Un nom à retenir ce dimanche ? Celui de Tanou Keita (ASPTT Strasbourg)

Championnats de France cadets 2015, acte 2. Après la belle journée d’hier et ses finales exaltantes, on espérait un « bis repetita » pour les catégories mi-lourdes et lourdes qui clôturaient cette compétition. Bilan ? Des finales inégales où l’envie et le mental auront eu rôle majeur, au détriment parfois de la technique et du spectacle. Des qualités néanmoins indispensables pour aller chercher le 1er trophée significatif pour les jeunes pousses du judo français.
Chez les filles, le club de la Vallée de l’Oise et des Impressionnistes (VOI Judo) remportent deux des quatre catégories du jour, avec Betty Bonnet et Alexia Vega. Chez les garçons, performance remarquée de Flam 91 avec une médaille d’or, celle d’Eniel Caroly et une d’argent, conquise par Yohan Raynaud.

VOI pour un doublé

C’est la catégorie des -57kg qui avait l’honneur d’ouvrir le ballet final. Face à face, Betty Bonnet et Fatiha Moussa (ESBM). Un combat intense, où les passages au sol auront constitué le cœur de l’affrontement, avec des tentatives intéressantes mais non concluantes de juji-gatame de B. Bonnet, 5ème à Cannes fin janvier, qui s’impose finalement d’un minuscule mais suffisant shido.
Première médaille d’or pour le club d’Auvers-sur-Oise du jour.
En -63kg, Alexia Vega, conquiert sa seconde médaille nationale en or, après celle acquise l’année dernière dans cette même salle de l’Arténium, en -57kg. En finale, elle rencontrait l’une de ses principales concurrentes pour la gagne, Assia Said Errhamani (AM Condé), 2ème au Tournoi de France fin janvier. Toutes les deux droitières, leur garde emboîtée annihilait les tentatives respectives de l’adversaire sur le début de combat. A ce petit jeu, on sentait bien que le moindre relâchement se paierait cash. Ce qui arriva à la mi-combat : Said Errhamani voyait tourner son adversaire pour un tai-otoshi qu’elle ne pouvait esquiver et se faisait projeter, dérouler plutôt, pour un waza-ari qui aura pris son temps. Menée, la judokate nordiste n’avait plus le choix. Mais sur une attaque moins maîtrisée, elle se faisait piquer au sol par A.Vega qui finissait le travail sur une immobilisation pleine d’opportunisme et de détermination.
En -70kg, c’est une jeune fille qui avait déjà fait forte impression sur la Croisette qui s’adjuge un titre que beaucoup lui prédisait.
Vainqueur à Cannes, Dorine N’Tchampo (JCMB), aura montré une palette technique prometteuse, dans la plus belle finale féminine du jour. Car son adversaire, Candice Lebreton (JCRV), a crânement joué sa chance dans un combat où les deux jeunes filles ont proposé de très intéressantes séquences au sol : tentatives de sankaku-jime (une technique qu’on a beaucoup vu ce week-end !) côté D. N’Tchampo, travail en juji-gatame côté C.Lebreton.

Dorine Ntchampo/Thomas Rouquette

Pourtant, le sort de de cette finale allait se jouer debout : une attaque en ippon-seoi-nage un peu précipitée de C. Lebreton, une esquive de N’Tchampo et un placage en règle sur le dos de son adversaire. Ippon et médaille d’or autour du cou d’une jeune fille au joli sourire et au judo prometteur.
Chez les lourdes, là aussi, pas de grosse surprise puisque c’est Sarah Ponty (JC Marnaval), déjà victorieuse à Cannes, qui gagne. Mais ce fut dur. Un combat brouillon, sans attaque tranchante où le mental et la condition physique auront joué les juges de paix. Dominée en début de combat, la Champenoise prenait peu à peu puis irrévocablement le dessus sur son adversaire du jour, Emma Saudrais (JC Juniville).
Avec un Francis Clerget bouillonnant sur la chaise, ce combat ira jusqu’au bout des quatre minutes pour voir S.Ponty s’imposer d’un petit, mais très précieux shido.
Une jeune fille qui fait un peu penser à son aînée chez les seniors, Emilie Andéol. Une âme de combattante qui s’impose en s’appuyant sur des vertus d’abnégation qui, au final, paient. Il n’y avait qu’à voir la joie, l’émotion même du patriarche de Marnaval partager le bonheur de sa protégée à la sortie du tapis pour comprendre que cette victoire avait un goût particuliel. Sans doute la victoire de la motivaition, de la volonté et du travail pour une fille qu’on n’attendait peut-être pas à un tel niveau de résultat. En tout cas une belle image de judo.

Tanou Keita séduit, Flam 91 engrange

Lors d’une 2ème journée réglée encore une fois comme du papier à musique, c’était la catégorie des +90kg qui initiait le dernier ballet des finales de ce week-end avec deux garçons dont la côte était haute ce matin. Alex Abidi (OM Judo), battu au 1er tour à Cannes, 3ème à Nîmes et Clermont fin 2014 et Tanou Keita, monté de catégorie tout récemment puisque 7ème à Cannes en -90kg. Pesée à 91 kg le matin même ce beau bébé, cadet 2ème année, a été la révélation de cette seconde journée.
Une belle posture, des déplacements élégants et fluides, des mouvements tantôt limpides, tantôt explosifs. Ayant fait le ménage dans son tableau, ce jeune sociétaire du Pôle France Strasbourg se voyait donc opposer l’un des sociétaires au kimono frappé du célèbre logo bleu ciel avec deux lettres qui font vibrer tout une ville.
Un combat sans round d’observation pour deux combattants volontaires pour le corps-à-corps. Sur un court déplacement latéral A. Abidi sortait de son chapeau un très joli okuri-ashi-barai que personne n’avait vu venir. Yuko. Un avantage qui ne semblait pas perturber T. Keita, visiblement confiant dans sa capacité à trouver l’ouverture pour le mouvement qui allait faire mouche. Elle se présentait rapidement, pour un incroyable utsuri-goshi du Strasbourgeois, à la Kim Polling en finale des -70kg lors championnats d’Europe 2014. Mais un contrôle moins assuré et une belle souplesse du Marseillais écartait le ippon. On sentait que le sociétaire de l’ASPTT Strasbourg pouvait tuer le combat au moindre relâchement d’Abidi. Une première banderille, avant un tai-otoshi d’école de T. Keita compté waza-ari. Puis dans la continuité, sur une tentative de o-uchi-gari au corps-à-corps du jeune Marseillais, Keita arrivait cette fois-ci à dégager sa jambe pour un ura-nage salué à sa juste valeur par le public. Une victoire logique, convaincante et prometteuse pour un judoka ayant eu donc la judicieuse idée de monter de catégorie en cours de saison. Un bon exemple à suivre ? Il va lui falloir désormais faire ses armes sur le circuit européen et international, mais Tanou Keita s’est révélé en ce dimanche lyonnais.

Tanou Keita/Thomas Rouquette

Dans les autres catégories du jour, c’est tout d’abord Dorian Thome (Anemasse) qui s’octroie l’or en -90kg. Troisième dans la ville du célèbre Festival du film, le judoka savoyard s’adjuge la victoire sur joli yoko-guruma dans un combat bien maitrisé. On attendait Paul Devos (Eure Judo), finaliste à Cannes et performant à l’international puisque 2e à Zagreb et 1er à Fuengirola. Mais battu par le futur finaliste, Samir Rahali (JCE Argenteuil), P. Devos s’inclinait aussi en repêchage.
En -81kg, une des autres bonnes surprises du jour avec la victoire d’un jeune arménien, Narek Mkrtchyan (JC Grand Quevilly), coaché par Paco Legrand (voir interview). Un judoka avec les qualités physiques propres aux garçons de l’Europe de l’Est, un judo pas encore bien structuré voire parfois un peu « fou fou », mais très dynamique et déstabilisant pour l’adversaire.

Face à lui, Yohan Raynaud (FLAM 91), 3e à Cannes. Du solide avec une journée parfaitement maîtrisée jusqu’en demi-finale où il l’emportait d’un petit shido.
Une opposition de style et d’attitude. Les premières attaques du jeune Arménien de Normandie au collier de barbe parfaitement rasé faisaient office de test pour jauger et sentir l’adversaire. Et alors que les impacts commençaient à devenir forts, il sortait une merveille de morote seoi-nage qui plaquait Y. Raynaud sur le haut des épaules. Un mouvement inattendu et explosif, un vrai chef d’oeuvre. La joie du grand frère d’Ugo était belle à voir sur la chaise, heureux pour ce combattant fou de judo.
En -73kg enfin, l’ultime finale du jour nous aura offert un très joli spectacle avec comme principal animateur Eniel Caroly (FLAM 91). Encore un protégé de Kilian LeBlouch, dont l’engagement derrière ses jeunes athlètes aura marqué cette année 2015. Le petit frère Caroly, auteur d’une superbe journée, a montré de très belles choses avec en point d’orgue un combat pour l’or qu’il aura dominé de la tête et de épaules. Face à lui, Benoit Laurencin (AM Collonges) n’a pu que constater les dégâts. Menant rapidement waza-ari sur o-uchi-gari emboîté, le judoka essonien marquera yuko avant de finir le travail sur un superbe uchi-mata en cercle. Du bel ouvrage !

Un week-end qui se finit donc sur une belle moisson du FLAM 91 avec deux médailles d’or et une d’argent. VOI Judo finit lui avec deux or et une bronze, jute devant le Sporting Club de Marnaval, deux or.

Réactions :
Dorine Ntchampo (Judo Club des Marches de Bretagne), vainqueur en -70kg :
« C’est vraiment super ! J’ai travaillé d’arrache-pied et aujourd’hui je suis récompensé. En fait, j’ai beaucoup bossé cette année au Pôle France d’Orléans avec Julia Etienne, la championne de France 2014 dans cette même catégorie. Ce que j’aime bien faire sur un tapis ? Uchi-mata et tani-otoshi. Et en ne-waza, mon passage au Pôle Espoir de Rennes m’a énormément apporté ».

Paco Legrand, professeur au JC Grand Quevilly de Narek Mkrtchyan, vainqueur en -81kg : « L’année dernière on a créé une école internationale avec cinq Géorgiens, un Ukrainien, qui est actuellement champion d’Ukraine, et quatre Mongols. C’était une expérience très enrichissante pour nous, pour les jeunes et pour Narek qui a pu pratiquer avec les Géorgiens et l’Ukrainien pendant toute l’année. Malheureusement nous n’avons pu le refaire car on a pas été assez soutenu au niveau des partenaires. Narek ? Il est arrivé en France il y a 8 ans. Il était ceinture blanche et depuis nous avons commencé à le former. En fait il a les qualités physiques d’un judoka de l’Est. En fait et mon boulot consiste à canaliser ce physique pour lui apporter tous les déplacements et la technique. Ce gamin c’est une perle ! On a l’impression qu’il découvre la vie et le judo au fur et à mesure. Il a toujours les yeux grands ouverts,  il est curieux de tout. C’est un fan de judo et d’Ugo. Bref, ce gamin ce n’est que du bonheur de l’entraîner ! ».

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