant sa place de trois, il y a des choses qui… On le ressent, ça ne se voit pas, mais on ressent que d’un seul coup, ça pourrait m’arriver. Donc voilà, il faut jouer avec ça. Je lui en ai parlé déjà cette semaine. Je lui ai dit « tu sais, tout le monde parle d’Abe mais, ça se trouve, Abe va perdre sur Keldiyorova. Donc c’est match après match et on reste focus dans ce qu’il y a à faire en fait. On ne se projette pas, on n’est pas dans la projection du match d’après, on n’est pas dans la projection d’une médaille ou d’un titre, on est dans l’instant présent et dans le moment. »
Crispée donc, et assez pour se retrouver menée sur les mains, et contrée sur une de ses propres tentatives de kata-guruma, son arme maîtresse, par l’Ouzbèke Diyora Keldiyorova. Par qui ? Mais oui, vous avez suivi, il s’agit bien de la combattante qui s’était déjà payée au matin une victoire sur l’intouchable Abe. Très sûr d’elle, la numéro un à la ranking se comportait comme une numéro un tout court, confiante et précise sur ce qu’elle avait à faire. Après avoir piégé Abe, c’est Buchard qui se faisait prendre. La Française allait ensuite au bout de cette journée sans élan, en s’offrant, c’était l’essentiel, le bronze olympique face à la Hongroise Pupp, qu’elle avait jusque-là toujours battue. Parfois non sans mal, comme avait su lui rappeler son entraîneur Massina.
« Je lui ai rappelé que les deux dernières fois, elle lui avait rentré dans la gueule et qu’elle est ressortie du match des championnats du monde d’Abu Dhabi très énervée. Et puis j’ai une petite photo dans mon sac, qui est juste au moment où Amandine finit le match, qui est à quatre pattes et Pupp qui est debout. C’est une petite image qui a servi. »
Il fallait donc se réjouir de cette seconde médaille olympique, même si elle n’était pas en or, comme savait le faire l’intéressée elle-même.
« Il y a des moments où j’ai cru que j’allais perdre cette flamme pour le judo. J’ai fait des choix qui ont été particuliers, qui ont été atypiques mais, au final, je suis revenue, j’ai été médaillée sur tous les podiums, sur toutes les compétitions où je suis sortie. Et aujourd’hui, je suis vraiment fière de finir une nouvelle fois sur ce podium olympique. Aux Jeux olympiques, c’est une compétition particulière, il ne faut pas être trop sûre de soi. On a tous deux bras, deux jambes, on démarre tous avec un pied d’égalité sur ces Jeux. Et ça a juste montré que tout est possible. Au final, j’ai vraiment été au bout de moi-même et l’énergie qui me manquait je l’ai prise dans le public. Mes proches sont venus, c’était particulier pour moi parce que je n’avais jamais eu de famille dans les gradins. Et aujourd’hui j’en ai eu énormément, et je leur devais cette médaille pour m’avoir soutenue toutes les fois où ça a été difficile (pleurs). Quand j’ai gagné, franchement, j’ai pensé à mon père et j’ai pensé aux personnes qui étaient dans les gradins et qui m’avaient encouragée. Je l’ai fait pour moi mais, franchement, je l’ai fait aussi pour eux, parce qu’avec les encouragements qu’ils m’ont donné tout au long de la journée, je leur devais bien ça. Vous savez, quand j’ai commencé à ressentir un peu de pression dans la chambre d’appel, tout était gommé par les encouragements du public. J’avais juste envie de me transcender et de me battre. Donc non, franchement, cela n’a pas été la compétition où j’ai été la plus stressée, vraiment. Je me suis conditionnée à ce que ce soit peut-être mes derniers, pas dans le sens où j’ai envie d’arrêter, mais on ne sait jamais si ça peut arriver. En me conditionnant comme ça, il fallait que je profite, que je kiffe ma journée. Profiter parce que, dans une carrière de sportive de haut niveau, c’est une chance incroyable de pouvoir avoir les Jeux à domicile. Je me suis juste dit « kiffe, tu ne peux pas gâcher ça avec du stress. Profite, ils sont là pour toi et vas kiffer avec eux ». Un petit clin pour Totoff’, parce que je pense que ce sera notre dernier ensemble. Et, franchement, pour lui, pour moi, c’est important que l’on soit parvenu à gagner ensemble. »
Il n’empêche qu’en ce deuxième jour, après deux médailles féminines, une finale masculine et une cinquième place, soit un excellent départ qui rassure sur le potentiel du groupe France, on cherche toujours le moment de transcendance qu’on aimerait vivre avec eux, et que le destin semble laisser entrevoir, le moment de dépassement du cadre, le décrochage de lune, la fortune saisie par les cheveux, prise d’opportunité qui se présente ou que l’on fabrique. Les Français sont bien, ils sont à leur place, et cela ne nous suffit pas.
Une qui ne se pose pas la question des regrets, c’est la protégée du directeur technique Marko Spittka en Ouzbékistan, Diyora Keldiyorova, vingt-six ans, un master en poche, un mari, et quatre langues, parlé et écrit, sur son CV. Couchée à dix heures, nous explique l’ancien champion allemand, sérieuse à l’entraînement, elle a travaillé toutes les situations, tous les types d’adversaire pour ne plus être surprise, même par une Uta Abe qui débarque dans son quart et qu’elle doit prendre au premier tour des Jeux olympiques. Même par les kata-guruma infernaux de la fantasque Française, et même par l’autorité technique et l’aura de la championne olympique 2021 des -48kg, la Kosovare Distria Krasniqi, intransigeante jusque-là, qui venait la confronter en finale avec la volonté d’être la première féminine double championne olympique dans deux catégories différentes. C’était destin contre destin. Le jeu des Jeux. Et c’est une nouvelle fois Diyora Keldiyorova qui accomplissait le sien, s’offrant le scalp d’une nouvelle légende, tableau de chasse mythique de cette journée historique. Sans frémir, elle enroulait la kosovare dans un seoi-nage précis et rapide. La patronne, c’était elle.
Comme hier Tara Babulfath la Suédoise, Diyora Keldiyorova l’Ouzbèke, première fois médaillée et première championne olympique des Jeux d’été de l’histoire de l’Ouzbékistan change la donne et le paysage des catégories féminines. Il y a une jeune dauphine nordique en -48kg, une nouvelle reine est dans la place en -52kg, et elle vient des steppes ouzbèkes. C’est une excellente nouvelle.
Le soleil brille toujours sur Paris ce lundi et c’est au tour de Sarah-Léonie Cysique d’aller chercher la médaille olympique en -57kg. Joan-Benjamin Gaba jouera son va-tout en -73kg.