Alyssia Poulange contre Alicia Marques, finale des -52kg.
Crédit photo : Thomas Rouquette/L’Esprit du Judo

Ce week-end se sont déroulés les championnats de France cadets à l’Institut du Judo. Un événement dense et aux nombreux enseignements. En voici les cinq principaux.

1) Une compétition à la logistique poussée à ses limites
L’organisation globale, fixée par le cahier des procédures de la fédération, était presque identique à celle des championnats de France juniors il y a un mois : six surfaces de combat de six mètres sur six, une salle d’échauffement (le dojo Awazu), une chambre d’appel et une tribune réservée aux VIP et aux cadres techniques.
Le seul changement ? Il avait été décidé de décaler le début des catégories féminines le samedi et le dimanche, afin d’éviter un engorgement de la salle d’échauffement, qui aurait posé des problèmes au niveau des règles de sécurité. Une décision qui se trouva, très vite, à atteindre ses limites. Samedi, la compétition a débuté à 9 heures du matin pour s’achever à 20 heures. Les six qualifiés en -66kg pour le bloc final, qui avaient terminé la phase éliminatoire vers 12h, ont donc dû attendre près de huit heures pour remonter sur le tapis. Une journée marathon. Longue, trop longue sans doute même pour tous : combattants bien sûr, mais aussi professeurs, arbitres, parents et organisateurs.
Un problème organisationnel ? Non. Le pêché originel est à chercher bien plus du côté du nombre de participants. Prenons les chiffres : ce week-end, 939 combattants ont foulé les tatamis de l’Institut du Judo. Une centaine ou presque de plus que l’année dernière, où 842 judokas avaient participé à ces championnats de France. Les -55kg ? Soixante-six participants. Les -48kg ? Soixante-deux judokates.
La raison de cette augmentation ? Les bonus attribués aux ligues (voir ce document) depuis cette saison et qui ont fait substantiellement gonfler le nombre de participants. Un week-end très long pour tout le monde qui soulève du coup des interrogations : ne faudrait-il pas baisser le nombre de combattants par catégorie pour proposer un cadre plus serein et confortable pour tous ? Quel nombre pertinent pour l’événement qui rassemble l’élite cadets du judo français en sachant qu’il existe des championnats de France 2e division et espoirs pour cette catégorie d’âge ? Des raisons logistiques et sportives devraient pousser à s’interroger sur cette question.

2) De beaux finalistes
Si certains des inquiétudes observées à la coupe de France minimes étaient également présentes ce week-end (voir plus bas), le judo proposé par la grande majorité des finalistes fut remarquable à suivre. Samedi, le combat pour le titre entre Alyssia Poulange (SO2J Saint Ouen) et Alicia Marques (JC Orthézien) en -52kg fut le plus excitant du jour. Pas vraiment un hasard puisque ces deux judokates s’étaient distinguées il y a un mois, ici-même lors des championnats de France juniors, Alyssia Poulange remportant l’argent alors qu’Alicia Marques terminait en bronze.
Deux judokates qui firent montre d’une nette supériorité tout au long de la journée avant une finale à haute intensité, marquée par époustouflant travail en ne-waza de Poulange : sankaku classique suivi d’un sankaku à la manière de Mark Huizinga, évolution vers un retournement classique avant un changement d’axe à 180 degrés pour une clé de bras imparable. Du travail d’orfèvre.
Le dimanche, Désir Zoba Casi (-73kg, Bold Academy) fit parler son impact et son sumi-gaeshi, un spécial que ce gaucher maîtrise fort bien. Notons aussi les uchi-mata de Julie Des Cognets (-57kg, Kumo) et David Gnafoua (Arts martiaux d’Asnières), le o-uchi-gaeshi terrible d’Anais Nebout-Gonsard (-70kg, Stade Clermontois Judo) ou le ippon-seoi-nage supersonique de Mathéo Akiana Mongo (+90kg, Sainte Geneviève Sports Judo). Il y eut beaucoup de spectacle ce dimanche lors du bloc final. Du suspense, de la tension. Un très bon moment de judo.

3) Une inégalité à la ranking list
Le problème fut soulevé par plusieurs professeurs et entraîneurs. La problématique est la suivante : il est interdit aux cadets première année de participer aux championnats de France juniors, contrairement aux cadets deuxième et troisième années. Une inégalité par l’âge face à la possibilité de marquer des points pour la ranking list. Une inégalité d’autant plus grande que le nombre de points pouvant être marqué par un cadet aux championnats de France juniors est particulièrement substantiel : 350 points pour une troisième place. Soit 150 points de plus qu’une victoire en coupe européenne, et cinquante points de moins, à peine, qu’une victoire lors des championnats de France cadets.
Des points qui comptent, mais uniquement pour les dix meilleurs de la ranking list, et qui peut bouleverser du coup les têtes de série aux championnats de France cadets… sous le regard impuissant des cadets première année.
Une question de la ranking list qui amène du coup l’interrogation suivante, rejoignant le premier point abordé : pourquoi ne pas revenir au système originel, avec des championnats de France cadets situés avant les championnats de France juniors ? Le calendrier international plaide pour cela puisque les championnats d’Europe cadets ont lieu généralement fin juin, pour début septembre pour les juniors. Avec la multiplication des coupes européennes, les trois tournois sélectifs pour chaque catégorie d’âge trouveraient à être planifiés sans trop de difficulté.

4) L’île-de-France dominatrice
Un fait qui n’étonnera pas vraiment. Du côté des structures, le pôle espoirs de Bretigny termine en tête avec quatorze médailles : trois titres, deux médailles d’argent et neuf de bronze. Mais il est talonné de près par le pôle France de Strasbourg : trois médailles d’or, une d’argent et une de bronze. Le pôle espoirs de Poitiers complète le podium avec deux titres, une médaille d’argent et deux de bronze.
Suivent les pôles espoirs de Nice, Marseille, Rouen et Clermont-Ferrand.
Au niveau des clubs, joli week-end pour le Sainte-Geneviève Sports de Pascal Renault qui décroche la première place avec deux titres (Daniel Kotche en -90kg et Mathéo Akiana Mongo en +90kg) et une médaille de bronze. La deuxième place va au SO2J Saint-Ouen et à ses deux remarquables judokates que sont Alyssia Poulange et Jaelynn Chipan, en argent chez les -63kg.
Au niveau des ligues, enfin, l’Île-de-France domine largement avec sept titres, trois médailles d’argent et quinze de bronze. La PACA suit avec trois titres, une médaille d’argent et quatre de bronze. La Normandie termine troisième avec deux titres, trois médailles d’argent et une de bronze.

5) Prime à la tactique 
C’est la suite logique de l’observation faite à la coupe de France minimes, le week-end dernier. Le bloc final de samedi a confirmé l’inspiration – problématique – trouvée par une minorité de cadets français dans le judo produit au plus haut niveau international. Par quoi cela se traduit-il ? Des séquences ultra-courtes, où activité et attaque sont totalement confondues avec un principe de préparation globale – déplacement puis déséquilibre (kuzushi) – absent, et où la recherche du faire tomber n’apparaît plus comme l’objectif premier. L’idée, l’obsession devrait-on dire ? Être le premier à être en activité pour un coup double : prouver à l’arbitre que l’on est constamment sur l’initiative, tout en empêchant ainsi à son adversaire de mettre en place une attaque forte. Une forme de négation des principes de notre discipline, encouragée par les règles de l’arbitrage mondial, comme on a encore pu le voir ce week-end à Antalya lors du combat pour la troisième place entre le Brésilien Lima et le Kazakhstanais Kyrgyzbayev en -66kg.
Une situation qui amena, comme chez les grands, à de longs golden score pour des combats hyper séquencés où il ne se passa finalement pas grand-chose. Si cette configuration fut heureusement minoritaire, elle n’en reste pas moins réelle.